Déjà très affectée par son image de marque, la crise sanitaire aidant que nous traversons actuellement n’a fait que mettre en évidence ce que tout le monde sait de notre compagnie aérienne nationale Air Algérie. Souffrant de plusieurs carences, car marquée par des conflits internes récurrents, Air Algérie se cherche, mais ne se trouve pas. Ce ne sont sûrement pas les multiples restructurations, les différents limogeages de patrons, qui aideront cette compagnie à redorer son blason, et encore moins à retrouver sa place au sein du transport aérien mondial.
Par Réda Hadi
La suspension des vols a impacté durement cette compagnie, et la situation ne semble pas s’éclaircir, à entendre le ministre des Transports, Lezhar Hani, qui confirme dans une déclaration lors de son passage, cette semaine, à l’émission «LSA Direct» du Soir d’Algérie, «que la suspension se poursuivra tant que le virus est toujours là».
Pour le ministre des Transports, d’une manière générale, dans les transports quels qu’ils soient, le relâchement des gestes barrières est avéré. «Les mesures ne vont plus dans le bon sens, et l’on observe des bus bondés où les mesures barrières ne sont plus observées, des bousculades et de l’indiscipline. Les citoyens n’adhèrent pas au processus de protocole sanitaire». Pointant du doigt «le comportement de certains citoyens qui n’arrivent plus à admettre qu’il s’agit d’un risque probable de contamination».
Sauf que si le transport terrestre connaît un certain allégement, le transport aérien reste toujours sous la mesure de suspension à quelques exceptions près.
Pour le ministre des Transports, l’aérien, au-delà d’une image de marque ternie, souffre d’un manque d’organisation entre autres, et reconnaît, par ailleurs, l’incapacité de cette compagnie à desservir les 36 aéroports nationaux et son incapacité à respecter les horaires, puisque son taux n’est que de 73%. En plus de cela, notre compagnie nationale est réputée pour ses pannes techniques.
«La compagnie Air Algérie n’est pas à la hauteur des souhaits de la population. C’est incontestable. Je suis le premier à le dire, et je le reconnais. Il y a des choses acceptables qui sont faites, il y a d’autres qui ne le sont pas», a reconnu le ministre. Lazhar Hani attribue ces retards à la gestion par Air Algérie des vols domestiques et internationaux à la fois, d’où la décision de créer une autre compagnie aérienne «lowcost» dédiée exclusivement aux vols domestiques.
Des problèmes de gestion et d’organisation interne
Lazhar Hani va encore plus loin dans son diagnostic et affirme qu’il y a «des problèmes de gestion, d’organisation interne à la compagnie. C’est incontestable. On va travailler pour y mettre de l’ordre, parce que c’est le pavillon national», a-t-il asséné, estimant que la compagnie aérienne «souffre d’un problème terrible». A ce propos, le même responsable explique aussi qu’«il n y a pas de culture d’entreprise. Une entreprise qui soit solidaire, où les employés et collaborateurs sont solidaires avec leur entreprise. Ils n’ont pas cette solidarité, c’est dommage. Je le regrette, je l’ai dit au responsable de la compagnie.»
Pour le ministre des Transports, Air Algérie «est une compagnie qui vit des problèmes endogènes qui lui sont propres, et des problèmes externes.» Il a rappelé que la compagnie aérienne nationale est impactée «au même titre» que les autres compagnies par la crise sanitaire mondiale induite par la propagation du coronavirus Covid-19.
A ce titre, Lazhar Hani a précisé qu’en dépit de ses difficultés, Air Algérie «a fait preuve de largesses au profit de ses passagers en offrant la gratuité les billets au profit les rapatriés algériens».
Et c’est justement la suspension de ces vols qui crée la polémique au sein de la population. En effet, que ce soit dans la rue ou sur les réseaux sociaux, l’on s’interroge en ironisant que l’on a ouvert certains transports terrestres, mais pas l‘aérien, et pourtant, toutes les mesures pratiques pour lutter contre le virus sont prises.
Une suspension qui coûte cher
Selon le porte-parole de la compagnie, Amine Andaloussi, la suspension du trafic aérien algérien depuis la mi-mars, en raison de la propagation de la pandémie du coronavirus dans le monde, a déjà engendré pour Air Algérie des pertes de 38 milliards de DA sur le chiffre d’affaires des vols passagers, un montant qui atteindrait les 89 milliards de DA d’ici à la fin de l’année. De plus, s’agissant de la réouverture des lignes, celui-ci a expliqué lors d’une conférence de presse, qu’«on ne peut pas avancer de date pour la reprise du trafic aérien des voyageurs. La décision d’ouvrir l’espace aérien est une prérogative du président de la République. Cependant, même si l’on décide de reprendre cette activité, on va le faire à hauteur de 30% de notre programme habituel, et on ne peut pas excéder les 40% d’ici à la fin 2020.»
«Les experts estiment que tout ce qu’ont subi les compagnies aériennes mondiales jusqu’à présent n’est qu’un premier choc. Ces compagnies vont subir un deuxième choc, qui sera plus dur, celui de la faiblesse des flux des passagers après la reprise», a-t-il souligné.
Andaloussi a précisé, aussi, que la trésorerie d’Air Algérie s’élève actuellement à 65 milliards de DA. «Nous avons encore 65 milliards de DA de trésorerie. Et en dépit de la crise, nous avons des charges incompressibles que nous devons honorer, à savoir la maintenance des avions, la location des sièges, les charges des fournisseurs et prestataires et évidemment les salaires».
Les syndicats réclament la reprise des vols
L’UGTA Air Algérie et le SPLA se sont interrogés sur l’avenir du pavillon national. «Les syndicats se posent sérieusement la question du devenir de la compagnie devant l’absence de mesures minimales d’accompagnement du pavillon national», écrivent-ils dans un communiqué, tout en rappelant que toutes les compagnies aériennes du monde ont repris leurs activités, avec le respect du protocole sanitaire, mais Air Algérie s’est vue imposer une situation inédite.
Les deux syndicats font observer que l’activité d’Air Algérie s’est limitée, au cours de ces derniers mois, à la «réalisation de quelques vols de rapatriements à perte, charters ainsi que le maintien de l’activité de cargo». «Pendant, en ce temps, d’autres compagnies étrangères continuent à transporter régulièrement des passagers de et vers l’Algérie à des tarifs exorbitants souvent exigés en devises», relèvent les deux syndicats, qui estiment que «cette situation est extrêmement préjudiciable pour Air Algérie sur le court terme avec un manque à gagner immédiat sur le moyen et long termes, avec une possible perte de clientèle».
Face à ces difficultés aussi bien internes qu’externes, Lazhar Hani, ainsi que les dirigeants d’Air Algérie, ont du pain sur la planche pour redresser la barre d’un «navire» qui chaloupe.
R. H.