Le complexe Sider El Hadjar vient d’acquérir 60 000 tonnes de coke en provenance de Russie, une matière indispensable pour alimenter l’unique haut fourneau de l’entreprise qui reste en activité. Est-ce un signe d’une stabilité retrouvée du pionnier de l’industrie sidérurgique après de longues années de péripéties, marquées par des changements de stratégies et des arrêts de travail successifs ?
Par Mohamed Naïli
Compte tenu de la politique de développement économique que prône le gouvernement ces deux dernières années, misant sur une relance effective de l’appareil industriel du secteur public parallèlement à l’encouragement de l’investissement privé national et étranger, il est certain que, au plus haut niveau de l’Etat, un intérêt prioritaire est accordé à ce fleuron de l’industrie lourde, d’autant plus qu’une nouvelle stratégie d’exploitation minière vient d’être conçue et privilégiant notamment la transformation au niveau local pour diminuer l’exportation à l’état brut.
Dans son état actuel, le complexe El Hadjar jouit de capacités de production de 800 000 tonnes/an, alors que, depuis la mise à l’arrêt du Haut fourneau N° 1 en 2009 et dont les travaux de démantèlement viennent d’être entamés en juin dernier, le complexe ne fonctionne qu’avec une seule structure de ce type, le Haut fourneau N° 2 en l’occurrence, et d’autres structures pour la production de produits ferreux de diverses catégories.
Outre le Haut fourneau N° 2 qui est en activité, le complexe El Hadjar est composé d’aciéries, une unité d’agglomération et des halles de stockage. Pour l’acier, deux aciéries à oxygène sont destinées à recevoir la fonte en provenance du haut fourneau pour être transformée en acier liquide. Chacune des deux aciéries est scindée en deux compartiments, à savoir un convertisseur, où la fonte est traitée et transformée en acier liquide, la coulée continue, où l’acier liquide est solidifié en brames.
Les grandes étapes d’El Hadjar
Le complexe comprend également une aciérie électrique, destinée à produire de l’acier à partir de ferrailles de récupération fondues grâce à l’énergie électrique. Conçue initialement pour alimenter l’unité de production de tubes, l’aciérie électrique d’El Hadjar a bénéficié d’un programme de modernisation dans les années 1990 pour produire d’autres gammes de produits ferreux.
En plus des unités de production d’acier, le complexe est doté de halles de stockage de 10 000 m2 pour des capacités de 120 000 tonnes de matières premières, destinées à alimenter ses unités de production dont les besoins s’élèvent à 8 000 tonnes/jour de fer brut. L’approvisionnement en matières premières des unités de production du complexe est assuré par les mines d’Ouenza à 75% et Boukhedra dans la wilaya de Tébessa 25%.
En 1964, la société nationale de sidérurgie (SNS) a été créée dans le but de faire aboutir le projet du complexe sidérurgique d’El Hadjar, dans la wilaya d’Annaba. En 1969, le nouveau fleuron du secteur industriel naissant est entré en activité, tout en continuant à se renforcer progressivement avec de nouvelles structures et unités de production périphériques.
C’est ainsi qu’en 1972, les aciéries et les laminoirs sont inaugurés pour la transformation de différents produits ferreux à chaud et à froid. Peu à peu, le complexe se renforce par la réalisation d’un deuxième haut fourneau, dont l’entrée en activité est intervenue en 1980.
Après avoir été doté de toutes ces structures, le complexe El Hadjar a atteint des capacités de production de près de deux millions de tonnes d’acier liquide par an, ce qui en fait un géant de la sidérurgie à l’échelle nationale et régionale, mais aussi un symbole de la politique d’industrialisation de l’Algérie et une locomotive de l’industrie et de la relance économique, ayant atteint quelque 22 000 poste d’emploi créés, avant de voir ses effectifs régresser graduellement.
