Durant cette rentrée sociale, l’on ne doit pas oublier l’important déficit des caisses de retraite et une grande fraction des retraités qui connaissent des difficultés pour subvenir à leurs besoins. Selon les données internationales, pour l’Algérie, avec la non-application de réformes à moyen et à long terme, le déficit des caisses de retraite a été de 560 milliards de dinars en 2018, 680 en 2020, et aurait atteint 800 milliards de dinars en 2021, et se creusera avec une moyenne annuelle de 2,5% voire 3% tout au long de la prochaine décennie.
Professeur Abderrahmane MEBTOUL
Expert international
Le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, la CNR enregistrant un taux de cotisation estimé à 2,2 travailleurs alors que pour chaque retraité l’équilibre est de cinq travailleurs pour un retraité. Ainsi, pour assurer le paiement des pensions des retraités, il est prévue une contribution de l’État, au Fonds de réserve pour les retraites, pas moins de 6.392 milliards de centimes, ce qui est inscrit dans la loi de finances 2022, ce montant étant défini comme « un budget supplémentaire », que le gouvernement prélève chaque année sur la taxe pétrolière pour contrer le déficit de la caisse de retraite ». En cas de chute du cours des hydrocarbures le risque est l’implosion.
La pression démographique souvent oubliée
Avec la pression démographique souvent oubliée, la population algérienne est passée de 11.479.248 habitants en 1962 à 14.265.015 en 1970, à 18.936.293 en 1980, à 25.436.214 en 1990, à 30.833.966 en 2000, à 35.658.311 en 2010 et à 45.4 au 01 janvier 2022 et dépassera 50 millions horizon 2030, il faudra entre 2022-2025 créer plus de 350.000-400.000 emplois par an (le taux d’emploi féminin étant sous-estimé). Cela s’ajoute au taux de chômage actuel qui selon le FMI incluant les emplois de la sphère informelle et les emplois rente, faire et refaire les trottoirs, les sureffectifs dans les entreprises publiques, administrations, devrait atteindre 14,5% en 2021 et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés. Au 14 juillet 2022, le nombre de bénéficiaires de demandeurs inscrits sur les sites Minha et Anem.Dz avoisine les 2 millions, parmi lesquels plus d’un million et demi de dossiers ont été acceptés, avec une population active de 12,5 millions donnant un taux de chômage provisoire de 16%.
Pour atténuer les tensions sociales, il faudrait selon les institutions internationales pendant plus de 5 ans un taux de croissance en termes réels entre 7-8%. Nous avons assisté à une baisse du taux de croissance du PIB à prix courant, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020, négatif entre 5/ 6% paradoxe, le FMI estimant pour 2021 à 2,9% en 2021, données qui doivent être replacés dans sa véritable dimension. Outre la véracité des données, du fait de l’effritement du système d’information souligné d’ailleurs par le président de la République, rendant aléatoire toute stratégie d’adaptation et donc toute planification stratégique, sachant que la majorité de l’appareil économique est en berne, fonctionnant à peine à 50% de ses capacités, avec des licenciements massifs notamment dans les services et le BTPH qui représentent plus de 50% des emplois, le taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente.
Avec un taux de croissance négatif d’environ 5/6% en 2020, cela donne en 2021 un taux variant entre 0 et 1%, inférieur à la pression démographique.
CNR: un déficit de 690 milliards de dinars
Les données du ministère du Commerce d’un montant d’exportations hors hydrocarbures pour 2021 d’environ 4 milliards de dollars doivent être éclatées, 70% étant des dérivés d’hydrocarbures et des produits semi-finis donnant pour les biens nobles conforme aux normes internationales coût/qualité, un montant d’environ 600 millions de dollars. Le taux d’emploi, et c’est une loi universelle, est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité, variant de branches à branches, depuis des décennies provient des recettes en devises proviennent des hydrocarbures (97/98%), le taux d’intégration, entreprises publiques/privées ne dépassant pas 15% avec les effets indirects via la dépense publique, irriguant tout le corps économique et social.
Les expériences historiques dans le monde concernant l’alimentation des caisses de retraite montrent qu’il y a le système de répartition et le système de participation à travers les sociétés d’assurance, souvent combinées. En Algérie domine le système de répartition, deux caisses de retraites existent, l’une pour les personnes nommées par décret pendant 10 ans bénéficiant d’une retraite à 100% et l’autre majoritaire, plus de 80% bénéficiant d’une retraite à 80%.
Dans le système en vigueur, toute personne ayant cumulé 32 années d’activité peut, si elle en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l’âge de départ légal de 60 ans, encore que l’ex-ministère du Travail avait annoncé fin décembre 2020 qu’il n’est plus question d’autoriser les retraites anticipées, le déficit de la Caisse nationale des retraites pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021. Or, la population active dépasse les 12,5 millions avec une sphère informelle représentant entre 45/50% de l’emploi, non soumise aux cotisations, n’étant pas affiliée à la Caisse de sécurité sociale et par ricochet ne payant pas d’impôts, servant de soupapes sociales. L’efficacité de la caisse d’allocation chômage suppose que l’on ait un système d’information fiable de la sphère informelle dominant entre 40/45% de l’emploi total (qui est donc chômeur et qui l’est pas) et de l’activité économique et contrôlant selon les données contradictoires officielles entre 33/45% de la masse monétaire en circulation, renvoyant toujours au système d’information biaisé. Pour éviter les effets pervers de promesses que l’on ne pourra pas tenir, la solution est dans la dynamisation du tissu productif, la lutte contre l’évasion fiscale, l’unification des caisses de retraite pour un sacrifice partagé et une nouvelle politique les subventions qui doivent être ciblées.
Fort taux d’inflation et pouvoir d’achat
Or, toutes les lois de finances depuis de longues décennies continuent une politique de subventions généralisées source d’injustice sociale, celui qui perçoit 30.000 dinars/mois bénéficiant des mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse 200.000 dinars par mois, devant aller, comme je le préconise depuis 2008, vers les subventions ciblées devant être budgétisées par le Parlement. Car, le fort taux d’inflation influe sur le pouvoir d’achat. Selon les données officielles, l’inflation cumulée, l’indice actuel devant être revu, non réactualisé depuis les années, le besoin étant historiquement daté, a dépassé les 100% entre 2000-2021 avec une concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière. Fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l’inflation et c’est une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes.
L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficiente comme intermédiation sociale. Lire la suite dans notre édition de demain