Enjeux géostratégiques mondiaux : Les risques de conflits et de… pénurie d’eau

Abderrahmane Mebtoul

Selon les études du Groupe intergouvernemental d’experts des Nations unies sur l’évolution du climat, de l’Institut international pour la gestion de l’eau, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et de l’Unesco, soixante-dix pour cent de la surface de la Terre est recouverte d’eau, mais 97,5% de cette eau est de l’eau salée. Des 2,5% restants d’eau douce, 68,7% est gelé dans les calottes glaciaires et les glaciers. Cela concerne tous les continents, dont l’Afrique-continent glissant vers la semi-aridité avec les risques de désertification restent très élevés.

Par Abderrahmane Mebtoul

Une étude de l’ONU prévoit une sécheresse de grande ampleur entre 2025/2030 qui aura des répercussions économiques et sociales. Pour l’Algérie , l’état major de l’ANP/MDN dans plusieurs rencontres présidé par le chef d’Etat-major de l’NAP reproduites dans la revue du Ministère de la défense nationale Al Djeich entre 2020/2023 a mis en relief les enjeux géostratégiques et mis en garde contre de pénurie d’eau touchant la majorité des continents et notamment l’Afrique dont le Maghreb et les récents évènements, tensions sur l’eau dans bon nombre de régions, ont confirmé ces prévisions.

1 – A l’échelle de la planète, on estime qu’environ 40 000 km3 d’eau douce s’écoulent chaque année sur les terres émergées, lesquels, partagés où en 2018 la population mondiale était estimée, selon l’ONU et la Banque Mondiale de 7 570 457 268 habitants et plus de 8 milliards depuis janvier 20241, , devant fournir 5700 m3 d’eau douce à chacun soit près de 16 000 litres d’eau par jour.

C’est que, plus d’un tiers de l’humanité, soit, plus de 2 milliards d’habitants survivent avec moins de 5 litres d’eau par jour, moins de 1700 litres par an (1.7 m3), c’est ce qu’on appelle le «stress hydrique» concentré en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique.

Selon l’ONU, au taux actuel de croissance de la population et de ses besoins en eau douce, entre 2025/2030 la quantité moyenne d’eau douce disponible devrait chuter de 6600 à 4800 m3 par habitant et par an, soit une réduction de près d’un tiers.

A cette date, les experts estiment que 5 fois plus d’habitants qu’aujourd’hui seront touchés par la pénurie d’eau. Cela présage des conditions naturelles singulièrement plus difficiles qu’aujourd’hui, dont les conséquences commencent à se faire sentir dans beaucoup de régions.

Nous sommes largement en dessous de ce quota bien que les réserves d’eau douce sont théoriquement globalement suffisantes pour répondre à l’ensemble des besoins s’il y avait une répartition égalitaire et une utilisation rationnelle de cette ressource avec la forte pression démographique qui a fait sue que la surface totale des terres irriguées a été multipliée par cinq depuis le début du XXe siècle, principalement en Asie (Chine, Inde, Pakistan).

Comment ne pas rappeler qu’environ 1500 litres d’eau douce sont aujourd’hui nécessaires pour la récolte d’un seul kilogramme de blé alors que 80% des nouveaux besoins alimentaires planétaires, induits par la croissance démographique d’ici à l’an 2030, devront être satisfaits par l’agriculture irriguée qui monopolise déjà 70% des potentialités hydriques mondiales du tourisme, de l’industrie et de l’irrigation.

Avec le réchauffement climatique, l’atmosphère présente une modification importante dans la distribution géographique de la forte température globale, pouvant entraîner une nouvelle répartition des climats de la planète, la température risquant de diminuer dans une région et augmenter dans une autre avec résultat une hausse ou une baisse des chutes de pluies. Ainsi les zones humides peuvent connaître des inondations catastrophiques par suite de l’intensification des pluies.

Les zones arides et semi-arides risquent de subir le phénomène de désertification à cause de la raréfaction des pluies. Au plan mondial, la question de l’approvisionnement en eau devient chaque jour, plus préoccupante, mettant gravement en péril le ravitaillement en eau douce d’une grande partie de l’humanité.

Mais fait important, il existe une répartition inégalitaire de la population humaine sur Terre et des ressources en eau, mal répartie et inégalement exploitée.

Ainsi, selon les études de l’ONU, l’Asie concentre 60% de la population humaine, mais ne dispose que de 30% des réserves en eau disponibles. Les régions arides qui reçoivent moins de 250 mm d’eau par an couvrent près de 20% des terres émergées et 1/5e des continents ne dispose d’aucune ressource propre en eaux fluviales.

La consommation d’eau croît avec le niveau de vie des populations, les nombreux équipements qui apparaissent dans les foyers facilitant l’usage de l’eau.

Ainsi, les Européens consomment aujourd’hui 8 fois plus d’eau douce que leurs grands-parents pour leur usage quotidien. Un habitant de Sydney par exemple consomme en moyenne plus de 1000 litres d’eau potable par jour, un Américain de 300 à 400 litres, et un Européen de 100 à 200 litres alors que dans certains pays en développement, la consommation moyenne par habitant ne dépasse pas quelques litres.

En moyenne, si un Tunisien se contente de 100 m3 d’eau par an, un Français en consomme cinq fois plus, soit 1400 litres par jour. Comme il existe des modalités opératoires différentes dans l’usage de l’eau.

Ainsi, selon l’ONU, la Grande Bretagne consacre 27% de son eau aux besoins domestiques, 71% à ses industries et seulement 2% à son agriculture, et l’Inde 2% pour ses besoins domestiques, 2% pour son industrie et 96% pour son agriculture.

Si parallèlement la tendance actuelle à l’augmentation des prélèvements en eau se poursuit, environ les deux tiers de l’humanité devraient être en situation dite de stress hydrique en 2025, seuil d’alerte retenu par l’Organisation des Nations unies (ONU) et correspondant à moins de 1700 mètres cubes d’eau douce disponible par habitant et par an. Aujourd’hui, déjà un habitant sur cinq n’y a pas accès. 

Or, selon l’ONU, sur les 33 mégapoles de plus de 8 millions d’habitants qui existeront dans 15 ans, 27 seront situées dans les pays les moins développés et donc les moins à même de pouvoir répondre aux besoins.

Par ailleurs, le risque d’une pénurie d’eau douce existe donc bel et bien et l’ un des problèmes majeurs en matière d’eau douce et d’alimentation humaine est posé par l’irrigation. Car pour nourrir toute la population de notre planète, la productivité agricole devrait fortement augmenter, alors que l’irrigation absorbe déjà aujourd’hui 70% des prélèvements mondiaux, une consommation jugée très excessive, celle-ci devrait encore augmenter de 17% au cours des 20 prochaines années.

D’où l’importance d’utiliser d’autres techniques d’irrigation plus appropriée comme le goutte à goutte car le facteur déterminant de l’approvisionnement futur en eau douce sera le taux d’expansion de l’irrigation.

Autrement dit, seule une nette amélioration de la gestion globale de l’irrigation permettra, réellement, de maîtriser la croissance de la consommation.

A. M.
La suite dans notre édition de demain

Quitter la version mobile