Hormis les pénuries périodiques faisant leur apparition sur le marché et touchant pendant de courtes périodes un produit ou un autre, l’Algérie est à l’abri de toute forme de rupture dans la chaine d’approvisionnement en produits agricoles de consommation. Ce constat se confirme dès lors que le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies place l’Algérie parmi les pays ayant atteint le niveau de la sécurité alimentaire depuis 2018, au même titre que des pays comme ceux de l’Union européenne, les Etats Unis ou la Chine.
Par Mohamed Naïli
Bien que l’Algérie soit ainsi le premier pays africain à réaliser ces progrès pour atteindre ce niveau en termes de disponibilité et d’accès à une alimentation « équilibrée » des ménages, il n’en demeure pas moins que des insuffisances persistent encore au niveau de la qualité des produits alimentaires.
Le président de l’Association de protection et d’orientation des consommateurs (APOCE), Mustapha Zebdi vient de poster sur les réseaux sociaux un message d’alerte quant à la qualité des produits issus des filières animales, notamment les viandes blanches. « A quand le dossier des résidus des traitements aux antibiotiques appliqués dans les élevages et retrouvés dans les viandes et autres produits d’origine animale soit abordé par le ministère de la Santé et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation ? », se pose la question le président de l’APOCE, ajoutant que c’est une question sensible qu’ « il ne faut pas continuer d’ignorer plus que ça, sans pour autant verser dans l’alarmisme, mais malheureusement tous les appels lancés pour prendre en charge cette question sont restés vains ».
A travers ce constat, Mustapha Zebdi relève que « des produits vétérinaires et chimiques sont proposés à la vente libre à travers les marchés hebdomadaires sans aucun contrôle et sont utilisés par des éleveurs sans un minimum de maitrise ni professionnalisme » et promet de « révéler au fur et à mesure certaines vérités et les effets négatifs probables de ces produits sur les aliments qui risqueront de surprendre dans l’espoir de faire réagir les parties concernées pour éviter la catastrophe ».
Si cette nouvelle sortie du président de l’association APOCE relance le débat sur la qualité des produits alimentaires sur le marché, particulièrement les viandes blanches et autres produits de la filière avicole, de nombreux éleveurs reconnaissent faire recours à l’utilisation d’antibiotiques et autres produits vétérinaires non seulement pour prémunir leurs élevages des risques de mortalité et d’éventuelles maladies mais pour accélérer la croissances des volailles, sans ainsi se soucier de l’impact que puissent avoir ces pratiques sur la santé des consommateurs.
Quand les vétérinaires craignent l’usage des antibiotiques
A ce sujet, le docteur Rachid Goucem, maître assistant en pathologie aviaire à l’ENSVA (Ecole Nationale Supérieure Vétérinaire d’Alger) précise qu’ « en aviculture, la thérapie antimicrobienne est un outil indispensable pour réduire les énormes pertes dans l’industrie de la volaille, provoquées par les infections bactériennes », et, ajoute-t-il, « dans ce contexte, l’utilisation d’antibiotiques a deux objectifs : thérapeutique et zootechnique. Les antibiotiques ont tout d’abord une utilisation thérapeutique visant l’éradication d’une infection présente (but curatif) ou la prévention d’une infection possible ». Quant à l’utilisation zootechnique, le professeur précise que cette pratique dite « de rente », relève d’« une observation qui date du début de l’emploi des anti-infectieux : si de faibles quantités sont incorporées dans l’aliment en période de croissance des animaux, on obtient une amélioration du gain de poids que l’on peut estimer entre 2 et 5%. Cet effet est principalement observé dans des élevages avec un niveau d’hygiène précaire et tend à diminuer avec l’amélioration des conditions sanitaires. »
En ce qui concerne l’impact de l’utilisation des antibiotique sur la santé des consommateurs, Dr Goucem dit craindre que « le recours aux antimicrobiens en médecine vétérinaire et pour les besoins de l’élevage ne se répercute sur la santé humaine en cas de développement de bactéries résistantes chez les animaux et de leur transmission à l’homme par la chaîne alimentaire ou l’environnement. »
Dans les milieux des éleveurs, le recours excessif à l’usage des produits vétérinaires et chimiques est encouragé dans le but d’accélérer le processus de croissance des poussins pour en faire des poulets prêts à la consommation en quelques jours seulement et réduire ainsi les dépenses en aliments de volailles, dont les prix connaissent des hausses spectaculaires sur le marché.
A l’instar du président de l’APOCE, Madjid Yahia, gérant d’une unité d’élevage avicole dans la wilaya de Tizi Ouzou, a révélé que, pendant les périodes de stagnation dans la chaine de production de poussins, certains mandataires introduisent des œufs de reproduction au marché de gros pour les vendre comme étant des œufs de consommation, or « les œufs destinés à la production de poussins sont malpropre à la consommation compte tenu des traitements qu’ils ont subis ».
Toutefois, si les viandes rouges échappent à ce type de pratiques ces dernières années à la faveur du renforcement du réseau des abattoirs à l’échelle nationale et l’interdiction de vente de viandes au niveau des boucheries sans certificat sanitaire, le manque d’organisation touche beaucoup plus les viandes blanches, et ce, en raison de la prolifération des petits élevages informels en zones rurales, le recours à l’abattage clandestin et la vente libre sans contrôle de volailles sur le marché libre. C’est pourquoi donc, la mise en place de dispositifs de contrôle strict, comprenant des règles fermes sur la qualité des produits introduits sur le marché s’impose.M. N.