Cryptomonnaies, monnaies électroniques ou monnaies virtuelles, sont autant d’appellations utilisées pour désigner cette nouvelle sphère financière qui se développe dans les quatre coins du monde à une vitesse insaisissable.
Qu’en est est-il en Algérie ? Bien que du point de vue légal, les monnaies électroniques sont prohibées sur le marché national, il n’en demeure pas moins qu’à travers plusieurs wilayas du pays, les traders et investisseurs activant dans cette vaste place boursière virtuelle se comptent par centaines, voire par milliers.
Par Mohamed Naïli
Le business des monnaies électroniques se généralise ainsi sous forme d’un marché parallèle semblable à celui des devises étrangères qui se vendent auprès des cambistes. Quant à son interdiction, elle remonte à la promulgation de la loi de Finances 20218 qui, dans son article 117 stipule : « L’achat, la vente, l’utilisation et la détention de la monnaie dite virtuelle est interdite. La monnaie virtuelle est celle utilisée par les internautes à travers le web. Elle est caractérisée par l’absence de support physique tels que les pièces, les billets, les paiements par chèque ou carte bancaire. Toute infraction à cette disposition, est punie conformément aux lois et règlements en vigueur ».
Rencontrés cette semaine, deux jeunes traders visiblement très enthousiastes de leurs « exploits » en la matière précisent d’emblée que, même s’il n’a pas une existence physique, le marché des monnaies électroniques fonctionne comme une bourse mais toutes les opérations s’effectuent sur le web. « Il y a plusieurs manières d’intégrer un réseau de cryptomonnaies. Ce n’est pas seulement la conversion de monnaie fiduciaire en monnaie électronique ou Bitcoin comme tout le monde l’appelle, puisqu’on ne connait que celle-ci, alors qu’il en existe des centaines, voire des milliers, de cryptomonnaies », explique Hichem, jeune étudiant en master informatique de Boumerdès, avant de reprendre, « avant tout, il faut avoir un compte sur l’une des plateformes d’achat/vente sur le web. Il y a ceux qui s’engagent comme traders ou investisseurs ».
Interrogé pour en savoir plus sur la différence entre un trader et un investisseur, le jeune étudiant, qui s’avérera un initié dans cet univers de la spéculation boursière virtuelle, fera savoir qu’un trader travaille à partir de son ordinateur, tablette ou téléphone digital, en faisant le tour des plateformes d’achat/vente de monnaies électroniques et acquiert des monnaies au moment opportuns pour les revendre lorsque leur valeur augmente. « Il faut être prévisionniste sinon il y a des risques à prendre. Si la valeur de la monnaie achetée baisse davantage ou stagne, là, c’est une perte sèche », explique-t-il, en avouant que, lui aussi, en a pris des coups mais, pour ce qui est des revenus que lui procure ce business, « en une journée, je peux gagner jusqu’à 100 euros comme je peux ne pas récolter que quelques centimes ».
Des levées de fonds en monnaies virtuelles
Hamid, lui, diplômé en agronomie, a préféré se lancer dans ce business virtuel que de mettre ses connaissances acquises à l’université au service de l’agriculture. Il a donc ouvert une agence immobilière au centre-ville de Tizi Ouzou, alors qu’en réalité, « ce commerce n’est qu’un lieu de rencontre pour lancer mon réseau d’investisseurs dans les cryptomonnaies », avoue-t-il.
L’investissement consiste donc à acheter des participations dans des firmes internationales, principalement thaïlandaises, indonésiennes ou malaisiennes, qui lancent des opérations de levées de fonds.
« Ce sont donc des cryptos-actifs sous forme de monnaies électroniques qui ont la particularité d’être décentralisés et ne sont contrôlés par aucun Etat », nous explique-t-il avant de citer le projet pour lequel il travaille : « C’est une holding thaïlandaise travaillant dans le bâtiment, les travaux publics, l’hôtellerie et l’industrie pharmaceutique, qui vient de lancer une opération pour lever 10 milliards de dollars pour financer de nouveaux investissements en Australie. Elle a donc créé sa propre cryptomonnaie, intitulée MMC/USDT et une plateforme sur laquelle les investisseurs de n’importe quel pays peuvent prendre des participations en achetant des unités de MMC/USDT qui, dans la phase actuelle, vaut 0,08 dollars, mais lorsque la monnaie sera mise sur le marché du trading, sa valeur augmentera, et c’est à partir de là que nous, investisseurs, toucherons des profits ».
Fonctionnant en réseau, Hamid précisera que, pour ce qui est du réseau algérien, il y a un bureau à Alger qui agit comme un chef de file et s’élargit progressivement à travers d’autres wilayas. « Avec ce bureau que je viens d’ouvrir à Tizi Ouzou, notre réseau est déjà présent dans 12 wilayas », nous dira-t-il, avant d’ajouter qu’« en deux mois d’exercice et grâce à des campagnes publicitaires que j’ai menées sur les réseaux sociaux, je suis arrivé à engager une vingtaine d’investisseurs ici à Tizi Ouzou, avec des prises de participations entre 800 et 2 000 dollars chacun ».
300 000 transactions
Le marché des cryptomonnaies se développe ainsi d’une manière fulgurante en Algérie mais, vu son interdiction, il ne fait qu’accentuer l’ampleur de la sphère informelle qui constitue déjà un lourd fardeau dont l’économie nationale peine à se libérer.
En 2017 déjà, le spécialiste en économie numérique, Nassim Belouar, a estimé le volume du marché des monnaies électroniques en Algérie à 300 000 transactions effectuées chaque jour par 60 000 utilisateurs.
En revanche, dans la conjoncture actuelle où la cryptomonnaie la plus emblématique qui est le Bitcoin connait une dégringolade, passant de son niveau record de 47 000 dollars enregistré en 2020 à moins de 20 000 dollars actuellement, l’inquiétude gagne de plus en plus les utilisateurs de ce marché virtuel.
M. N.
Les faits marquants des cryptomonnaies
Depuis le lancement pour la première fois du Bitcoin en 2009, le nombre de cryptomonnaies recensées dans le monde dépasse le cap des 6 000 à la fin 2021. Ces monnaies sont basées sur la technologie blockchain. Selon le site spécialisé en monnaies virtuelles « coinmarketcap.com », les principales monnaies électroniques sont : Bitcoin, Ethereum, Tether, USD Coin, BNB, XRP, Cardano, Binance USD, Solana, Polkadot.
En 2020, la valeur du Bitcoin a atteint un niveau record de 47 000 dollars, avant d’entamer une courbe descendante pour atteindre actuellement les 19 900 dollars.
Un classement réalisé à la fin 2021 par le cabinet C # Corner, le top cinq des pays comptant le plus grand nombre de détenteurs de cryptomonnaies fait ressortir l’Inde (100 millions utilisateurs), les USA (27 millions), la Russie (17 millions), le Niger (13 millions) et le Brésil (10 millions).
En septembre 2021, le Salvador est devenu le premier pays au monde à reconnaitre la cryptomonnaie comme une devise officielle. Depuis, le président de ce pays latino-américain, Nayib Bukele, multiplie les achats de Bitcoins à chaque fois le cours de cette monnaie est en baisse sur les plateformes de change virtuel.
La République centrafricaine est devenue depuis avril dernier le premier pays d’Afrique à reconnaitre Bitcoin comme une monnaie officielle et deuxième pays au monde après le Salvador.
M. N.