N’ayant pas échappé à la vague d’ouverture au capital privé et de cession de capitaux marchands de l’Etat qui a touché une multitude de sociétés nationales dès le début des années 1990, le complexe sidérurgique d’El Hadjar, après avoir été confronté à des difficultés l’ayant empêché d’atteindre un niveau de rentabilité garantissant son équilibre financier, a été soumis à des choix politiques ayant imposé l’ouverture de son capital avec l’arrivée d’investisseurs étrangers dès 2001, mais cette option a été loin de permettre au géant de l’industrie sidérurgique de retrouver le chemin de la relance, laquelle étape qui a été marquée notamment par l’arrivée du leader indien de la sidérurgie Mittal Steel, en 2004, puis Arcelor-Mittal en 2007.
C’est pourquoi, en 2016, l’Etat a décidé de mettre fin à ce partenariat et d’acquérir l’intégralité du capital du complexe qui redevient une entreprise publique relevant du groupe industriel public Sider dénommée Sider El Hadjar.
65 millions de dollars d’exportations
A travers cette nouvelle démarche entreprise par les pouvoirs publics, le complexe El Hadjar s’est vu doter d’un nouveau plan d’investissement en deux tranches. La première, lancée en 2015, a porté sur la modernisation et la requalification du Haut fourneau N° 2 et des installations de soutien pour renforcer les capacités de production installées.
C’est dans le cadre de cette première phase du nouveau plan d’investissement que les efforts de réhabilitation consentis ont permis au complexe d’obtenir en 2020 la certification ISO 9001 pour le niveau de qualité de ses produits ferreux et du mode de sa gestion, ainsi que le certificat de conformité de sa production de tubes sans soudure destinés au transport des produits pétroliers et du gaz.
S’étalant sur une superficie de plus de 830 hectares, le complexe sidérurgique El Hadjar, s’inscrivant dans une trajectoire de relance et employant près de 5 750 travailleurs, vise l’objectif d’augmenter ses capacités de production d’au moins 50%, en les faisant passer de 800 000 tonnes/an actuellement à 1,2 million tonnes/an de produits ferreux plats et longs, de rond à béton et de tubes.
Comme indicateur des performances que le pionnier de l’industrie sidérurgique retrouve progressivement, la direction de l’entreprise a fait état d’opérations d’exportation réalisée durant l’année 2021 pour une valeur globale de 65 millions de dollars.
Ces performances, selon les projections de la direction, ne feront que s’affirmer davantage avec la mise en œuvre de la deuxième tranche du plan d’investissement, qui demeure suspendue jusqu’à présent. La feuille de route conçue pour cette seconde phase du plan en question comprend notamment la modernisation et la rénovation des aciéries, des laminoirs, de l’unité d’oxygène, ainsi que l’acquisition d’équipements pour la chaîne de production afin de permettre à l’usine de retrouver sa compétitivité, tant au niveau de la production qu’à l’exportation.
M. N.
Pour les besoins du Haut fourneau N° 2 : Sider El Hadjar importe 78 000 tonnes de coke
Une cargaison de 34 000 tonnes de coke vient d’arriver au port d’Annaba, en provenance de Russie et destinée à alimenter le Haut fourneau N° 2 du complexe sidérurgique d’El Hadjar.
L’opération s’inscrit dans le cadre d’un accord d’approvisionnement conclu entre le complexe Sider El Hadjar et le fournisseur russe Black Rabbit DMCC pour la fourniture de cette matière première nécessaire au fonctionnement du haut fourneau, selon le Directeur des relations publiques auprès du groupe Sider, M. Hichem Bammoune.
Selon la même source, la cargaison a été acquise à 600 dollars/tonne, un prix jugé compétitif, sachant que sur le marché mondial, le coke est coté actuellement à 800 USD/t, en ajoutant qu’une seconde cargaison de 26 000 tonnes du même fournisseur est attendue pour les prochaines heures, ce qui portera la quantité totale acquise à 60 000 tonnes.
Le même responsable a tenu à préciser aussi qu’une cargaison d’expérimentation de 18 000 tonnes du même fournisseur avait été reçue en août dernier et a été soumise aux tests techniques du Haut fourneau N° 2 qui ont confirmé sa conformité aux normes physicochimiques en vigueur, ce qui porte à 78 000 tonnes le volume de coke acquis auprès de Black Rabbit DMCC ces deux derniers mois.
M. N.