Dans un contexte marqué depuis quelques jours par la multiplication de coupures opérées par la Russie sur ses livraisons vers pour l’Europe de l’ouest, Bruxelles intensifie ses démarches pour trouver d’autres sources alternatives qui lui permettront de sécuriser ses approvisionnements alors que la saison hivernale approche.
Par Mohamed Naïli
Dans cette perspective, l’Union européenne vient d’exhorter ses Etats membres à multiplier d’efforts auprès de leurs partenaires respectifs parmi les pays exportateurs de cette énergie pour renforcer les approvisionnements des 27. C’est ce que vient de rapporter le quotidien espagnol Libremercado, en évoquant notamment l’appel de Bruxelles à « relancer le dialogue énergétique avec l’Algérie », afin de trouver notamment des issues pour aboutir au renforcement des livraisons en gaz algérien vers le continent européen.
Intervenant à la veille de la visite du président français en Algérie, du 25 au 27 août courant, la question énergétique, particulièrement le gaz, sera à coup sûr au centre des discussions qu’aura Emmanuel Macron avec le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, qui tenteront de trouver une stratégie nouvelle à travers laquelle l’Algérie contribuera à la sécurité des approvisionnements en Europe où des pays clé, à l’instar de l’Italie, la considèrent comme « un partenaire fiable ».
Au-delà de la crise conjoncturelle actuelle, Bruxelles escompte, selon le média espagnol, faisant référence à des sources au sein de la Commission européenne, « construire des partenariats à long terme mutuellement bénéfiques, promouvant les énergies renouvelables et augmentant l’efficacité énergétique dans le monde entier et coopérant dans les technologies vertes et l’innovation ».
C’est pourquoi donc, l’option est portée, du côté des 27 sur la conception d’une « nouvelle plateforme énergétique de l’UE (qui) jouera un rôle clé dans la mutualisation de la demande, la coordination de l’utilisation des infrastructures, la négociation avec les partenaires internationaux et la préparation d’achats conjoints de gaz et d’hydrogène », affirme encore le même quotidien dans son édition d’hier.
En ambitionnant de parvenir à un partenariat dans le domaine énergétique à long terme, les chancelleries européennes sont de plus en plus nombreuses à évoquer la réactivation du projet MidCat, qui comprend le prolongement du gazoduc reliant l’Algérie à l’Espagne jusqu’à l’Europe centrale à travers la France.
Si la Commission européenne et des pays comme l’Allemagne, le Portugal ou l’Espagne sont favorables à la relance du projet en question, la France ne s’est pas encore exprimée, continuaient de relever plusieurs sources citées par des médias européens ces deux derniers jours, alors que le chef de l’Elysée se prépare pour une visite de trois jours qui le conduira à Alger, puis à Oran.
Le débat sur le MidCat relancé
Si, du côté de la péninsule ibérique, la tendance est en faveur de la réalisation de ce projet MidCat, étant donné son assurance de la fiabilité de son fournisseur historique qui est l’Algérie qui, de surcroît, continue d’honorer ses engagements en termes d’approvisionnements en gaz malgré la crise diplomatique aigue qui perdure entre les deux pays, il reste à savoir si Paris s’inscrira dans la même démarche que ses homologues au sein de l’UE (dont l’Allemagne, le Portugal et l’Espagne) pour tenter de trouver avec l’Algérie des voies de concrétisation de ce projet qui permettra au gaz algérien de parvenir jusqu’à l’Europe centrale, ou Macron préférera, plutôt, négocier un accord de sécurisation des approvisionnements de l’Hexagone seulement, suivant ainsi la voie de son voisin l’Italie, qui a réussi son pari dans ce domaine.
Toutefois, si le projet de gazoduc MidCat parvient à être relancé, l’Algérie occupera une place stratégique parmi les principaux fournisseurs de l’Union européenne en gaz, en y ajoutant le gazoduc reliant les champs de Hassi R’mel à l’Italie via la Tunisie et dont les volumes de livraisons passeront dès l’année prochaine de leur niveau de 21 milliards de m3 à un peu plus de 30 milliards de m3, tel que convenu dans l’accord stratégique conclu entre Alger et Rome en avril.
Outre l’Italie et l’Espagne qui, elle aussi, est approvisionnée en gaz algérien, malgré l’instabilité que traversent les relations politico-diplomatiques entre les deux pays actuellement en raison de l’incohérence de la politique extérieure du gouvernement de Pedro Sanchez, la France s’approvisionne de plus en plus également en gaz algérien. C’est d’ailleurs ce qui a fait de l’Hexagone le principal client de l’Algérie durant les trois premiers mois de l’année en cours. Selon les statistiques des services de douanes français, la France a importé en effet pour 1,3 milliard d’euros sur le marché algérien, dont près de 90% en gaz et pétrole, entre janvier et mars 2022, soit une croissance de pas moins de 62% par rapport à la même période de l’année 2021.
En tout état de cause, à l’échelle européenne, l’Algérie est l’une des quatre pistes privilégiées par la Commission européenne dans sa recherche d’issue à la forte dépendance des 27 du gaz russe qui, depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, devient une source de moins en moins sûre, compte tenu des pressions que Poutine exerce sur l’Europe en riposte au soutien direct apporté à l’Ukraine et aux sanctions que l’Occident impose à Moscou.
Ainsi, a dévoilé aussi le quotidien espagnol, en plus du renforcement des acquisitions en GNL auprès des Etats Unis et du Canada, l’augmentation des approvisionnements à partir d’Azerbaïdjan en Asie centrale, d’Egypte et d’Israël, la Commission européenne mise également sur le gaz algérien pour sortir de cette dépendance envers Moscou.
M. N.