Par Réda Hadi
L’Agriculture est souvent présentée comme une priorité de l’Algérie. Tous les discours et programmes convergent vers un seul but à atteindre : l‘autosuffisance alimentaire. Pour relever les défis du secteur agricole en général, et des agriculteurs en particulier, les membres de la commission de l’agriculture et du développement rural du Conseil de la nation, ont émis, plusieurs recommandations.
Malgré les réaffirmations récurrentes, l’agriculture reste un problème lancinant qui se traduit par des résultats mitigés, comme l’atteste, en particulier, l’importance des terres en jachère. L’Algérie semble éprouver de la peine à résoudre les problèmes de ce secteur stratégique, alors même que les questions de sécurité alimentaire et de dépendance vis-à-vis des importations se posent de manière croissante. Certes, des résultats assez probants on été enregistrés ces dernières années, mais pas au point de dire que nous sommes sortis de l’ornière.
Pour beaucoup, les solutions passent par une clarification de la question du foncier et la création d’un environnement stabilisé pour les agriculteurs, et par un modèle de croissance agricole, alliant régulation des marchés et amélioration de la qualité, notamment, par la labellisation.
Des propositions « discutables »
Pour relever les défis du secteur agricole en général, et des agriculteurs en particulier, les membres de la commission de l’agriculture et du développement rural du Conseil de la nation ont émis plusieurs recommandations.
Ces recommandations ont porté sur la prise en charge sociale de l’Agriculteur, la priorité devant être accordée à la production locale de certains produits agricoles par rapport au produit importé afin d’encourager les producteurs, le renforcement des mesures prises pour atteindre l’autosuffisance en termes de production agricole nationale, et le soutien des producteurs locaux.
Elles portent également sur la création d’une banque de graines, la facilitation des investissements agricoles, la lutte contre la bureaucratie et l’amélioration du climat d’investissements agricoles, ainsi que le traitement de la problématique des contrats de concession, en sus du renforcement des mesures prises pour la régularisation des contrats de propriété des agriculteurs.
Des recommandations, néanmoins, qui n’ont pas recueilli l’unanimité des experts algériens. En effet, Pour M Radja Ahmed, expert en agriculture et consultant, s’il y a formulation de certaines préoccupations et de certains objectifs à atteindre, il n’est, par contre, pas fait mention des stratégies à mettre en place pour atteindre ces objectifs.
En effet pour M. Radja, « il y a d’abord, que nous avons besoin d’avoir un état des lieux de ce que nous avons comme potentiel et comme outils de travail pour pouvoir tracer des objectifs facilement réalisables », estime-t-il .
Il détaillera son avis en développant : « En premier lieu, un intérêt particulier doit être porté à celui qui sera appelé à créer de la richesse (l’agriculteur) et le lieu où cette richesse sera créée (l’exploitation agricole). Après cela, il faut créer des outils de gestion pour organiser et gérer la production.
Ces outils sont globalement les suivants :
– la comptabilité agricole
– le plan
– l’organigramme.
C’est avec ces outils que nous pourrons envisager de créer des stratégies en termes de formation, de création de leviers fiscaux et parafiscaux, d’orientation de la production et d’avoir des statistiques fiables pour orienter l’investissement pour la prise en charge des différentes productions.
Le premier objectif qui doit être assigné à l’Agriculture n’est pas l’export, mais d’assurer une alimentation saine, variée et en quantité, pour la population, et dans l’état actuel des choses, les produits issues de l’agriculture ne sont pas sécurisés en termes sanitaires. Un grand effort doit être fait dans l’utilisation des pesticides, il y va de notre santé et celle de nos concitoyens.
Enfin, on parle tour à tour, de la balance des paiements, de la sécurité alimentaire, sans pour autant donner une consistance à ces concepts. Le problème est plus profond qu’il ne paraît. Toute défaillance au niveau de la production agricole a des conséquences multiples, notamment, sur les dépenses de santé au niveau des ménages».
De son coté M. Akli Moussouni, directeur des programmes du cabinet de recherche et développement (SIMDE), l’équation est toute autre. M. Moussouni que nous avons contacté, estime pour sa part, que «parvenir à l’autosuffisance alimentaire pour préserver la souveraineté nationale, ne peut pas être l’affaire du seul secteur agricole. C’est toute l’économie nationale qui ne doit pas dépendre des ressources pétrolières ou minières. Il est utopique de développer séparément les secteurs économiques. Vendre des dattes ou des fourchettes pour acheter des bananes relève de choix stratégiques par rapport aux disponibilités du pays en eau ».
De plus, cet expert précise que « s’orienter à l’exportation des excédents ou s’engager à l’aveuglette pour produire du sucre et des huiles de colza, etc., relève d’une entreprise politicienne destinée à satisfaire un discours officiel, dès lors qu’il n’existe pas de projet économique sans expertiser les moyens à mettre œuvre. Du jour au lendemain, on a fait de l’agriculture saharienne, une région où les conditions climatiques extrêmes sont des plus inhospitalières au monde, une alternative à l’échec de l’agriculture traditionnelle qu’on n’a pas su faire évoluer, pour ne pas dire qu’on a massacréé, à travers des réformes politiciennes et populistes ».
La situation sociale de l’agriculteur à revoir
Pour M. Moussouni, les membres de la commission ont également loué « naïvement » les efforts colossaux consentis par les agriculteurs dans le souci de relever les défis « sans données précises, cachant qu’il est impossible d’évaluer les productions, ni leur coût, encore moins leur quantité, du fait que chacun agit individuellement sans aucune visibilité commerciale, mais, relève-t-il, en même temps, les membres du Conseil de la nation ont relevé « les lacunes dont souffre le secteur sans savoir exactement comment ».
Pour lui, «il s’agit de revoir la prise en charge sociale de l’agriculteur, dont 1% seulement d’entre eux s’assurent, pour la simple raison que les dommages éventuels couvert par l’assurance ne sont rien devant les contraintes quotidiennes, qui vont jusqu’à l’incertitude par rapport au produit, à sa mise sur les marchés et son prix ! Il est donc impossible de prendre en charge socialement l’agriculteur indéfiniment avec les deniers de l’Etat, puisque son secteur est déjà à la charge de l’Etat au lieu d’être source de richesse », a-t-il expliqué, ajoutant que «la protection du produit agricole national par rapport au produits importé, relève d’un travail législatif qui n’existe pas encore dans notre pays. En plus, la protection maladroite du produit national dans les accords entérinés avec l’étranger (Accords d’association avec l’UE, en particulier), n’a fait qu’exclure le produit algérien du marché mondial, voire l’impossibilité d’adhérer à l’OMC, dans ces conditions. Certaines clauses de partenariat entre industriels algériens et marques étrangères, sont des arnaques et dont les institutions publiques ne se rendent même pas compte», termine M. Moussouni.
L’agriculture en Algérie, en somme, semble toujours à la recherche de son identité et de ses performances.
R. H.