Représentant une ressource importante à l’économie nationale, notamment à travers sa contribution dans la finance publique, la fiscalité en Algérie doit subir de profondes réformes aux fins de contribuer à l’amélioration du recouvrement fiscal, priorités de l’actuel gouvernement qui s’est engagé à combattre l’évasion et la fraude fiscales, dans l’optique de diversifier les ressources financières du pays et trouver une alternative à la rente pétrolière.
Par Waheb Ferkhi
Preuve en est, la mise en place des mesures réformatrices de ce système fiscal s’impose, du moment que le directeur général des impôts a indiqué récemment que la fraude fiscale a causé à l’Algérie une perte d’environ 40 milliards de dollars, en une période d’une quinzaine d’années. Selon des experts fiscalistes, la mise en place d’une bonne gouvernance fiscale nécessite une meilleure prise en charge des acteurs de la fiscalité, notamment sur le plan contrôle, contentieux et recouvrement fiscal. Ils estiment, par ailleurs, que la structure d’imposition en Algérie prévoit essentiellement deux modes de perception, particulièrement le recouvrement à l’amiable et le recouvrement forcé.
En ce sens, l’expert en fiscalité Mohamed Sellami a indiqué dans l’émission «Je dis économie», diffusée sur la chaîne radio Algérie internationale :«On est à une nouvelle étape de l’économie nationale pour le côté de la fiscalité. Le fléau de la fraude fiscale est très important par rapport au marché formel et l’économie formelle», a-t-il déclaré.
Utilisation de tous les moyens pour recouvrer l’impôt
Il a souligné, en outre, que la criminalisation de l’évasion fiscale ne suffit pas. Mais il y a d’autres principes, notamment la justice fiscale et la capacité contributive du contribuable. Il faut aussi revoir la législation fiscale et mettre à la disposition des contribuables un système d’information pour pouvoir connaître leurs droits et leurs dus. Il a signalé qu’il y a beaucoup de contentieux dans le domaine de la contribution, à cause de l’absence d’un conseil de l’ordre, ce qui a engendré un manque de clarté dans les textes législatifs, et pour éliminer tous les vides juridiques pour que la législation fiscale devienne claire, et l’impôt assis soit basé sur des règles claires.
«Je pense qu’on doit commencer par la révision de la législation fiscale», a-t-il préconisé. Et de poursuivre que dans le volet formel, il y a des contribuables qui possèdent des dossiers fiscaux, mais l’administration fiscale n’a pas peut-être les moyens de couvrir le tissu des contribuables au niveau national. Il y a aussi des contribuables qui se trouvent en dehors de la sphère formelle, c’est l’informel et c’est là que l’administration fiscale doit être accompagnée par d’autres parties, notamment les ministères du Commerce, des Finances et de l’Intérieur.
C’est un travail qui nécessite beaucoup d’efforts et la contribution de plusieurs parties. Le professeur Mohamed Achir, de l’université de Tizi-Ouzou, pour sa part, a indiqué qu’une loi criminalisant l’évasion fiscale pour combattre une économie et des transactions informelles, et pour qu’il y ait une réforme en profondeur du système fiscal algérien, il faudrait dépasser cette dualité de la fiscalité pétrolière et de la fiscalité ordinaire et parler carrément d’une fiscalité.
Selon lui, cette fiscalité pétrolière a créé un certain effet d’éviction et des effets pervers, créés par l’abondance de la fiscalité pétrolière, pour s’intéresser moins au recouvrement de la fiscalité ordinaire et à son assiette. C’est ce qu’a montré le professeur Abdelatif Benachenhou, dans un ouvrage intitulé l’Algérie, sortir de la crise, publié en 2015, où il note que la forme actuelle de mobilisation des ressources ne favorise pas l’investissement et la croissance.
Un système fiscal qui doit assurer la justice sociale
Mohamed Achir a préconisé qu’il faudrait mettre en place un système fiscal, qui va assurer la justice sociale, parce qu’il y a des avantages fiscaux accordés à travers des lois de finance, sans pour autant se référer à ces fondements de justice fiscal pourtant constitutionnalisé , où des milliers de milliards d’avantages fiscaux accordés à des entreprises durant plusieurs années, de 5 à 10 ans, alors que le salariat reste toujours pénalisé par une fiscalité assez importante.
«Il faut agir doublement, il y a la contrainte de l’Etat consistant à contraindre les gens à se conformer et à être à jour par rapport à leur fiscalité, et il faut aussi développer la citoyenneté (l’acte fiscal en acte citoyen). Il a expliqué que sous d’autres cieux l’évasion fiscale est considérée comme un crime, et en contrepartie l’acte fiscal est un acte de citoyenneté, c’est une action citoyenne, c’est un devoir. La décentralisation fiscale où le contribuable s’assure que son argent revient en projet contribuant à l’amélioration de son quotidien.» Donc, pour lui, la décentralisation fiscale contribue au développement de cette culture fiscale. «Il y a une urgence de réformer le système fiscal algérien.», a-t-il conclu.
W. F.