Le sous-sol saharien renferme un immense réservoir d’eau, l’aquifère albien ou la nappe albienne, dont s’alimentent les populations et les différentes activités économiques, l’agriculture principalement, implantées dans ces vastes étendues de l’Atlas Saharien et du grand sud. Estimées à plus de 60.000 milliards de m3, ces réserves qui s’étalent sur plus d’un million km², dont 700.000 km² sous le sol algérien et le reste se partage entre la Tunisie et la Lybie, constituent un facteur stratégique pour le développement de l’agriculture, tant oasienne qu’industrielle, dans cette partie du pays.
Par Mohamed Naïli
Les différentes études géologiques et hydrogéologiques menées dans cette région attestent que ces réserves, dont la formation remonte à plusieurs milliers d’années, une ère à laquelle le climat y sévissant fut du type humide plutôt que sec, se constituent de deux nappes qui se superposent. La première, appelée le complexe terminal, se localise à 400 mètres de profondeur seulement, alors que la seconde se trouve à une profondeur allant de 1.500 à 2.400 mètres et appelée le continental intercalaire.
Selon les mêmes études scientifiques, le continental intercalaire renferme des réserves beaucoup plus importantes représentant 70% des 60.000 milliards m3 de l’aquifère albien, alors que le potentiel du complexe terminal est de moins de 20.000 milliards m3.
Néanmoins, les précipitations pluviométriques qui sont quasi nulles et l’absence d’eaux de surfaces dans ces régions arides (oueds et autres cours d’eau) rendent ces réserves non renouvelables, ce qui requiert plus de rationalité dans leur exploitation.
Gare au gaspillage et la salinité !
C’est pourquoi, à titre d’exemple, le spécialiste en recherches géologiques et minières, Jean Margat, pour qui «l’aquifère du Sahara septentrional est un réservoir fossile», met en garde sur le risque d’épuisement de ces ressources: «Au maximum, environ un milliard de mètres cubes d’eau s’infiltrent dans l’aquifère. Ce qui est bien insuffisant pour compenser les prélèvements. Toute ponction altère irrémédiablement la réserve. Au rythme d’exploitation actuel, l’aquifère pourrait disparaître d’ici cinquante à cent ans».
En conséquence, pour une gestion plus rationnelle de ces réserves, les trois pays qui partagent l’aquifère septentrional, à savoir l’Algérie, la Lybie et la Tunisie ont mis en place depuis 2008 l’OSS (Observatoire du Sahara et du Sahel) qui joue le rôle de mécanisme de coordination pour une gestion commune dudit réservoir.
Outre le risque de son épuisement, l’aquifère présente aussi d’autres contraintes liées à la qualité de ses eaux. Le taux élevé de salinité de ses eaux, conjugué aux techniques de drainage non contrôlées, entraîne en effet la salinisation des sols notamment à travers les périmètres agricoles irrigués qui deviennent improductives en l’espace de quelques années.
Les eaux du complexe terminal contiennent entre 2 et 5 grammes de sels par litre et celles du continental intercalaire 1 à 4,5 gr/l, selon M. Margat affirmant avoir observé «en Algérie et en Tunisie que l’eau d’irrigation, mal drainée, laisse derrière elle un résidu salin qui, au fil du temps, endommage les surfaces cultivables et aggrave les risques de désertification», ce qui nécessite la conception de nouveaux systèmes d’irrigation avec moins d’impact polluant et réduisant le taux de salinisation des sols.
M. N.