Le manque ou l’inadéquation des zones industrielles en Algérie, est la pierre d’achoppement sur laquelle buttent des investisseurs. Généralement mal entretenues, manquant de moyens de communication ou de liaisons, ces zones dites industrielles, n’offrent selon des locataires, aucune ou peu de commodités et d’assainissement. Mais le plus dur est sans conteste, la bureaucratie et l’absence de l’Etat dans les conflits qui, souvent, opposent des investisseurs à des indus occupants du foncier.
Par Réda Hadi
Ces contraintes ont fait fuir beaucoup d’investisseurs. Selon M Sayoud Mohamed, gérant d’un bureau de conseils en investissements, l’Algérie souffre d’une crise de l’offre foncière économique en Algérie et du blocage à l’investissement.
Selon lui, sur le plan institutionnel, le législateur algérien a soustrait à la loi foncière son volet opérationnel rendant problématique la question de l’aménagement en Algérie et par là même, le développement d’une offre foncière de qualité. Poursuivant ses dires, pour lui, le nouveau régime foncier s’est employé beaucoup plus à instaurer des règles pour garantir les investissements privés qu’à développer des outils et mécanismes de production urbaine et économique susceptibles d’accueillir les projets d’investissement.
Pour étayer ses propos, il évoque les limites des missions de l’Andi (Agence nationale de développement de l’investissement), une agence nationale d’expertise et de gestion, créée dès la première génération de réformes et qui s’est vu confier les missions de facilitation, de promotion et d’accompagnement de l’investissement privé. En effet, selon notre interlocuteur, le passage de l’APSI (Agence de Promotion, de Soutien et de Suivi de l’investissement) vers l’ANDI qui s’est traduit par des modifications des cadres institutionnels et réglementaires, donnant lieu à la création d’un Conseil National de l’Investissement, a fait que l’Andi, en tant qu’administration, « se conduit plus comme simple administrateur de candidatures et ne semble pas s’inscrire dans un processus de modernisation visant à considérer les investisseurs comme des clients auxquels il faudrait fournir des services adaptés ».
Lourdeurs et absence des pouvoirs publics
La situation peut paraitre ubuesque, tant les discours des pouvoirs publics, sont aux antipodes des réalités de terrain. Par exemple, le choix du terrain pour créer la zone industrielle, est souvent objet de litige entre des héritiers et l’administration locale. Ce qui perturbe, sinon entrave l’installation d’entités économiques. Parfois l’emplacement n’est pas approprié, et y accéder est un véritable parcours du combattant.
Pour tous les investisseurs que nous avons rencontrés, les instances mises en place pour faciliter les investissements ne jouent pas leur rôle et se cantonnent dans une position d’attentisme, voire de blocage.
Mr Sayoud Mohamed, nous précise aussi que «des milliers de projets n’ont pu être concrétisés depuis des années en Algérie à cause d’une mauvaise gestion du foncier industriel ». En effet, des milliers de dossiers d’investissements sont restés en suspens et sans traitement au niveau du Comité d’assistance à la localisation et à la promotion des investissements et de la régulation du foncier (Calpiref). Et le peu d’investisseurs qui ont eu la chance de décrocher un terrain, n’ont généralement pas pu réaliser leurs projets à cause de divers contraintes (zones industrielles non viabilisées, pas de route ou chemin, pas d’électricité, pas d’eau, etc.).
M. Sayoud considère surtout que la création d’une instance nationale chargée du foncier industriel pour traiter les dysfonctionnements, est un système obsolète car cela ne va pas donner de résultats rapides. «Avec ce système de gestion, l’Algérie va encore perdre beaucoup de temps dans la relance de son économie. Logiquement, et vu les défis auxquels notre pays fait face, on n’a plus de temps à perdre ! Il faut inverser l’équation afin de réduire les délais et les coûts de réalisation, tout en se libérant des pratiques bureaucratiques », préconise-t-il.
«La solution pour ces diverses contraintes à l’investissement, serait peut-être d’opter pour un nouveau modèle, à savoir la création de zones industrielles clé-en-main. Un système qui a prouvé son efficacité dans plusieurs pays à travers le monde. Les pays développés et même en Ethiopie et au Rwanda, ont évolué grâce à la création de zones industrielles clé-en-main», suggère-t-il.
