Classée depuis déjà longtemps parmi les pays en situation de stress hydrique élevé, l’Algérie qui risque, selon certaines études (ex. Ipemed), une pénurie d’eau à l’horizon 2030, fait face à un phénomène menaçant qui ne laisse pas indifférentes les autorités. C’est pour anticiper les effets désastreux d’une telle perspective que des mesures urgentes ont été prises, lundi dernier, lors d’un Conseil interministériel présidé par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad.
Par Nabila Agguini
C’est à l’effet d’atténuer au maximum les effets du stress hydrique dont souffre actuellement le pays, que le Premier ministre a mis en œuvre un certain nombre de mesures pour garantir «non seulement la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable de la population, mais également la sécurisation du système national de production agricole», selon un communiqué des services du Premier ministère. Lors du Conseil interministériel, il a été question du «plan d’action urgent pour contenir les impacts du stress hydrique, notamment avec l’enregistrement, ces derniers mois, d’une pluviométrie inférieure à la moyenne, et une augmentation de la consommation d’eau, ce qui induirait un déficit hydrique précoce, si les conditions météorologiques persisteraient durant les prochains mois dans un scénario pessimiste», poursuit le communiqué.
En effet, l’année dernière (2019), l’organisme américain «World Ressources Institute», classait l’Algérie à la 29e place parmi les pays en situation de stress hydrique élevé, sur les 44 pays soumis à étude. De ce fait, il a été établi que le pays fait face à une réelle menace sur la sécurité et la disponibilité de l’eau. Plusieurs éléments président à cette situation inquiétante : d’abord, il y a la raréfaction des ressources hydriques, la croissance démographique et les changements climatiques. Autant de raisons qui font que l’accès à l’’eau potable devient problématique pour une bonne partie des populations.
Un défi majeur pour l’Algérie
L’Institut de prospection économique en Méditerranée (Ipemed) ajoute une couche. Relevant les vulnérabilités des potentialités hydriques de l’Algérie, cet institut prévoit un stress hydrique à long terme, en prévoyant de sérieuses complications à l’horizon 2030. C’est ce que confirme, par ailleurs, la norme établie par la Banque Mondiale, laquelle classe notre pays dans la case des «pays pauvres en matière des ressources en eau». Ainsi, et pour l’année en cours, les prévisions font état du passage du taux du mètre cube par habitant à 500 m3/hab/an en 2020. Une situation qui ne manque pas d’inquiéter les hautes autorités, et plus particulièrement les responsables du secteur des ressources en eau, qui veillent à assurer un service public de l’eau performant.
S’il est vrai que l’Algérie a enregistré un énorme retard, durant dans les décennies 1980 et 1990, pour ajuster l’offre à la demande en eau (le ratio ressources en eau par habitant et par an qui était de 1 500 m3en 1962, n’était plus que de 720 m3 en 1990, et de 630 m3 en 1998), induisant un décalage par rapport à la croissance démographique, il faudra reconnaître que beaucoup d’efforts ont été consentis par la suite. En effet, durant l’année 2011, M.Bekele Debele Negwo, expert à la Banque Mondiale, a désignél’Algérie comme «un pays exemple dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (Mena) en matière de mobilisation des ressources en eau.» Evoquant une «politique équilibrée algérienne en matière de mobilisation et de diversification des ressources en eau, au moment où plusieurs pays de la région sont confrontés à de graves difficultés pour approvisionner leurs populations en eau potable», la BM met en exergue «les efforts consentis par les autorités pour éloigner le pays de sa situation de «pauvreté hydrique».
Effectivement, d’importants financements publics ont été alloués au secteur de l’eau, où, à titre de rappel, les investissements publics sont passés de 28,5 milliards de DA (soit 34,8 millions d’euros) en 1999, à 594 milliards de DA (738,4 millions d’euros) en 2006. Face aux besoins des populations, de l’agriculture et de l’industrie, l’Algérie est rapidement passée, durant les années 2000, d’une politique sectorielle à une politique intégrée de l’eau.
La démarche étant payante, et le secteur des ressources en eau a misé prioritairement sur la diversification des ressources. Pour ce faire, des investissements massifs ont été engagés, pour renforcer le parc de barrages et des retenues collinaires, en plus du recours accru au dessalement de l’eau de mer et à la réutilisation des eaux usées. C’est ainsi qu’entre 2000 et 2010, l’Algérie a vu sa capacité de stockage des eaux de surface doubler.
L’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT), pour sa part, a engagé d’importants moyens pour améliorer le rendement tout en veillant à interconnecter les barrages, pour une meilleure alimentation tant des populations que des périmètres irrigués appelés à être augmentés de 25 000 ha/an en moyenne.
Eau dessalée et épuration…
Le dessalement d’eau de mer est apparu comme une solution alternative, surtout que l’Algérie dispose de 1 200 km de côtes. Ainsi, ce procédé est en mesure d’alimenter en eau potable des villes et localités du littoral, et jusqu’à 60 km aux alentours, selon les prévisions établies. En 2013 déjà, l’Algérie comptait neuf (09) grandes stations de dessalement en exploitation, dont la capacité de production est de l’ordre de 1,4 millions de m3 d’eau dessalée par jour. Ces stations sont gérées par des sociétés de production pilotées par l’Algerian Energy Company (AEC), société créée par les groupes Sonatrach et Sonelgaz.
L’autre procédé utilisé n’est autre que la réutilisation des eaux usées épurées afin de subvenir aux besoins du secteur agricole. Devenues un axe prioritaire de la politique de l’eau, les stations d’épuration des eaux usées occupent actuellement une place prépondérante. En effet, l’épuration constitue une véritable opportunité et un moyen efficace pour préserver les ressources en eaux traditionnelles, car l’utilisation des eaux traitées peut bénéficier tant aux municipalités (espaces verts, lavage des rues, lutte contre les incendies, etc.), qu’aux industries (refroidissement).
N. A.

Encadré 1
Les ressources en eau en quelques chiffres
Les potentialités en eau de l’Algérie sont estimées à 18 milliards de m3/an répartis comme suit :
- 12,5 milliards de m3/an dans les régions nord, dont 10 milliards en écoulements superficiels et 2,5 milliards en ressources souterraines (renouvelables).
- 5,5 milliards de m3/an dans les régions sahariennes, dont 0,5 milliard en écoulements superficiels et 5 milliards en ressources souterraines (fossiles).
ENCADRE 2
Production d’eau potable
Le volume d’eau potable produit, à travers les 80 barrages en exploitation, les 11 grandes stations de dessalement d’eau de mer et les milliers de forages répartis sur le territoire national, permettent une couverture efficiente des besoins en alimentation en eau potable. En effet, la production nationale, toutes ressources confondues, est estimée à 9,8 millions de m3/j, offrant une moyenne de 180 litres par jour et par habitant, et des fréquences de distribution de 78 % au quotidien, dont 40% en H/24.