Notre système économique est connu pour ses travers, sa bureaucratie prégnante, et particulièrement pour son économie parallèle, qui génère des milliards de DA et échappe à tout contrôle.
Par Réda Hadi
A l’origine, la transition économique, engagée au début de la décennie 1990, s’est traduite par le recul du secteur public marchand et l’essor du secteur privé, notamment de l’auto-emploi, qui relève, essentiellement, du secteur informel. Cette croissance de l’emploi informel a conduit à la segmentation du marché du travail (formel/ informel).
Avec la pandémie du Covid-19, l’économie informelle, après quelques flottements au début du confinement, semble reprendre, de plus bel, du poil de la bête, avec particulièrement tous ces travailleurs qui ont perdu leur emploi et qui n’ont eu d’autre recours que de verser dans l’informel, histoire de subvenir à leurs besoins élémentaires.
Ainsi, l’informel, déjà si prégnant et incontournable sans cela, trouve en opportuniste matière à tirer profit de la pandémie.
Il n’y a qu’à voir les trottoirs des villes d’Algérie, qui ne désemplissent pas de ces nouvelles marchandises posées à même le sol ou dans les marchés, et de ces vendeurs proposant à des prix réduits, des produits de piètre qualité et des contrefaçons.
Qu’à cela ne tienne, dans une économie où l‘Etat a perdu une grande partie de son contrôle, l’informel contribue à l’emploi, aux revenus et aux moyens de subsistance, et joue un rôle économique majeur… de substitut.
Une économie tenace
Néanmoins, si une partie substantielle du secteur de l’économie parallèle demeure puissante et solide, celle, en l’occurrence des barons de l’informel de richesse (tel que définie par les experts), le «trabendo» de subsistance des petits vendeurs, reste fragile bien que tenace. C’est que cette armée de petits commerçants, bien qu’«entreprenants» et débrouillards, ne sont pas pour autant suffisamment, ou pas du tout, insérés au sein des rouages et du circuit régissant le secteur.
A l’exemple d’Anis, un jeune soudeur de 30 ans qui habite Bachdjarah (Alger) et qui, après avoir perdu son emploi, s’est recyclé dans l’informel. A ce titre, celui-ci précise : «Il n’est pas facile de pénétrer l’informel. Si l’on n’est pas soutenu, on n’a, alors, aucun moyen de s’approvisionner. Une sorte de parrainage. Sinon, vous devez vous rabattre sur un approvisionnement de seconde main».
Pourtant, alors qu’on le disait affaibli par la Covid-19, en mars et avril de cette année, ce pan de l’économie nationale qui représente à lui seul, 50 % de notre activité, a démontré sa force en repartant de plus bel.
Selon des témoignages, durant la période creuse du confinement, il n’y a eu aucune aide de la part des barons de cette économie, qui a su rebondir et, surtout, su prouver la fiabilité de ses réseaux et ramifications, pendant que l’Etat mettait, à grand renfort de milliards de DA, l’économie formelle, sous perfusion.
Des revenus conséquents
Pourquoi, alors, cette économie souterraine a-t-elle su ou pu résister au séisme de la pandémie ?
Pour Ahmed, un quadragénaire qui habite Réghaïa, «il et vrai que durant deux mois, je n avais pas de revenus et je n ai subsisté que grâce à mes économies. Mais El Hamdou li Allah, depuis quelque temps, on est approvisionnés en grande quantité, et les retombées sur mes bénéfices n’en seront que plus grandes».
Pour Ahmed, les turpitudes de l’informel ne lui feront pas changer d’avis, et il continuera à l’exercer, d’autant qu’en fin de compte ses rémunérations sont plus motivantes et plus fortes.
Partout aux quatre coins du pays, les marchés de gros de l’informel sont achalandés comme si la crise ne les a pas affectés.
Même la téléphonie et l’électroménager tirent leur épingle du jeu
Alors que partout dans le monde, le secteur électronique est en forte baisse, particulièrement la téléphonie mobile, chez nous, au vu du nombre de clients venus s’acheter un téléphone mobile est sidérant.
A la rue Bouamama à Hacen-Badi (El Harrach), qui est le haut lieu des téléphones portables, les cargaisons ne cessent d’affluer dans les magasins, et la clientèle est continue et achète surtout.
A Tadjenanet (Mila) aussi, le flux des camions est quasi continu. Les transactions se font comme à l’accoutumée, et pis encore sans grandes précautions sanitaires.
On peut constater, aussi, l’arrivée d’une nouvelle gamme de produits nouveaux (machines à laver, robots domestiques etc.), qui ne tarderont pas à envahir nos magasins.
En fin de compte, pendant que les pouvoirs publics peinent à maintenir l’économie nationale, celle que l’on considère comme le canard noir, réussit à s’en sortir et mieux peut être.
R. H.