L’Algérie, selon l’agence Reuters, par le biais de l’OAIC, a lancé un avis d’appel d’offres pour l’acquisition de 50.000 tonnes de blé tendre. Des observateurs ont tout de même relevé que cet appel d’offres, remet en lumière les difficultés de notre céréaliculture, particulièrement pour le blé tendre, qui est utilisé par les boulangers et pâtissiers entre autres. Selon certaines sources, malgré les bons résultats affichés par le ministère de l’Agriculture, l’Algérie importe plus de 70%, de ses besoins en blé (dur et tendre).
Par Réda Hadi
Pour rappel, en 2018, la facture de l’importation a connu une nette augmentation (16% en quantité et 29% en valeur), par rapport à l’année précédente. Un paradoxe, accentué par des cours mondiaux qui ne connaissent, pourtant pas de hausses significatives. Les professionnels de cette filière soulèvent des problèmes de rendements très faibles, de matériel de récolte vétuste et des conditions de stockage pas du tout saines, outre des infrastructures insuffisantes.
A titre d’exemple, la production nationale est très faible et ne couvre que 30% de nos besoins, avec une production moyenne de 40 millions de quintaux. Ce qui a induit par conséquent, un accroissement de nos importations de céréales. L’importation du blé (dur et tendre) représente 65% des importations des céréales et le blé tendre représente 70% de l’importation du blé. En 2018, on a importé 8 millions de tonnes de blé (dur et tendre) avec une facture de 1,92 milliard de dollars, dont 7,9 millions de tonnes de blé tendre d’une une valeur de 1,48 milliard de dollars.
La céréaliculture souffre, selon M Radja Ahmed, expert en agriculture et consultant que nous avons contacté, d’abord et avant tout, d‘organisation. Selon cet expert, «il faut avant toute chose, réorganiser notre agriculture. Je vous cite l’exemple français. En introduisant la comptabilité dans cette filière, la production céréalière a augmenté de 38%. Ce qui est énorme. Avant de produire, il faut savoir comment le faire. Si vous allez dans n’importe quelle exploitation, vous ne trouverez aucun cadre technique qui puisse orienter et diriger les exploitants. Pas même un technicien» a affirmé M. Radja.
Un manque flagrant de maitrise de gestion
Par ailleurs, avant de parler de faiblesse ou de bons rendements, notre interlocuteur suggère «plus de bon sens dans la gestion».
Peut-on arriver à un équilibre entre culture et consommation ? A priori oui, cela est faisable. On peut, une fois que l’organisation de la filière entamée, «cibler les subventions dans le sens où ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui seront concernés. Avec les subventions, il y a de l’abus.» a t –il estimé.
De plus, «avec plus de campagnes de sensibilisation, il faut arriver et savoir orienter le consommateur vers d’autres façons de consommer. Il faut agir aussi sur le modèle de consommation» nous a-t-il affirmé.
Par ailleurs, cet expert a insisté sur «les méthodes de l’exploitation qui restent paradoxalement archaïques. Les exploitants se contentent de produire, et aucune formation n’est donnée.» «Malgré l’étendue de la surface cultivée, aucune technicité n’est introduite. Il faut faire le ménage dans les explorations car notre modèle de culture reste empirique. Il faut introduire les nouveaux moyens modernes actuels, tels que, la comptabilité générale puis analytique, notre mode de gestion surtout. Faire appel à des Start up aussi. Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra faire émerger notre agriculture» a-t-il conclu.
Mais au delà de ses problèmes de gestion et organisationnels, d’autres observateurs relèvent que les difficultés actuelles ne résident pas uniquement dans les faibles rendements, mais également des pertes de quantités considérables de production suite à diverses causes.
Le non-respect de la période de récolte est l’une des causes principales ; accuser un retard dans la moisson, c’est faire passer les céréales à un stade d’excès de maturité, ce qui rend les épis plus vulnérables durant la coupe, en plus des pertes dues à la récolte mécanique en raison du mauvais réglage des moissonneuses-batteuses, vétustes dans leur majorité et, finalement les pertes qui peuvent se produire suite aux mauvaises conditions de stockage, vu que les entrepôts de stockage ne répondent pas aux normes concernant la température et l’humidité, deux facteurs essentiels pour un bon stockage.
Le stockage : l’autre problème
Les capacités de stockage actuelles ne dépassent pas les 31 millions de quintaux. Selon des économistes, les silos dont on dispose, dans leur majorité, ne répondent pas aux normes requises en termes de température, d’humidité et des pertes énormes sont avancées par des spécialistes dues aux mauvaises conditions de stockage.
Un projet de réalisation de 39 structures de stockage, dont 9 silos métalliques et 30 silos en béton avec une enveloppe globale de 558 millions de dollars, a été inscrit depuis plus de 10 ans, selon les mêmes sources. Mais jusqu’à présent, il n’y a que deux entrepôts en béton qui ont été réceptionnés, l’un à Bouchgouf, dans la wilaya de Guelma avec une capacité de 30 000 t, et l’autre à El-Khroub, dans la wilaya de Constantine, avec une capacité de 50 000 t.
«Peut-on alors parler de stratégie agricole ?», s’interroge, Zoheir, fraichement diplômé de l’INA, alors qu’on ne pense même pas à stocker un produit stratégique comme le blé.
M. Radja abonde en ce sens, et précise que sans stratégie ni vision à long terme, l’agriculture restera embourbée dans ses problèmes.
Pourtant notre Agriculture est un facteur important de notre économie. Elle a généré, sans les industries agroalimentaires, près de 12,3% du Produit intérieur brut (PIB) en 2017. Le secteur agricole emploie 10,4 % de la population active en 2017 avec 1,14 million de travailleurs.
R. H.