Le moins que l’on puisse dire est que la feuille de route déroulée, mardi dernier, par le président de la République au titre du plan de relance économique du pays, se veut ambitieuse autant par la batterie de mesures concrètes annoncées que par les objectifs assignés à la démarche. Un plan, par ailleurs, dont la concrétisation promet d’être des plus laborieuses…
Par Hakim O.
C’est qu’en termes d’objectif fondamental et générique, que vise le plan de relance, il n’est rien moins question que de s’émanciper de la dépendance de la rente des hydrocarbures vers une économie productive et génératrice de richesses. Le simple énoncé de cette ambition pourrait laisser sceptique tant ce vœu exprimé par les prédécesseurs du chef de l’Etat depuis des décennies, est resté lettre morte. Cependant, et comme pour rassurer sur la sincérité de ses intentions à ce titre, le président Tebboune ne lésinera pas autant sur les moyens financiers que sur les facilitations juridico-administratives pour y parvenir.
Tebboune promet de casser la tirelire
S’agissant du nerf de la guerre, le président de la République, dans une allocution prononcée, mardi à Alger lors de la tenue de la conférence nationale sur le plan de la relance économique, a fait état de pas moins de 1 900 milliards de DA alloués à l’investissement. «À compter de ce jour jusqu’à la fin de l’année, nous avons alloué 1 900 milliards de dinars à tous ceux qui souhaitent investir», a-t-il déclaré. Ajoutant que toutes «les portes sont ouvertes aux investisseurs» et que «toutes les banques sont à leurs dispositions», s’est-il engagé. Les gages de bonne foi sont poussés plus loin par le chef de l’Etat, qui promet de prélever sur les réserves de change (pourtant amoindries) au profit des investisseurs de 10 à 12 milliards de dollars au titre de financements des investissements. Quant aux mesures incitatives au profit des investisseurs, notamment les exportateurs, promises par le président Tebboune, elles sont à la mesure de l’importance de l’apport financier. Elles consistent, entre autres, en la mise place de «couloirs verts» au profit de produits à l’exportation, la cession d’une bonne partie de recettes en devises au profit des exportateurs et l’amélioration de la relation avec le ministère des Finances et l’administration fiscale, l’ouverture au privé du transport aérien et maritime, la promotion et la valorisation de la diplomatie algérienne pour favoriser l’accès des produits algériens aux marchés extérieurs… Autant de facilitations et d’autres, dont le Président espère qu’elles contribueront à réaliser deux principaux objectifs qu’il s’est assigné au titre de la relance de l’économie hors hydrocarbures. A savoir, parvenir à l’exportation de 5 milliards de dollars d’ici la fin 2021, au lieu des 2 milliards actuels, et à la réduction de la dépendance des hydrocarbures à moins de 80% au lieu de 93%, taux de nos exportations globales. Perspectives qui, dans l’absolu, pourraient paraître modestes, mais qui se veulent néanmoins d’autant plus réalistes qu’elles renseignent sur la difficulté du défi… Plus d’un demi-siècle d’«habitudes» économiques et de positions acquises ne sont pas simples transformer.
Quoi qu’il en soit, le discours-engagement du Président semble avoir plutôt suscité de la satisfaction auprès des acteurs de la scène socio-économiques, entre opérateurs et experts, notamment. A l’instar de M. Abderrahmane Hadef, expert du développement local, qui dit avoir perçu de la «sincérité» dans le discours du Président, outre que, selon lui, le chef de l’Etat s’est adonné à un «diagnostic lucide et objectif de la situation socio-économique du pays, et que ses engagements en matière d’aides financières et de facilitations administratives et juridiques sont importants». Il reste, pour M. Hadef, néanmoins, que la concrétisation du plan de relance «nécessitera l’adhésion et l’implication des forces vives de la nation».
Et notre expert ne croit pas si bien dire, tant une aussi ambitieuse feuille de route, visant rien moins qu’un chamboulement dans la structure même de la sphère socio-économique, d’une économie mono-exportatrice vers celle productive et diversifiée, a besoin de garanties et de garde-fous pour sa réussite. Ceci, d’autant plus qu’une fois encore, nous en sommes à une énième tentative du genre de la part d’un président de la République…
S’agissant, par contre, des retombées sociales du programme mais aussi écologiques, l’heure ne semble pas encore aux interrogations. Et, ce, dans la mesure où le caractère franchement libéral du plan risque de susciter quelques craintes quant à son impact sur les intérêts et aspirations sociaux des catégories les moins loties de la société. Idem pour l’aspect écologique du plan de relance et du respect de la biodiversité, sachant les perspectives réelles ou supposées caressées par les autorités d’opter, entre autres, pour une agriculture intensive en quête de compétitivité et de rentabilité et autre exploitation du gaz de schiste…
Quelles garanties ?
Qu’est-ce qui garantit, en effet, que la prédation ne sera pas la seule bénéficiaire des avantages divers et substantiels accordés par l’autorité présidentielle, comme nous l’avons si durement constaté avant la présidence de M. Tebboune ? Qu’est-ce qui nous prémunira contre ce que le chef de l’Etat a lui-même fustigé lors de son discours de mardi, «les pseudos exportateurs automobiles qui ne font, en réalité, que dans le gonflage pneumatique», allusion au cas d’école de ce modèle de gaspillage et de fraude qu’a constitué la pseudo-industrie auto encouragée par l’Etat à coups de milliards de dollars d’aides ?
Des interrogations quant à l’efficacité du plan de relance qui se posent, en effet, dans la mesure où les «résistances bureaucratiques» des «forces de l’inertie», tel que redouté par les partisans de réformes structurelles dont le chef de l’Etat lui-même, semblent à l’œuvre. Preuve en est les embûches contre lesquelles bute le Président mettant à mal l’application de ses instructions en matière de mesures sociales et locales, et qu’il a publiquement dénoncées lors de sa dernière conférence de presse.
Hakim O.