Le marché des assurances en Algérie fait face à plusieurs problématiques. Avec un taux de pénétration entre 0,6 et 0,7%, le marché algérien est loin donc de la moyenne mondiale, qui atteint parfois les 7%, et même au niveau moyen africain (3 et 4%) et dans notre sous région immédiate, entre 2,5 et 4% !
Par Akrem R.
Cette faible pénétration sur le marché des assurances a engendré des pratiques «déloyales» entre les assureurs. En effet, la guerre des prix fait rage et certaines compagnies recourent à tous les moyens pour gagner de nouveaux marchés, en proposant, notamment, des polices d’assurances à des prix faibles et parfois en vendant à perte!
Des pratiques déloyales ont été alors observées dans le secteur. Elles touchent non seulement à l’équilibre des compagnies d’assurances, mais aussi à celui du Trésor Public. De plus, ces pratiques sont opérées au détriment du client.
En dépit de la signature d’un accord entre les 25 compagnies d’assurances en Algérie sur la limitation de la réduction des prix à moins du 50%, certains assureurs ne l’appliquent pas et continuent de doper le marché, a déploré, Mohamed Benarbia, directeur général de Salama Assurances Algérie.
Selon lui, l’état catastrophique du marché des assurances en Algérie est le résultat de la concurrence «suicidaire» sur les prix imposée par certaines sociétés d’assurance. S’exprimant en marge d’une réunion de présentation du bilan 2022 de Salama Assurances Algérie, l’intervenant a tiré la sonnette d’alarme sur les conséquences néfastes de cette pratique, dont les premiers effets dangereux commencent à faire leur apparition. A cet effet, l’autorité de régulation est plus que jamais interpellée sur cette situation, dont les répercutions seront néfastes sur le marché des assurances qui peine à décoller.
« Nous, au sein de notre compagnie, avons décidé de maintenir les prix du marché et de respecter l’accord signé entre les assureurs. Certes, c’est une décision difficile, mais elle est bénéfique pour l’équilibre financier de la société et également pour nos clients. D’ailleurs, nos résultats de 2022 témoignent de notre solidité financière. En effet, en dépit de recul de notre chiffre d’affaires de 1% en 2022, nous avons enregistré une augmentation de 23% en termes de marge bénéficiaire et d’augmentation de 20% de sinistres réglés, par rapport à 2021, pour atteindre plus 2,5 milliards de DA. Ceci est un indicateur positif. Nous avons la capacité de présenter des dossiers pour la réassurance», a précisé Benarbia.
Une concurrence suicidaire !
Cette concurrence « suicidaire » sur les prix se traduit sous deux formes : « soit les sociétés d’assurances réduisent les prix, mais sans réduire les garanties accordées aux clients, ce qui mène à une sous-évaluation des provisions techniques pour les différents sinistres, soit, en réduisant à la fois les prix et les garanties », explique-t-il.
Notre interlocuteur estime que « les sociétés d’assurances feraient mieux d’agir sur la qualité de service, en indemnisant rapidement les clients ou en offrant des garanties plus étendues, au lieu d’imposer cette concurrence déloyale ».
Par ailleurs, le directeur général de Salama Assurances Algérie a relancé son appel pour mettre fin à la concurrence déloyale sur le marché. Il a interpelé l’autorité de régulation sur la nécessité de trouver une solution au problème des réductions. Il affirme que des compagnies ont signé des engagements à respecter le plafond de réductions mais ne le font pas : «Nous demandons à l’autorité de régulation d’intervenir au plus vite. Si on continue comme ça, on ira dans le mur!».
L’autorité de régulation est donc appelée à mettre de l’ordre dans ce secteur, avant que les choses s’aggravent. D’ailleurs, certains assureurs, à l’image de Salma Assurances Algérie, menacent de quitter le marché algérien, « si les choses n’évoluent pas positivement, on va se retirer», dira-t-il.
Une réforme du secteur s’impose
Pour sa part, le Pdg d’Alliance Assurances, Hassen Khelifati, avait déclaré « notre marché n’arrive pas à dépasser le milliard de dollars en termes de chiffre d’affaires, alors que le potentiel réel est beaucoup plus grand». Pour lui, le potentiel de croissance et les raisons de ce retard sont identifiés. Ils résident dans la structuration du marché, avec une dominance des sociétés publiques qui atteint 80% de parts de marché, ainsi que les pratiques commerciales malsaines, à l’image du dumping, la discrimination, la concurrence déloyale, etc. Des faits qui entravent le développement du secteur.
Cela, dira-t-il à la presse, «nécessite à mon sens une réforme généralisée, structurelle et irréversible, dont la mise en place d’une autorité indépendante de régulation du secteur des assurances, dotée de tous les moyens et les pouvoirs nécessaires pour le contrôle, le suivi, la vérification des provisions et le pouvoir de sanction. Il faudra en outre que ce régulateur mette un terme au dumping de manière définitive et puisse vérifier l’adéquation des tarifs proposés Vs capacités & engagements».
Il est à noter que le secteur des assurances en Algérie a enregistré une croissance de 5% durant l’exercice 2022. Selon le président de l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (UAR), Youcef Benmicia, le montant des indemnisations a augmenté de 16 % cette année, soulignant que la grande partie des indemnisations a concerné les accidents de la circulation (60 %). L’assurance automobile constitue 50% de l’activité des assurances en Algérie, contre 10% pour les assurances de personnes, et le reste concerne les assurances incendies, biens et autres, a-t-il précisé.
A. R.
la limitation des réductions de prix et concurrence Des assureurs tirent la sonnette d’alarme et le peuple toujours une victime