Fatalité ou faiblesse d’une gestion peu regardante tournée vers le développement des zones rurales dans notre pays, où les zones de montagne sont «particulièrement» les plus touchées par les aléas du temps souvent à l’origine d’une déchéance économique et sociale des populations qui y vivent ? Maintenant que l’on parle des zones d’ombre, que le président de la République, élève au rang de «priorité» nationale, la gestion des zones montagneuses revient comme pour rappeler qu’il y ait encore des espaces prometteurs à prendre en charge, dans une démarche structurée qui aura un impact certain tant sur les populations, le tourisme et l’environnement.
Par Lyazid Khaber
La question de l’aménagement des territoires, mais surtout celle d’assurer un développement durables dans ces zones recalées où les commodités de base font souvent défaut, se pose avec acuité au moment où les pouvoirs publics donnent bien l’impression d’y œuvrer en bon connaisseur et planificateur. La gestion de ces espaces (montagneux) est d’autant problématique que ce soit en matière d’administration proprement dite, du territoire, d’investissement économique et/ou d’exploitation des potentialités. Présentant le plus de complexité en la matière, la montagne représente, pour le cas de l’Algérie, une moyenne de 3,66% de la superficie globale du territoire national, soit 8 millions d’hectares.
La DGF (Direction générale des Forêts), qui s’occupe de la gestion des espaces forestiers, et dont les missions peuvent être résumées comme suit : «assurer les tâches de développement, d’administration, de valorisation, de protection et de gestion du patrimoine végétal et animal forestier, steppique et saharien ainsi que les milieux naturels protégés, dans le cadre d’une politique forestière nationale.», œuvre également à «promouvoir les activités au profit des populations riveraines des forêts.» Le but étant d’«améliorer leurs conditions de vie et leur stabilité.» Dans son programme d’actions, et à travers l’ensemble de ses actions, le DGF rappelle bien l’intérêt qui doit être accordé à ces massifs dont l’importance pour le développement d’une nouvelle approche est on ne peut mieux intéressante.
Zones de montagne, cette autre alternative…
En effet, le développement des zones de montagne est devenu depuis quelques années, un sujet prisé des spécialistes qui les présentent comme étant une nouvelle alternative où tous les secteurs relevant du social, économie, hydraulique, tourisme et écologie, trouvent leur comptes ; avec, bien évidemment, des potentialités exploitables à grande valeur ajoutée.
Selon la DGF, le développement de ces zones de montagne va de la sécurité alimentaire du pays, et c’est pour cette raison d’ailleurs, que des campagnes d’information sont initiées périodiquement, pour «sensibiliser l’opinion publique à l’importance des montagnes pour la vie sur terre, de mettre en lumière les opportunités et les contraintes de leur mise en valeur durable et de créer des partenariats qui apporteront des changements positifs aux montagnes.»
L’importance du développement durable des montagnes, est ainsi soulignée. Mais, que peut-on dire de ces zones aux multiples opportunités et à l’importance capitale quant au développement de nouveaux créneaux d’investissement à même de marier utilité économique et préservation de l’environnement et de l’écosystème ?
C’est là une question qui se pose d’elle-même, car ; l’interconnexion qu’il y a entre les impératifs de développement local et ceux de la préservation pure et simple de l’espace naturel n’est pas à démontrer. Les analystes parlent plutôt d’une relation antagonique qui, au lieu de créer une synergie active des efforts conjugués par les différents acteurs socio-économiques, semble bien opposer les deux finalités qui, en vérité, se complètent. L’absence d’harmonie et le manque d’engagement de la part des collectivités locales ainsi que des autres services des secteurs censés contribuer à l’essor des activités diverses permises à l’intérieur des territoires montagneux –les espaces protégés compris– constitue un handicap majeur pour le développement de ces zones. Pourtant, la création des parcs nationaux s’inscrit bien dans cette logique particulière liant préservation du patrimoine naturel et développement d’activités à même de préserver le patrimoine culturel local. Ce volet permet à ceux-ci (les parcs nationaux) d’être des supports pratiques aux activités scientifiques, pédagogiques, de sensibilisation, d’initiation et de découverte de la nature et des richesses qu’elle renferme.
Entre impératif de développement et préservation
Cela fait que tous les secteurs et autres acteurs sociaux doivent converger sur cet impératif qui est de contribuer à toute activité initiée par le parc. Sur ce, un document en notre possession, établi il y a quelques années, par des techniciens du parc national du Djurdjura, suggère la création d’un organe de coordination et d’orientation des activités des secteurs intervenant à l’intérieur et/ou dans les zones environnantes du parc.
Un ensemble géographique qui peut bien jouer le rôle de vecteur économique enrichissant, surtout en ces temps de disette où les cours internationaux des denrées alimentaires vont crescendo. Les difficultés, au demeurant particulières, que rencontrent les populations montagnardes pour se procurer la nourriture adéquate se pose désormais avec acuité. C’est sur ce point que la démarche des autorités publiques est focalisée, arguant du fait qu’«Actuellement, avec l’augmentation des prix des denrées alimentaires dans le monde et les coûts accrus du transport vers les zones reculées, les communautés montagnardes sont contraintes de payer leur nourriture beaucoup plus cher.» Or, l’impératif de développement de ces zones est beaucoup plus important que la demande accrue ne cesse de s’y faire sentir. L’approche globale et globalisante démontre amplement que cet impératif offre un éventail de perspectives notamment de lutte contre les insuffisances constatée et par la suite, le développement de nouveaux circuit de production et de création de richesses à même de permettre la fixation des populations rurales dans leurs milieux de vie.
