Abdelaziz Djerad, le premier ministre de Tebboune, ne peut se targuer d’avoir la tâche facile ! Héritant d’un passif à peine surmontable, avec une économie livrée à la rapine et au désordre, et confronté à une instabilité aggravée par la crise sanitaire qui rajoute son lot de difficulté, le gouvernement tente tant bien que mal à sortir la tête de l’eau en engageant un certain nombre de réformes essentielles, et dans le même temps, jouer aux pompier pour circonscrire la crise qui ne manque pas d’ébranler le front social, sujet à de multiples turbulences.
Par Nabila Agguini
Le plan d’action du gouvernement de Djerad présenté le 11 février dernier et adopté par l’Assemblée populaire nationale (APN), était une réponse aux urgences. Certes, pour les suspicieux, il y avait beaucoup de prétentions dans cette feuille de route qui s’articule autour de cinq chapitres qui abordent les éléments essentiels de la politique préconisée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, mais à y voir de très près l’on se rend à l’évidence qu’il n’y avait point de mystère dans la démarche suivie. Le Gouvernement n’a fait en vérité, que s’attaquer à des questions essentielles et urgentes.
En effet, le plan en question aborde en premier lieu l’inévitable refonte du dispositif législatif et des modes de gestion de l’Etat. Une démarche qui sonne comme une réponse claire à la demande populaire qui s’est fait entendre à grand bruit depuis les premières manifestations du 22 février 2019. Sur un autre plan, la réforme financière était le premier jalon d’une démarche qui aspire au renouveau économique basé sur la refonte du système fiscal, de l’instauration de nouvelles règles de gouvernance budgétaire, de modernisation du système bancaire et financier et de développement de l’information statistique économique et sociale et de la fonction prospective. Cela au moment où, fidèle à la ligne de conduite de l’Etat algérien, le Gouvernement Djerrad, n’a pas omis de mettre l’accent sur le développement humain et la politique sociale appelée à être confortée par de nouvelles mesures plus adaptées aux besoins des populations, avec en prime l’assurance de l’équité dans la distribution des richesses.
Un héritage désastreux !
Et comme, le développement du pays ne peut se faire sans l’établissement de bonnes relations d’entraide et de partenariat au niveau international, l’accent a été mis sur la politique étrangère devant être «dynamique et proactive». L’autre élément et pas des moindre, est celui relatif au renforcement de la sécurité et de la défense nationale, sachant que l’Algérie fait face présentement à des défis énormes, avec en sus une instabilité accrue au niveau régionale et particulièrement en Libye.
Abdelaziz Djerad est conscient de l’ampleur des défis, lui qui disait au sujet de la gestion antérieure que «le pays a connu une gestion catastrophique de l’État», notant que«des pratiques autoritaires ayant mené au pillage et à la dilapidation des richesses du pays et à la destruction systématique de ses institutions et de son économie dans le but d’accaparer ses biens». En bref : le pays vit une crise multidimensionnelle issue de «dérives successives» dans la gestion des affaires publiques. Ce qui rend la tâche difficile aux gouvernants.
«L’aggravation du déficit budgétaire en 2019, la hausse du déficit de la balance commerciale à 10 milliards de dollars fin 2019, le recul des réserves de change de plus de 17 milliards de dollars et la hausse de la dette publique intérieure qui a atteint 45 % du PIB contre 26% en 2017 (…) l’incidence financière importante résultant des décisions et engagements pris en 2019, qui s’élève à 1.000 milliards de dinars, en l’absence des financements nécessaires à leur couverture», sont quelques éléments seulement qui démontrent l’ampleur du désastre hérité par Djerrad.
Pis encore, depuis le début de l’année en cours, l’Algérie qui voit ses ressources s’amenuiser pour cause de baisse des recettes pétrolières et la fonte de ses réserves de change, se trouve confronté à la crise sanitaire induite par la propagation du Coronavirus Covid-19. Cette dernière met à rude épreuve l’Etat qui doit puiser dans ces maigres ressources pour apporter les réponses nécessaires en matière de lutte contre la maladie mais aussi contre ses répercussions économiques.
Cependant, tout cela n’est pas pour démoraliser pour autant, surtout que M. Djerrad, conscient de la difficulté de ses travaux d’Hercule, reste serein en promettant de «rompre avec toutes les pratiques révolues dans la gouvernance politique et socio-économique», basant ainsi sa démarche sur «le triptyque développement humain, transition énergétique, et économie du savoir et du numérique».
Surmonter les difficultés conjoncturelles et relancer l’économie
Pour ce faire, des mesures importantes ont été prises, à l’instar de la révision de la règle du 49/51 concernant les investissements étrangers, avec en sus un engagement franc d’Abdelaziz Djerad d’œuvrer inlassablement à «améliorer la compétitivité et l’attractivité de l’économie algérienne aux investissements directs étrangers (IDE)».
D’autres mesures sont prises dans le feu de l’action pour réduire l’effet de la crise actuelle sur les entreprises, comme d’ailleurs le gel de toutes activités fiscales et parafiscales. Une mesure prise lors du Conseil des ministres tenu le 27 Juillet dernier, et considérée par les opérateurs économiques comme «salutaire». Parallèlement à cela, le Gouvernement a été instruit par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, d’élaborer un plan national de relance socio-économique basée sur la diversification des sources de croissance, l’économie du savoir et la gestion rationnelle de la richesse nationale. Tout un programme ! Surtout que M. Tebboune a enjoint à ses ministres d’entamer immédiatement et sans délai, la recherche des mécanismes efficaces à même de réduire, à court terme, les dépenses inutiles et d’augmenter les revenus à travers l’encouragement de la production nationale, la généralisation de la numérisation et la lutte contre l’évasion fiscale, le gaspillage et la surfacturation. L’objectif, selon le propos du premier magistrat du pays, est de de «permettre à l’Etat de surmonter les difficultés conjoncturelles induites par la double crise issue du recul des revenus des hydrocarbures et de la propagation de la pandémie du coronavirus.»
N. A.