Tous les voyants sont au rouge. Depuis au moins une quinzaine de jours, les différentes régions du pays vivent au rythme d’une propagation sans cesse grandissante du coronavirus, avec de plus en plus de cas confirmés, de décès et de difficultés en matière d’approvisionnement en oxygène de certains hôpitaux qui se trouvent au bord de l’asphyxie. Les pronostics les plus pessimistes évoquent déjà le possible effondrement du système de santé, et les bilans quotidiens, les SOS lancés ici et là, tant par le personnel médical que par les populations de certaines régions, ne sont pas pour rassurer…
Par Nadjib K.
«L’heure est grave !» s’exclame sur sa page Facebook, un médecin urgentiste travaillant à l’hôpital Mustapha d’Alger, où la situation est loin d’être reluisante depuis déjà quelques jours. Le même constat est fait un peu partout, et plus particulièrement à Sétif où l’on annonce un nombre sans cesse grandissant de malade, à Béjaia comme à Tizi Ouzou, où certains hôpitaux se sont même retrouver à court d’oxygène la semaine écoulée. Certes, des mesures d’urgence ont été prises par les pouvoirs publics pour assurer l’approvisionnement en oxygène, mais il reste que ce n’est pas là toute la solution. Le nombre de lits disponibles s’est réduit en peau de chagrin, et selon plusieurs témoignages, certaines structures hospitalières n’en disposent plus, et les malades sont reçus et traités à même les couloirs.
De son côté, le Comité scientifique chargé du suivi et de l’évolution de l’épidémie de la Covid-19, ne cache plus l’inquiétude qui le gagne, et s’attend à ce que le pic de la troisième vague de la pandémie atteigne son apogée dans le pays cette semaine. Dans une déclaration à la presse, vendredi, Elias Akhamouk, membre du Comité scientifique, estime que «la situation est très préoccupante et nous n’avons pas encore atteint le pic de la troisième vague. Nous devrions atteindre le pic d’ici une semaine». Annonçant que 95% des patients actuellement hospitalisés, ne sont pas vaccinés, et plaidant pour un «retour au confinement dans les wilayas et communes qui connaissent une dégradation de la situation sanitaire», il dira que «nous essayons d’être proactifs en augmentant le nombre de lits et en exploitant d’autres endroits, tels que les hôtels, pour accueillir les patients.»
Il faut rappeler en ce sens, que si l’approvisionnement en oxygène a dû connaitre des ratés, c’est à cause de la propagation du variant Delta, lequel, selon le même responsable, «a provoqué une demande exponentielle en oxygène, engendrant une situation de stress dans les hôpitaux.»
«Une courbe ascensionnelle depuis une dizaine de jours»
De son côté, le professeur Mostefa Khiati, médecin-chercheur ainsi que président et fondateur de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM), a déclaré dans un entretien à Sputnik, que l’épidémie de Covid-19 est dans «une courbe ascensionnelle depuis pratiquement une dizaine de jours», avec un bilan quotidien supérieur à 1.200 nouvelles infections depuis vendredi dernier. Face à cette «flambée» des contaminations, d’aucuns parmi les spécialistes se posent la question de savoir comment la situation va évoluer dans les tous prochains jours, surtout qu’il est regrettable de constater que beaucoup de citoyens ne respectent pas les mesures barrières. Allons-nous connaitre une situation semblable à celle que vivent nos frères tunisiens depuis déjà quelques semaines? Le système de santé algérien risque-t-il un effondrement et les hôpitaux arrivent-ils encore à prendre en charge tous les patients, notamment, ceux qui ont besoin de soins intensifs? Ce sont là les questions qui reviennent sur toutes les langues. Pour le professeur Khiati, «la situation épidémiologique montre qu’on est en face d’une courbe ascensionnelle en termes de contamination au Covid-19 depuis pratiquement une dizaine de jours, alors qu’elle était stationnaire avant», précisant que «les contaminations ont évolué entre 100 et 200 cas, puis entre 200 et 300 cas et enfin entre 300 et 400 avant d’en arriver à l’explosion actuelle du nombre de malades identifiés [plus de 1.200 par jours, ndlr]».
Au sujet des variants du virus, le Pr Khiati informe que «presque tous les variants présents dans le monde sont en circulation en Algérie, cependant, le variant Delta semble prendre le dessus sur les autres, selon l’institut Pasteur d’Alger [à l’instar de ce qui se passe en Tunisie et dans près de 100 pays dans le monde, selon l’OMS, ndlr]». «Cependant, pour être sûr sur le plan scientifique qu’il s’agit bien du variant Delta, il faudrait pratiquer quotidiennement le séquençage de l’ADN des virus à grande échelle, en y associant également les universités et les laboratoires privés dotés de moyens matériels à cet effet. Or, le problème qui se pose en Algérie est que nous ne faisons pas assez de séquençage de virus pour savoir quel est le variant qui est dominant et quels sont les problèmes liés à cette épidémie sur le plan viral. Actuellement, nous nous contentons uniquement des données des analyses fournies par les tests PCR, qui sont insuffisantes pour avoir une estimation nette de la situation épidémiologique et pouvoir ainsi prendre les mesures d’urgence idoines qui s’imposent dans chaque région du pays», note-t-il.
Au sujet des capacités de prise en charge des malades, le professeur Khiati estime qu’«effectivement le nombre important de cas qui est actuellement enregistré pose un réel problème, parce que les hôpitaux commencent à être saturés et beaucoup parmi eux ont été obligés de réquisitionner un bon nombre de leurs différents services à l’accueil des patients du Covid-19, cessant ainsi leurs activités habituelles».
Nous sommes loin de l’effondrement du système de santé
Concernant la disponibilité de l’oxygène, il dira que «les autorités sanitaires du pays auraient dû anticiper cette situation au moins depuis le mois de mars 2021, étant donné que les besoins en oxygène, devenu extrêmement important pour la prise en charge des malades, étaient en hausse continuelle. On aurait dû augmenter les capacités de stockage d’oxygène au niveau des hôpitaux, en mettant en place de nouvelles stations d’emmagasinage. Malheureusement, les hôpitaux se sont contentés uniquement des bouteilles livrées par les entreprises de production nationales. Ceci a lieu alors qu’une commission interministérielle avait pris les devants en avril, en décidant d’élever la quantité de production d’oxygène dans le pays, qui s’avère actuellement assez suffisante pour faire face à l’urgence. Le problème se pose au niveau du stockage dans les hôpitaux et dans les moyens de transport et de ravitaillement rapide».
Toutefois, si les tous les voyants sont au rouge en ce moment, le Mostefa Khiati qui évoque l’éventualité de l’effondrement du système de santé Algérien, soutient qu’il «est très peu probable que ceci puisse arriver, et ce pour plusieurs raisons, dont les plus importantes sont les moyens financiers, matériels et humains conséquents dont dispose l’Algérie».
N. K.