Sur ce, il apparait important de rappeler le rôle assigné à la DGF, laquelle veille à :
– La conservation et la gestion des ressources du domaine forestier et alfatier (sol, eau, flore, faune) en vue d’en assurer la pérennité et garantir une production soutenue de biens et de services pour le bénéfice des populations et de l’économie nationale ;
– La promotion des activités au profit des populations riveraines des forêts, dans le but d’améliorer leurs conditions de vie et leur stabilité ;
– assurer la veille quant à l’application de la législation et de la réglementation régissant le domaine forestier, et d’organiser l’intervention des corps de l’administration des forêts en matière de police forestière.
Cela appelle une véritable maîtrise des connaissances sur la biodiversité, les milieux naturels, l’éducation environnementale du public et l’écodéveloppement qui doivent constituer le maître-mot de la stratégie de réadaptation de la politique de gestion des espaces forestiers et montagneux. Car, l’incommunication entre les différents services de l’Etat, notamment au niveau local, a créé une sorte de «logique conflictuelle» qui s’est installé dans les rapports de la DGF aux autres institutions impliquées dans la gestion de l’espace. La divergence de visions, qui oppose souvent les responsables du domaine forestier à ceux des communes environnantes et même à ceux des différents secteurs d’activité appelés à intervenir sur le territoire de la réserve, amplifie cette incompréhension dont les conséquences s’avèrent, dans certains cas, contraires aux objectifs même d’un développement harmonieux alliant les objectifs économiques, sociaux et de protection de l’environnement et de la biosphère.
En effet, l’harmonisation des actions d’intervention des différents services impliqués dans la gestion de ces aires trouve bien son aboutissement dans le programme du renouveau rural chapeauté par le ministère de l’agriculture et du développement rural. La mouture des projets de développement dans sa variante de projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI) prend en compte cette approche d’intégration des milieux environnants des espaces forestiers, et notamment des parcs nationaux, dans la gestion et la protection du milieu naturel.
Ecodéveloppement et maîtrise du foncier
Ainsi, la maîtrise du foncier et l’aménagement du territoire dans ces zones spécifiques seront assujettis à des règles en relation étroite avec les objectifs stratégiques de l’écodéveloppement. Par conséquent, la gestion durable de ces aires protégées passe obligatoirement par une prise en charge réelle des préoccupations des populations riveraines. Ces dernières, dont l’apport n’est pas du tout négligeable de par leur importance, impliquent aussi des effets dégradants à même de compromettre les objectifs de développement durable et de la maîtrise parfaite de l’occupation du territoire par ces populations de plus en plus denses en milieu de montagne.
En effet, faut-il noter que les populations vivant en haute montagne puisent leurs ressources de vie essentiellement de l’aire protégée. Ce qui s’ajoute aux autres activités humaines dont les conséquences sur l’environnement immédiat sont parfois désastreuses et irrémédiables. C’est pour cette raison, d’ailleurs, qu’un effort conséquent est consacré par les gestionnaires de l’aire protégée pour améliorer le cadre de vie de ces populations.
Certes, les différents plans de développement des zones rurales ont permis de réduire la pression sur les milieux naturels et d’instaurer un partenariat avec les différents intervenants (populations riveraines, collectivités locales) dans la gestion de l’aire protégée, mais des réticences demeurent encore de mise.
D’abord, il y a la crise économique et la pauvreté que subissent les régions montagneuses à travers le pays, d’une part ; et d’autre part la réticence de certains responsables municipaux qui continuent à considérer les parcs nationaux et les services des forêts comme des organismes spoliateurs. Il y a souvent aussi l’opposition entretenue entre les objectifs de protection de la biosphère et ceux économiques des institutions publiques concernées. C’est ainsi que toute opposition des services forestiers à la réalisation de certains projets (routes, barrages, carrières, captage d’eaux souterraines…) dont l’impact est désastreux pour la nature et les espèces qui y vivent, est perçu comme une volonté de blocage.
Economie et environnement, deux faces d’une même médaille
Dans d’autres cas, certaines autorités, exerçant leurs pouvoirs régaliens, ne prennent même pas la mesure de consulter les responsables chargés de la gestion de l’aire protégée. D’où les dysfonctionnements apparues dans cette dernière et les atteintes gravissimes au milieu naturel relevées dans plusieurs endroits. Pourtant, toutes ces actions dites de développement sont en violation des lois et des règlements en vigueur. A titre indicatif, citons le texte de la loi n°03-10 du 19 juillet relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable.
Celle-là même qui fixe les méthodes et les domaines d’intervention en adéquation avec les objectifs de protection de l’environnement.
Ce sont là aussi les objectifs réitérés dans le cadre du schéma national d’aménagement du territoire (SNAT). Dans ledit texte, il est mentionné qu’«il apparaît de manière particulièrement aiguë que l’économie ne peut se développer en portant atteinte à l’environnement et aux ressources, pas plus que la préservation des patrimoines et des écosystèmes ne peut s’abstraire des opportunités et des contraintes de valorisation économiques.»
Ainsi, le SNAT confirme la nécessité d’assurer la pérennité du capital naturel «afin de le transmettre aux générations futures et de ne pas compromettre leurs capacités à en bénéficier», une finalité qui trouvera son aboutissement dans la valorisation économique et sociale dans le cadre d’une politique de développement local durable.
L. K.