«Peut-on vraiment piloter les villes ? Modéliser n’est pas représenter de manière entièrement réaliste. On observe, aujourd’hui, une forme de confusion entre modèles et représentation de la réalité. Les villes sont avant tout des espaces physiques, qui produisent des choses étonnantes, agissent comme catalyseurs d’imprévu.»
Antoine Picon, Harvard Graduate School of Design
Par Lyazid Khaber
D’aucuns pensent que nos villes d’aujourd’hui ont perdu leur âme. Ce constat peut bien s’appliquer tant aux petites villes bien de chez nous qu’aux grandes métropoles des pays les plus industrialisés. Toutefois, chez nous, la ville n’a finalement de ville que le nom. Il n’y subsiste point, ou presque, d’espace de vie, tant ces immenses espaces dit urbains ne s’inspirent ni de la modernité, et ni encore moins des cités d’antan ou encore de la paysannerie. Le occupants de ces cités décrépies et sans âme, sont loin de se faire une idée sur ce qui est l’habitant, le citoyen… car, en se trouvant dans ces gigantesques dortoirs sans une architecture qui tienne compte de la culture locale, l’on évolue plus comme des zombies que comme des humains normalement constitués, qui vivent leur temps et qui se développent en adéquation avec leur espace. L’Etat a, certes, construit des cités un peu partout dans le pays, mais à y voir de très près, on se rend compte que l’on n’a pas encore pu construire, ne serait-ce qu’une seule ville, selon la norme. La culture, la sociologie, et même l’architecture, n’ont jamais, jusque-là, présidé à la construction de nos cités, comme cela se fait sous d’autres cieux. Pis encore, même la norme de construction proprement dite est loin d’être respectée. Les bénéficiaires des différentes formules de construction des logements initiées par l’Etat ont en fait la plus mauvaise expérience, lorsque ce n’est tout simplement pas l’horreur livrée clés en main. A qui la faute ? Sommes-nous tentés de nous poser la question. La faute est à tous et à personne. N’étant pas de vrais habitants, nous n’avons pas cette culture citoyenne qui fait que c’est avec nos habitudes, les bonnes bien sûr, nos us et coutumes, nos comportements quotidiens et les plus anodins que l’on façonne les rues de nos villes et les murs de nos immeubles. Les autorités, quant à elles, notamment au niveau local, doivent également assumer leur responsabilité dans ce désastre à géométrie improbable où l’invariabilité tient lieu de racine carrée dès lors que lorsqu’il s’agit de mal faire les choses, le consensus semble se dégager de lui-même. Sinon, comment expliquer à nos enfants qu’il n’est pas «gentil» de jeter des papiers par terre lorsque les corbeilles ne font pas partie de notre décor ? Comment apprendre à un conducteur le respect du code de la route, lorsque la signalisation routière est inexistante à l’intérieur de nos quartiers ? Comment voulons-nous voir des citoyens se réunir au tour d’une action de volontariat, lorsque l’espace mythique que constitue la place publique est tout simplement détruit et supprimé des plans de nos cités fantômes d’aujourd’hui ? Ce sont autant de questions qui doivent nous interpeller si réellement nous voulons sauvegarder la patrie. Car, une communauté, et par extension un peuple, ne peut continuer d’exister si les murs de ses maisons sont lézardés.
L. K.