Les politiques laitières –coûteuses- adoptées en Algérie ont montré leur échec si l’on note l’importance de l’importation dans le schéma organisationnel de la filière. Ainsi, n’est-il pas étonnant de constater le maintien de ces mêmes politiques malgré leur inefficacité ? C’est, du moins, ce qui ressort d’une étude publiée par le Cread, intitulée « Les réformes de la filière lait en Algérie : bilan et perspectives».
Synthèse Akrem R
Au fil des années, plusieurs programmes ont été instaurés par les autorités dont l’objectif est de promouvoir la production nationale et réduire la facture alimentaire. Toutefois, et après tant d’efforts et de budgets, la filière tarde à se défaire de son extraversion et reste indéfiniment assujettie au marché mondial.
Ceci est affirmé par la facture substantielle des importations, non seulement en matière de lait (1245.91 millions USD en 2019 selon le dernier rapport du CNIS), mais aussi, de la majorité des intrants de la filière (vaches laitières, aliments, vaccins, équipements,…).
La filière a connu une évolution très instructive depuis l’indépendance à nos jours. Elle est un véritable champ d’expérimentations.
L’analyse de son schéma de développement dans la durée fait apparaitre plusieurs interrogations. Elle a bénéficié d’une masse d’investissements relativement importante, tandis que son taux de croissance reste très modeste, notamment dans les maillons production et collecte.
Dès lors, nous pouvons nous aligner avec la majorité des travaux de recherche qui estiment que les différentes mesures incitatives, qui ont été mises en œuvre par les autorités pour promouvoir la production locale, n’ont pas eu l’impact attendu.
L’intégration du lait cru dans la transformation industrielle ne représente qu’une infime partie (environ 16% de la production bovine. En amont de la filière, l’élevage à vocation laitière n’a pas connu une évolution significative.
Il est conduit en hors sol, extensif et demeure peu productif (3200litre/vache/an) malgré les efforts d’amélioration génétique déployés. On y voit immédiatement comment les politiques mises en œuvre dépendent de l’importation.
Les raisons d’un tel déficit peuvent être imputées à la faiblesse de la production au niveau des étables et à l’insuffisance ou à la déficience des politiques mises en place, ainsi qu’aux contraintes économiques que rencontrent les éleveurs (insuffisances de ressources financières).
L’ensemble de ces facteurs, ainsi que la forte concurrence des activités et cultures à forte valeur ajoutée, font que la spécialisation dans l’activité laitière est une stratégie rare, développée par quelques exploitations qui fonctionnent difficilement et connaissent les plus grandes contraintes financières (Djermoun et Al., 2017).
Ces élevages de petite taille sont très fragiles et leur pérennité se trouve menacée. Au final, si de nos jours les entraves au développement de la production au niveau des exploitations sont plus au moins connues, il n’en est pas de même pour la stratégie globale à mettre en place ainsi que les politiques y afférentes.
Cette question reste posée, connaissant la politique laitière algérienne dichotomique qui oppose deux logiques paradoxales, une politique de développement de la production locale et une autre de soutien à la consommation. Cette situation impose à la filière une double extraversion : celle de la poudre anhydre et celle des intrants à la production.
La politique actuelle s’apparente plus à une politique alimentaire qu’à une politique de développement de la production locale. Ceci dit, l’évaluation de la politique laitière change complètement, puisqu’on en parle davantage de politique sociale qu’économique, d’autant plus que bon nombre de chercheurs estiment que la subvention à la consommation constitue un frein au développement de la production locale.
Dans l’optique de surpasser cette dépendance vis-à-vis de la subvention, il est recommandé de réfléchir à promouvoir la coordination horizontale (coopératives) et verticale entre les acteurs de la filière. Cette coordination devrait permettre aux industriels de mieux contrôler leurs approvisionnements ainsi que la qualité des matières premières fournies, et aux éleveurs d’améliorer leurs revenus grâce notamment à la forme coopérative.
A.R.