Par Réda Hadi
L’exploitation de l’or dans notre pays, ne cesse de soulever espoirs, réserves et inquiétudes. Avec des réserves avérées des gisements recensés l’Algérie possède un potentiel en «or» de ce type de minerai. Si son exploitation suscite l’enthousiasme des pouvoirs publics, qui voient là une manière de diversifier les sources de financement, et de création d’emplois, elle n‘en demeure pas moins difficile à résoudre.
Echaudés par les expériences passées, les pouvoir publics se sont promis de réussir à valoriser cette substance. En effet, face aux lourds investissements que son exploitation est censée demander, et en attendant de trouver un partenaire sérieux pour une extraction à grande échelle, il est fait appel à des micros entreprises.
Pour Mohamed Arkab, le secteur des Mines a élaboré un programme pour augmenter la production aurifère nationale, afin de couvrir la demande sur ce métal précieux. «L’objectif est d’atteindre une production 250 Kilogrammes pour cette année 2021», a déclaré le ministre des mines.
Le ministre a également fait savoir que «plus de 118 périmètres ont été sélectionnés, et seront attribués aux jeunes des régions concernées, aux sociétés, aux entreprises et micros-entreprises». Il a ajouté : «nous avons distribué aux jeunes des permis d’exploitation lors de notre sortie de travail la semaine passée, incluant, tout un programme autour de cette opération de formation afin qu’ils puissent exploiter efficacement ces périmètres».
Ainsi donc, en attendant, l’exploitation de masse, c’est l’extraction artisanale qui va prendre le relais.
Selon Samir BouzarSaaidi, chef de projet de l’exploitation minière et artisanale au ministère des mines, intervenant sur les ondes de la radio nationale, 218 permis d’exploitation d’or ont été attribués par le ministère des mines aux jeunes de Tamanrasset et d’Illizi. Ces micros entreprises devrait permettre «la création de 1200 postes d’emploi directs et d’augmenter la production d’or à 250 Kg/an». A-t-il souligné.
En plus de son impact direct, cette stratégie permettra, escomptent les autorités, de lutter contre l’exploitation illicite. «Avec cette opération on aura une occupation du terrain et une sécurisation des lieux par les services de sécurité, pour bloquer totalement l’exploitation illicite de cette ressource», a expliqué M. Samir Bouzar.
Au-delà donc de ses effets d’annonces optimistes, du point de vue économie, des interrogations sont soulevées par des économistes, qui soutiennent mordicus, que la méthode artisanale reste «artisanale» et ne peut être que vivrière, sans compter ce que cela peut produire sur l’environnement.
En somme, l’Etat s’est donné les moyens pour réussir cette opération. Puisque selon M.Azri Yahia, Directeur général de l’ORGM (Office national de la recherche géologique et minière), deux comptoirs de collecte ont été mis en place. L’un à Djanet (Illizi) et l’autre à Amesmessa (Tamanrasset), au plus près des sites d’extraction.
De plus, ce responsable, nous a précisé que les analyses du tout venant de ces micro-entreprises, seront faites par son organisme, qui déterminera les teneurs en or, et donc la rentabilité.
Ces analyses seront faites à des prix symboliques, pour ne pas nuire à la micro-entreprise. Quant au prix réel, il sera pris en charge par l’Enor.
Les économistes dubitatifs
Pour des économistes algériens, cette mesure reste totalement sociale. En effet, pour Nabil Djemaa, expert en économie «cette mesure ne répond nullement à une vision à moyen ou à long terme. Elle sert juste à sédentariser les gens et surtout à sécuriser ces zones concernées».
Pour cet expert, il est aberrant de parler de rentabilité, sachant la quantité de terre ou de sable que l’on doit passer au tamis, pour quelques grammes d’or, qui est énorme, car on parle dans ce cas-là de tonnes pas de kilos.
«Ces micro entreprises sont des trompe l’œil. Même en surface, l’extraction de l’or demande de gros matériels. Certes, selon mes informations, certains entrepreneurs se sont vu attribuer du matériel saisi des contrebandiers. Mais cela ne suffit pas, car les outils saisis sont déjà utilisés et ne répondent pas aux normes. De plus, les concessions se trouvent dans des zones où la température est très élevée. Les gens du Sud ne travaillent que durant les moments de fraicheur. Donc il y a diminution de rentabilité»,nous a-t-il précisé
«A mon sens, il aurait fallu mieuxprendre en charge ces jeunes, en leur assurant les moyens d’extraction, un salaire décent, au lieu de leur donner un bout de terrain, avec peu de moyens de communication (routes par exemple). Le ministère des mines a-t-il les moyens de sécuriser une zone réputée dangereuse ? Les gisements rentables se trouvent en profondeur, c’est à ce niveau qu’est la rentabilité. En surface l’extraction reste du «bricolage», propre à faire vivoter une famille comme c’est le cas en agriculture vivrière. Il faut s’attaquer au problème avec une vision à moyen et à long terme, même si au début l’Etat perd de l’argent, celui-ci est vite récupérer dès l’extraction en profondeur», a-t-il conclu, tout en précisant que «pour réussir, il faut voir grand et s’en donner les moyens, car nous les avons».
Les écologistes inquiets
Dès l’annonce de l’attribution de ces concessions, les écologises algériens, se sont montré inquiets et affichent leurs inquiétudes sur le devenir de la biodiversité des zones désertiques et sur l’occupation des sols.
Ces zones sont situées dans des endroits où il est très difficile de procéder à des contrôles environnementaux, et faire respecter le cahier des charges lié à l’extraction artisanale.
L’extraction même artisanale requiert beaucoup d’eau. Or celle-ci (l’eau) est considérée comme vecteur de diffusion de la pollution et du transfert des polluants par excellence. L’écosystème est donc soumis à des pressions qui provoquent dans le temps des déséquilibres de fonctionnement.
Pour les écologistes, si la création de ces micros-entreprises a ravi certains, l’environnement risque, quant à lui, de pâtir encore bien plus longtemps de la pollution causée par l’extraction de l’or.
Il faut savoir que l’extraction d’une once d’or à partir de minerais peut entraîner 20 tonnes de déchets solides et une contamination importante au mercure et au cyanure.
R. H.