Des zones gérées par le privé
La gestion des zones industrielles trouverait-elle sa solution par sa prise en charge par le privé ? Beaucoup d’observateurs pensent que oui. Même la Capc (Confédération algérienne du patronat citoyen), avait demandé, du temps de l’ex-FCE, la gestion et la création de zones industrielles clé-en-main.
Pour la Capc, il est impératif et indispensable pour l’Algérie de créer des zones industrielles clé-en-main avec hangars prêts pour la location à des prix abordables afin de booster l’investissement et d’aller vers la relance économique, en créant une communauté d’entreprises manufacturières avec des normes internationales.
Ainsi, grâce à ce nouveau modèle de gestion du foncier industriel, l’Etat aura plus de visibilité sur la situation du foncier industriel et facilitera la lutte contre l’économie informelle, permettant au Trésor public d’engranger de nouvelles ressources financières grâce, notamment, à la taxe qui sera imposée aux loyers.
Ce type de parcs industriels devra être, alors, le résultat d’une volonté politique répondant à un aménagement planifié du territoire. Ils sont généralement choisis de façon à offrir de larges espaces fonciers à coût attractif mais avec d’importants moyens de transports routier, ferroviaire et/ou maritime.
Les Chinois intéressés
Généralement, ces grands parcs industriels se construisent autour d’un type d’activité principal, la sous-traitance, la production de divers produits en complémentarité, comme l’industrie mécanique, l’industrie à base de polymères, l’industrie agroalimentaire, l’industrie automobile.
Quant à la réalisation de ces zones, l’Algérie pourrait faire appel, dans un premier temps, à des partenaires étrangers. A ce titre et selon nos sources, les Chinois se disent intéressés.
Ces derniers disent pouvoir construire une zone de 100 hangars de 1 000 m2 chacun, dans un délai ne dépassant pas les six mois, puis les louer aux investisseurs à des prix raisonnables.
Les communes, quant à elles, s’occuperont de la viabilisation de ces zones. C’est la solution la plus rapide pour booster l’économie et la production en Algérie et limiter l’importation.
Dans cette optique, les promoteurs immobiliers algériens ou étrangers peuvent avoir accès à des terrains de l’Etat, soit au dinar symbolique ou à un prix attractif, afin de construire des zones industrielles/parcs industriels clé-en-main de 30 à 100 hangars prêts pour la location, de différentes surfaces aux investisseurs sans avoir recours à l’établissement d’un cahier de charge et en ayant recours à un financement bancaire comme tout projet d’investissement rentable.
Une alternative qui permet de raccourcir les délais, d’anticiper les procédures administratives, d’optimiser les coûts et ainsi d’offrir aux investisseurs une disponibilité immédiate pour produire. En parallèle, l’ex-Calpiref peut prendre les dossiers d’investisseurs qui voudraient effectuer une extension de leur activité. La récupération et la réhabilitation des assiettes non exploitées, sont une solution à établir en parallèle avec la création de nouvelles zones industrielles clé-en-main avec hangars destinées à la location, selon nos sources.
Une administration lourde et pesante
En attendant la résolution du problème de ces assiettes foncières dédiées à la production, l’investisseur n’arrive pas à démêler l’écheveau administratif et se perd dans les dédales des décisions des uns et des autres.
A travers le monde, l’investisseur n’a pas besoin d’établir un dossier pour le présenter, puis attendre des années pour pouvoir, éventuellement, avoir un terrain ; une infinité de démarches qui fait perdre beaucoup de temps au développement économique de notre pays.
Notre pays doit être doté d’un dispositif de lois permettant l’accélération, la facilitation et la simplification des procédures administratives pour la promotion des investissements. Cela œuvrera à la création de nouveaux écosystèmes, en l’occurrence, des sites industriels clé-en-main et viabilisés. Ces sites épargnent d’inutiles études aux investisseurs outre les attentes interminables, leur permettant ainsi de passer à la production le plus rapidement possible.
R. H.