Le stress hydrique dont souffre notre pays a mis en péril le secteur agricole. La révision de notre système d’irrigation s’impose, et ce, en s’orientant vers les nouvelles techniques utilisées dans le domaine et également la mobilisation de toutes les ressources d’eau existantes, y compris les eaux de rejets. Ces dernières représentent un potentiel inestimable, avoisinant les un milliard 200.000 mètres cubes, affirme, le Pr Brahim Mouhouche de l’Institut national supérieur de l’Agriculture (INSAA). Ces quantités sont déversées dans la nature et dont on utilise seulement 5% d’eau recyclable, a-t-il regretté.
Akrem R.
S’exprimant avant-hier sur les ondes de la radio nationale «Chaîne III», le Pr Mouhouche a suggéré de «passer impérativement à des protocoles fiables d’utilisation des profils variés de l’eau qui sont plus pratiques et rationnels afin de profiter efficacement de cette énorme perte au profit de notre agriculture au nord comme au Sud».
«On peut irriguer avec ces eaux usées recyclées jusqu’à 500 à 600 mille hectares, voire un maximum de 8%, alors que des pays arrivent à utiliser jusqu’à 80% de leurs potentiels sachant que la moyenne mondiale est de 45-55%», a-t-il constaté.
Toujours sur cet aspect, M. Mouhouche a souligné que «l’Algérie ne manque pas d’eau pour les produits agricoles en général, toutefois, elle manque d’eau pour les produits stratégiques seulement, à savoir les céréales particulièrement, les légumes secs, les fourrages pour alimenter le bétail».
Ce qui n’est pas, de son avis, des moindres, voire c’est énorme ! «Ce qui représente presque la moitié des espaces que nous cultivons sous irrigation», indique-t-il, déplorant le fait qu’en dépit du déficit, l’utilisation de cette eau ne dépasse pas les 5-6% jusqu’en 2020. «Il faut réorienter ces eaux vers l’irrigation en l’utilisant à bon escient et la rendre davantage efficace», a-t-il préconisé.
«Malheureusement, nos 160-180 stations d’épuration d’eau ne sont pas raccordées à ces espaces irrigables», fait savoir le spécialiste, qui note que celles-ci sont construites pour l’entretien de l’environnement et ne sont pas dotées de réseaux pouvant évacuer l’eau vers les terres agricoles, indiquant que pour combler ce déficit, cela ne coûte qu’1% du projet (d’une station, ndlr).
«A ma connaissance, il n’y a que deux stations seulement qui sont raccordées à ce type de réseau», se désole le professeur qui recommande : «Il est grand temps, de par ces années maigres en pluie, de lancer un programme d’installation de réseaux pour évacuer les eaux recyclées vers les sites d’utilisation, que ce soit environnemental, collectivités locales, industriel ou agricole».
L’impératif de l’irrigation intelligente
L’invité de la radio a tenu à préciser que la réutilisation des eaux recyclées n’est pas une philosophie, mais plutôt une problématique de savoir et de savoir-faire.
«Si un agriculteur ne connait pas la dose d’arrosage liée au sol, s’il ignore le taux de transpiration de sa culture ou ne sachant pas la perméabilité de son sol, il ne pourra jamais savoir lui donner ce qui lui faut», a-t-il expliqué.
D’où l’intérêt, selon lui, de pratiquer l’agriculture intelligente, car il y a les moyens pour le faire. «On n’a plus le droit de rester sur les pratiques d’il y a cent ans !», critique-t-il.
«Même si l’on ne peut pas tout faire par le goutte-à-goutte, on utilise l’irrigation par aspersion pour économiser jusqu’à 60% d’eau et cette situation ne peut pas durer», souligne M. Mouhouche.
Ce qui représente, d’après lui, pas moins de 25% de nos potentialités d’irrigation si l’on exploite 80% seulement des 1,2 milliard de mètres cubes de ces eaux de rejets. «Il y a lieu de dire que la tension sur l’eau peut être atténuée aussi par la déminéralisation des eaux souterraines», dit-il.
Concernant les eaux souterraines, notamment au Sud, considérées parmi les plus grandes nappes du monde et dont le potentiel est évalué à 50.000 milliards de mètres cubes en réserve, M. Mouhouche a rappelé qu’il s’agit d’une ressource non renouvelable qui a une durée de vie de 2 à 3 millions d’années.
Il a estimé par ailleurs que l’exploitation de cette ressource n’est pas facile du fait qu’elle soit très profonde dans certaines régions. De plus, a-t-il ajouté, cette ressource ne peut pas être considérée comme étant une eau potable vue sa teneur en sel (2,5 à 3 grammes par litre). Il a néanmoins affirmé qu’il y a une possibilité d’installer des entreprises dans le Sud pour la déminéralisation de ces eaux saumâtres et les transformer en eaux pratiquement buvables.
A. R.