Annoncée depuis des mois déjà, la décision prend désormais effet, depuis le jeudi dernier, 27 août. Une note du ministère du Commerce enjoint, en effet, les commerçants, d’ici à fin décembre 2020 de se doter de moyens de paiement électronique et, partant, les consommateurs à régler leurs achats par ce biais.
Par Hakim O.
A l’origine de la décision, selon le communiqué du ministère, des contrainets liées essentiellement à la pandémie de la Covid-19, à savoir, la crise de liquidités au niveau d’Algérie Poste, mais aussi, par la nécessité de se prémunir des sources de contaminations dues à la manipulation des billets de banques et pièces de monnaie, entre vendeurs et acheteurs, outre les sempiternelles files d’attente devant les bureaux de poste qui contreviennent aux règles de la distanciation physique. A quelque chose, donc, malheur est bon, puisqu’il a fallu l’avènement d’une crise sanitaire pour qu’enfin, soit imposée la nécessité de moderniser les échanges commerciaux, qui demeurent à l’âge de pierre par rapport aux fantastiques avancées dans le domaine par d’autres pays.
Mais est-ce si simple ? Pas si sûr… C’est qu’avec cette décision du ministère de tutelle, en effet, les autorités se lancent un défi des plus ardus.
Dès le lendemain de l’annonce de la décision, soit le jeudi 27 août dernier, les experts et spécialistes de la chose économique ont été unanimes à appréhender de vives résistances de la part des lobbys de l’informel, mais aussi des commerçants travaillant dans la légalité et les consommateurs eux-mêmes.
Si les motifs des réticences du secteur de l’informel sont évidents, l’on pointe du doigt par contre celles, éventuelles, des commerçants qui se verraient forcés, grâce (ou à cause) de cet instrument de paiement, de déclarer au réel, leurs chiffres d’affaires aux services des impôts…
Le consommateur, lui, pècherait, selon les mêmes sources, par un sentiment de méfiance et de scepticisme à l’endroit de la fiabilité de ce genre de transactions, en fait, attitude classique d’un individu face à toute nouveauté technologique venant bouleverser ses habitudes et son sentiment de… sécurité !
Il faut dire, à la décharge des uns comme des autres, cependant, que peu de choses sont entreprises de la part des autorités pour rassurer le commerçant, d’une part, sensibiliser le consommateur de l’autre. A l’endroit des commerçants, les experts préconisent à l’intention des autorités qu’elles mettent en place un ensemble de mesures incitatives en termes d’avantages fiscaux et parafiscaux qui remédieraient à leurs craintes de «perdre au change», en appliquant la directive du paiement par TPE. En tous les cas, la préoccupation devrait être d’autant plus de mise, qu’il est à craindre, que sans cela, les commerçants, plutôt que de se risquer à déclarer leurs véritables chiffres d’affaires au fisc, consentiraient à payer l’amende de 50 000 Da, instituée par la loi de finance 2020 en son article 111, portant mise à disposition des moyens de paiement électronique avant fin 2020.
A l’égard du consommateur, il est conseillé par les mêmes acteurs une campagne soutenue de sensibilisation, ainsi que des gages concrets quant à la fiabilité de l’opération. Peut-être est-ce les établissements bancaires qui seraient les plus à blâmer du fait de leur défaillance, en la matière, tel que constaté et dénoncé par les commerçants, notamment. Nombre de ces derniers se plaignent, en effet, du fait que les banques accusent des lenteurs quant à les pourvoir de terminaux et équipements idoines, et dans les délais.
Une attitude d’autant plus dommageable, que selon Madjid Messaoudène, directeur général du Groupement intérêt économique monétique (GIM), lors d’une récente déclaration à l’APS, avait affirmé que «beaucoup de personnes préfèrent utiliser leurs cartes pour éviter le déplacement aux banques, aux agences de Sonelgaz, de Seaal, etc.». Pour preuve, selon lui, «le nombre d’opérations de paiement en ligne à travers les deux cartes [CIB et Edahabia], effectuées du 1er janvier au 30 mars 2020, s’est élevé à 441 531 transactions, soit la moitié du nombre des opérations de l’ensemble de l’année 2019 [873 679 transactions via cartes CIB et Edahabia]».
Pour l’heure, néanmoins, parmi les rares «répits» accordés au commerçant, quant à se parer en vue de la nouvelle donne, celui qui leur permet de faire prévaloir l’accusé de réception de sa demande des équipements nécessaires au TPE, devant les agents en charge des contrôles, au cas où il n’aura pas été livré avant l’échéance de la fin décembre 2020.
H. O.