Invité sur les ondes de la Radio nationale Chaîne III, Boukhalfa Yaïci, Directeur général du Green Energy Cluster Algeria, a dressé un constat lucide de l’état d’avancement du programme national des énergies renouvelables, tout en formulant une série de propositions ambitieuses pour relancer l’investissement privé et étranger dans le secteur.
Son mot d’ordre : changer de modèle pour passer à l’échelle. Revenant sur le programme solaire de 3200 MW lancé en 2023, Yaïci a reconnu que, malgré certains retards, l’initiative avance dans un « écosystème encore en rodage ».
Cependant, il alerte déjà sur l’absence de perspective post-3200 MW, qui pourrait créer un nouveau vide d’investissement comme celui observé entre 2013 et 2023. «Il faut dès à présent anticiper l’“après-3200 MW” pour donner de la visibilité aux investisseurs », insiste-t-il.
«Ouvrir grand les vannes» du financement Pour passer à une nouvelle phase, un changement de paradigme est
nécessaire. Yaïci préconise de sortir du schéma EPC (projets clés en main financés par l’État) au profit du modèle IPP (producteurs indépendants), où les développeurs assurent eux-mêmes le financement et la gestion.
Le décret de 2017, amendé en 2021, autorise déjà ce format, mais n’a jamais été activé.
«Il faut franchir le pas dès la prochaine vague», estime-t-il, pour compléter les 3 milliards de dollars mobilisés pour la tranche actuelle.
Il appelle aussi à exploiter la loi de finances 2025, qui autorise le recours aux capitaux étrangers : « Des acteurs japonais, allemands ou chinois sont prêts à investir dans des projets IPP en Algérie ».
L’intervenant recommande en outre l’autorisation des PPAs privés — contrats directs entre producteurs solaires et grands industriels — pour leur permettre d’accéder à une électricité verte et contourner les pénalités carbone européennes (CBAM).
Côté industriel, il invite à relancer les usines nationales de panneaux solaires, actuellement sous-utilisées, en appliquant le décret de 2020 qui prévoit un abaissement des droits de douane à 5 % pour les importateurs atteignant 20 % de contenu local.
Autre mesure défendue : intégrer un bonus “contenu local” dans les cahiers des charges pour offrir une chance aux fabricants algériens face aux géants asiatiques.
Le patron du Cluster propose également de dynamiser la filière solaire en s’ouvrant à de nouveaux segments : «Agriculture du Sud : déployer des mini-centrales solaires avec stockage pour alimenter les périmètres agricoles isolés, sans devoir tirer de longues lignes électriques coûteuses. Petits projets industriels et tertiaires : lancer des appels d’offres de quelques mégawatts, accessibles aux PME algériennes, pour créer une « rampe de lancement à la supply-chain nationale ».
Par ailleurs, Yaïci insiste sur la stabilité institutionnelle, déplorant les changements fréquents de tutelle
des EnR : « Il faut une feuille de route décennale claire. »
Et de conclure avec fermeté : « Commençons par appliquer les décrets existants avant d’en produire de nouveaux».
Évoquant le dossier stratégique de l’hydrogène vert, l’invité de la radio appelle à positionner l’Algérie dans les négociations internationales, notamment avec l’Europe dans le cadre du projet South H₂ Corridor. Sans soutien extérieur, le coût de production (5 à 10 $/kg contre 1 $/kg pour l’hydrogène gris) rendrait toute exportation non compétitive.
A. R.