Eco Times : Sonatrach et Naturgy sont parvenus à un arrangement pour la poursuite des livraisons de gaz à l’Espagne pour une période long terme, jusqu’en 2030, mais selon certaines conditions dont, la réduction des contrats de vente à long terme ramenée de 8 à 12 ans, au lieu de 25 30 ans, et d’un prix du gaz ramené au niveau ou proche du marché spot. Quelle appréciation avez-vous de ce dénouement entre les deux pays sur la question gazière, plus de 5 mois après les incertitudes qui ont caractérisé le devenir de la relation commerciale bilatérale en la matière ?
Kamel Aït Cherif : Tout d’abord, avant de répondre à vos questions sur le marché gazier algérien, notamment avec l’Europe, il y a lieu de signaler que dorénavant, il n’y aura pas de contrat à long terme dans le domaine du gaz entre l’Algérie et ses clients comme auparavant. Il ne va y avoir éventuellement que des contrats à court & moyen termes, avec un marché spot du gaz.
Pour revenir à votre question sur le dénouement entre l’Algérie et l’Espagne sur la question gazière, après un litige sur les prix du gaz, entre Sonatrach et Naturgy, après cinq mois de négociation, les deux compagnies ont conclu lors du forum économique algero-espagnol du jeudi dernier, à Alger, à un arrangement sur les nouvelles conditions de livraison de gaz algérien vers l’Espagne, et ce, afin d’éviter un nouveau contentieux et un recours à l’arbitrage international pour régler ce litige.
A cet effet, Sonatrach et Naturgy ont parachevé de nouvelles conditions à la poursuite de livraison du gaz à cette compagnie jusqu’en 2030. Ceci va permettre de garantir à l’Algérie le maintien du volume des exportations de gaz en Espagne, face à la concurrence russe et américaine, du moins d’ici 2030 !
Par ailleurs, pour les relations commerciales bilatérales entre l’Algérie et l’Espagne, il faut savoir que l’Espagne constitue le 5e fournisseur et le 3e client de l’Algérie, mais aussi elle constitue le second débouché pour le gaz algérien après l’Italie, et Naturgy est le second plus important client gazier de Sonatrach après ENI.
Il y a lieu de noter, aussi, que Sonatrach et Naturgy sont actionnaires dans la société Medaz, qui exploite le gazoduc reliant l’Algérie à l’Espagne d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes/an. La capacité du pipe va passer éventuellement à 10 milliards de m3/an en 2021.
Si cet accord est à applaudir, puisqu’il confirme la reconduction des contrats à long terme entre les deux pays sur le gaz, quelles sont, selon vous, les mesures, voire les réformes éventuelles à entreprendre par l’Algérie, pour sécuriser ses échanges gaziers avec ses clients face à la concurrence russe et américaine ?
Les réformes éventuelles à entreprendre par l’Algérie, donc par Sonatrach, pour sécuriser ses ventes gazières à l’international avec ses clients, notamment européens, et ce, dans la perspective d’un marché gazier mondial de plus en plus compétitif et concurrentiel, particulièrement face à la concurrence russe, américaine, qatarie…, il est judicieux pour la compagnie Sonatrach de prévoir une nouvelle stratégie gazière, d’établir des bases de références et de comparaisons entre les coûts de sa production gazière et les prix de vente de gaz imposés par la concurrence. Quelle est la structure de ces coûts ? Quel est l’incidence de ces coûts sur le producteur ? Et, quelle est leur sensibilité aux variations des volumes de production ? Ces critères constitueront un indice de mesure de la productivité et un facteur important pour accroitre la rentabilité, gagner en avantage concurrentiel par le biais d’une maîtrise et/ou de rationalisation des coûts de production.
En effet, en contexte de crise et/ou d’ouverture économique, on ne peut gagner des parts de marché que si l’on gagne la bataille de la compétitivité.
Le nouvel environnement énergétique et économique international impose à Sonatrach de définir des stratégies appropriées de son processus d’affaires (en amont et aval gazier et pétrolier), afin de s’intégrer résolument et d’évoluer activement dans ce nouveau contexte énergétique et économique de plus en plus compétitif et concurrentiel.
Aussi, face au nouvel environnement énergétique et économique mondial, Sonatrach ne peut plus continuer à fixer des objectifs à moyen & long termes. L’entreprise se doit d’être attentive et réactive tant sur les facteurs exogènes qu’endogènes et en fonction desquels, elle réajuste l’approche devant conduire vers des objectifs à moindres coûts.
Dans la nouvelle économie, seules les entreprises qui sauront optimiser leur chaîne de valeurs pourront améliorer leur productivité, réduire leurs coûts et tirer leur épingle du jeu.
La maîtrise et l’optimisation des coûts au niveau de l’amont et de l’aval gazier constituent une condition sine qua non pour affronter la concurrence sur le marché gazier mondial !
Enfin, pour équilibrer le marché gazier mondial et stabiliser les prix du gaz, il est impératif pour les pays exportateurs du gaz de créer l’organisation des pays exportateurs du gaz(OPEG).
Entretien réalisé par Hakim. O.