Eco Times : Selon M. Attar, le ministre de l’Energie, qui est intervenu sur les ondes de la Radio nationale, les réserves en énergies fossiles que possède l’Algérie assureront la sécurité énergétique du pays jusqu’en 2045. Trouvez-vous cette échéance raisonnable ?
Kamel Aït Chérif : Les énergies fossiles assurent, aujourd’hui, 80% des besoins énergétiques mondiaux, et 98% des besoins énergétiques nationaux. Si cette dépendance est souvent mise en cause dans la protection environnementale, elle n’en reste pas moins un véritable défi pour la sécurité énergétique.
La notion de sécurité énergétique structure profondément la définition des politiques énergétiques nationales et internationales.
En effet, les politiques énergétiques reposent sur deux objectifs : l’indépendance & la sécurité énergétique. Cette sécurité énergétique pour l’Algérie, ainsi que pour les pays producteurs, est l’une des conditions essentielles de leur prospérité économique, mais aussi un facteur d’influence et de puissance politique.
A cet effet, même si les réserves de l’Algérie en énergies fossiles (pétrole & gaz) assurent la sécurité énergétique à long terme, néanmoins, l’avenir du secteur de l’énergie laisse présager de profondes mutations ! Et ce n’est pas seulement l’épuisement des énergies fossiles (pétrole & gaz) qui le justifie, mais également l’avenir énergétique national.
Les perspectives de croissance de la demande énergétique mondiale, la reconfiguration de l’équation énergétique mondiale, qui se trouve profondément modifiée, et la question des risques énergétiques de nature géopolitique restent plus que jamais d’actualité, et il n’existe pas d’alternative durable et à grande échelle à long terme aux énergies fossiles, ressources considérées comme non renouvelables et, également, responsables de l’augmentation de la proportion de gaz à effet de serre.
Il est, donc, possible de prévoir avec une marge d’erreur limitée ce que seront les grands équilibres énergétiques mondiaux d’ici 2030-2040, en dehors des crises économiques et géopolitiques de grande ampleur.
Dans quelle mesure la sécurité énergétique du pays pourrait-elle être menacée ou, au contraire, renforcée à moyen terme?
Entre la sécurité et la transition énergétique : une fonction à variables complexes, la priorité a toujours été donnée à la sécurité énergétique (une problématique !).
La sécurité énergétique est de plus en plus importante, et la consommation nationale en énergie devrait être plus économe. Pourquoi ?
Le rythme de consommation interne d’énergie, en Algérie, enregistre une tendance haussière, de +60 millions de tonnes équivalent pétrole ‘’Tep’’ en 2019(*), avec 43 millions d’habitants contre 17 millions de Tep en 2005, il risque de doubler à l’horizon 2030, voire tripler à l’horizon 2040. Avec un scénario laisser-faire, la production totale d’énergie risque d’être égale à la consommation interne d’énergie à l’horizon 2030.
Il y a lieu de signaler que la moyenne de consommation d’énergie de l’Algérien est le triple de la moyenne mondiale.
(*) – Répartition par forme d’énergie : gaz naturel (37%) ; produits pétroliers (30%) ; électricité (28%) ; GPL (4%) et ENR (01%).
Ce modèle de consommation énergétique national est insoutenable : ce qui impose, en premier lieu, un nouveau modèle de consommation énergétique basé sur l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique.
Au regard des préoccupations actuelles et futures, l’avenir énergétique de l’Algérie suscite des inquiétudes.
Par ailleurs, il est indispensable pour l’Algérie de définir des objectifs du développement durable, à court, moyen et long termes, de replacer la transition énergétique par l’économie d’énergie, de doubler le taux de croissance de l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables dans le mix-énergétique national. Mais, aussi, mettre en place des mesures fortes afin d’orienter nos modèles de production/de consommation d’énergie, et de développement respectueuses de l’environnement et de l’économie d’énergie.
Aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard, il y a lieu d’engager un programme d’action vers une transition énergétique, pour assurer un développement durable d’ici 2030.
La problématique énergétique nationale nécessite une transition vers le mix énergétique et la maîtrise de la consommation interne d’énergie.
A cet effet, il est impératif d’accorder la priorité en Algérie à la maîtrise de la consommation interne d’énergie, mais pas à la croissance de la production nationale d’énergie pour assurer la sécurité énergétique !
Entretien réalisé par Hakim Outoudert