L’industrie de transformation de produits agricoles, notamment, est à la traine. Constat amer : plusieurs produits agricoles, en effet, ne sont pas valorisés et l’agriculteur est contraint, parfois, de revoir son plan d’investissement, soit en réduisant la superficie ou en changeant, carrément, de filière.
Par Akrem R.
C’est le cas de la pomme de terre, des oignons, l’ail, la tomate industrielle, l’aviculture et autres. À chaque saison agricole, notamment lorsque la production est abondante, les prix baissent sur le marché, en induisant des pertes énormes pour les producteurs. Faute d’une industrie de transformation forte, des quantités énormes de produits agricoles « fragiles» sont, tout simplement, jetées dans des décharges publiques ! Le gouvernement qui se dit conscient de cette réalité, a pris une série de mesures afin d’inciter les investisseurs à booster ce créneau, dont des financements à hauteur de 90% du projet seront accordés par l’Etat! Une décision qui a été prise par le président de la République, Abdelmadjdi Tebboune. Toutefois aucun projet n’a été présenté jusqu’à présent, conformément à cette formule. Une situation que le chef de l’Etat, lui-même, a déploré, en s’interrogeant sur cette réticence. L’expert en économie, Abderrahmane Hadef, l’a expliquée par des raisons structurelles de notre économie, surtout en ce qui concerne les cadres juridiques régissant l’investissement, le système bancaire et la gouvernance des affaires économiques, d’une part. D’autre part, cette réalité, selon lui, serait liée à la situation économique postpandémique qui demeure peu claire et très «difficile à lire» pour les opérateurs économiques.
En clair, il y a un manque de visibilité par rapport à cette situation et surtout pour la filière agroalimentaire et l’industrie de transformation. « Il y a ce manque de connexion et le problème de la remonté de la filière vers le secteur agricole, et qui reste aussi aujourd’hui problématique puisque, pour le moment, il n’y a pas de feuille de route claire et lisible dans ce sens, au service des industriels du domaine de l’agroalimentaire», souligne-t-il.
Qualifiant de « bonne chose » les déclarations du président de la République qui ont été faites dans ce sens là, dont la prédisposition de l’Etat à accompagner cette industrie avec des financements allant jusqu’à 90% du montant du projet, l’ex-président de la Chambre de commerce et d’industrie du Titteri, a laissé entendre que sur le terrain et d’une manière opérationnelle, il reste beaucoup à faire. D’ailleurs, explique-t-il, les opérateurs économiques et surtout les investisseurs ne voient pas réellement des offres de produits bancaires dans ce sens là. Donc, c’est une réalité que «nous devons aujourd’hui traiter avec beaucoup de pragmatisme et un bon sens d’opérationnalité. On doit être plus opérationnel. C’est pour cela que j’ai appelé et je continue d’appeler à la révision de notre modèle de concertation tripartite pour aller vers un nouveau modèle innové qui serait, peut-être, des tripartites sectorielles et de là, être plus opérationnel».
500 000 PME à créer dans l’industrie agroalimentaire
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, je pense que le secteur de l’agroalimentaire qui est un des axes majeurs du travail du gouvernement, dont l’objectif est d’atteindre une sécurité alimentaire, doit être mis en haut des priorités et que lui soient accordées les ressources nécessaires».
Ainsi, notre interlocuteur a appelé à la mise en place d’une cartographie des industries de transformations afin de ne pas refaire les mêmes erreurs du passé surtout, en ce qui concerne le lancement de certains projets de filières, telle que la filière de transformation des produits céréaliers, dont des centaines de minuteries réalisés fonctionnent à 40% seulement de leurs capacités. Aujourd’hui, l’Algérie, d’une manière générale, a besoin de plus 2 millions de PME pour se relancer, indique-t-il, en faisant savoir que la filière de transformation agroalimentaire «est dans une configuration d’un quart de ce besoin. Donc, il est nécessaire d’aller et d’arriver à la création de plus de 500 000 PME qui vont prendre le relais du développement de toute la filière et accompagner le secteur agricole dans son plan développement». C’est pour cela, conclut-il, qu’il faut avoir une vision bien claire et des objectifs biens identifiés, une cartographie de la filière largement partagée par l’ensemble des acteurs.
A. R.
Ishak Kherchi, expert en agriculture : « Nous avons besoins d’une stratégie nationale pour l’agroalimentaire »
L’enseignant universitaire et l’expert en économie, Ishak Kherchi, a fait savoir que l’industrie de transformation en Algérie fait face à de nombreuses problématiques, dont la perturbation dans la production et distribution agricole. Ceci n’encourage pas l’émergence et le développement d’une industrie de transformation, dira-t-il.
À cet effet, il est nécessaire de mettre en place une véritable stratégie nationale pour encourager, d’abord, l’agriculteur à la pérennisation de sa production dans le temps, tout en lui garantissant une prise en charge de sa production.
En second lieu, le gouvernement est appelé, également, à accompagner les transformateurs, dont la plupart sont du secteur privé, à travers l’octroi d’avantages et l’encouragement, surtout, par la signature de contrats à long terme entre le producteur et le transformateur. C’est à travers cette stratégie qu’on peut surmonter les difficultés de la production, souligne-t-il. Ishak Kherchi a plaidé pour une meilleure coordination entre les ministères de l’Agriculture et celui de l’Industrie, ou la création, carrément, d’un ministère délégué chargé de l’Agroalimentaire. Cette coordination entre le producteur et le transformateur est plus que nécessaire pour le développement de cette industrie, et, également, afin d’éviter des ruptures de certains produits sur le marché.
Sur un autre registre, l’intervenant a noté que la filière de transformation est une industrie lourde, nécessitant de gros financements. Kherchi a appelé à l’entrée en application de la mesure du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, de l’importation d’unités de transformation, clé en main. La décision a été prise en 2020, rappelle-t-on.
A. R.