La généralisation de l’e-paiement en Algérie n’est pas pour demain. Après avoir été programmé dans la loi de finances de 2018, ce projet a été reporté à maintes reprises. Une fois encore, cette année, le gouvernement décide de le renvoyer à une date ultérieure.
Par Akrem R.
Selon l’avant-projet de loi de finances 2022 qui sera débattu incessamment au Parlement, et dans son article 170, il est mentionné que l’utilisation obligatoire du e-paiement a été reporté du 31/12/2021 au 30/06/2022. L’Exécutif a expliqué les raisons du report de ce projet par l’indisponibilité des terminaux de paiement et autres plateformes nécessaires pour la généralisation de ce genre de transactions commerciales.
Même si le parc des TPE a été renforcé par 8 675 nouveaux équipements mis en exploitation, entre mars 2020 et mars 2021, ce chiffre reste insuffisant, au vu du nombre global des commerçants enregistré au niveau du Centre national du registre de commerce (CNRC).
En effet, environ 1,5 million de commerçants est susceptible d’accepter l’utilisation du paiement par cartes. Ceci nécessite, explique la même source, des investissements colossaux en termes de coût et de logistiques. Ainsi, ce report vise, ajoute-t-il, à permettre aux producteurs locaux de ce genre du matériel de satisfaire la demande du marché, tout en évitant de recourir à l’importation en masse.
En clair, le gouvernement ambitionne de développer un système e-paiement «made in algeria». Toutefois, la question qui mérite d’être posée est est-ce que la société Enie de Sidi Bel-Abbès, spécialisée dans l’électronique est en mesure de répondre, à elle seule, à la demande des commerçants ? Cette dernière, rappelle-t-on, s’est lancée dans ce segment d’activité en 2018 avec son partenaire chinois, le groupe SZAT, pour la fabrication de plus de 17 000 unités de TPE au profit d’Algérie Poste. En 2020, Enie avait un bon de commandes de 30 000 TPE et le chiffre va certainement augmenter davantage, une fois le e-paiement devenu obligatoire. Avec une capacité de production de 600 unités/jour (300 TPE classiques et 300 smart), selon sa direction, il est difficile de répondre aux besoins du marché local.
En somme, l’ouverture du champ d’investissement à d’autres opérateurs du secteur privé est plus que nécessaire. D’ailleurs, même le ministre délègue auprès du Premier ministre chargé de l’Economie de la connaissance et des Start-up, Yacine El Mahdi Oualid, a indiqué mercredi dernier à Constantine, que «le retard enregistré dans la généralisation du e-paiement est dû au fait que ce domaine a été monopolisé par le secteur public», relevant qu’à travers le monde, le e-paiement a été boosté par le secteur privé. Il a, dans ce sens, révélé que des discussions sont en cours entre la Banque centrale et des start-up pour trouver un cadre juridique en vue de faire des entreprises innovantes un intermédiaire entre les organismes bancaires et les clients.
Plaidoyer pour une mise en œuvre progressive
L’enseignant universitaire, Slimane Nacer a, en outre, critiqué la décision du gouvernement, de report de l’obligation du e-paiement à une date ultérieure. Pour lui, l’idéal était de procéder à la mise en œuvre progressive de ce système permettant la bancarisation de l’argent circulant hors banques. Et de préciser : «Le rendre obligatoire dans tous les domaines, notamment dans les marchés populaires des fruits et légumes, est certes difficile. Mais il aurait été préférable de l’appliquer dans certains domaines, à l’instar du réglement des factures d’électricité, d’eau, de la téléphonie mobile et fixe, au niveau des stations-service et également, des grandes surfaces», a-t-il expliqué. C’est à travers cette politique qu’on pourra à ancrer ce mode de paiement dans les habitudes de nos concitoyens et d’en finir avec le recours au cash dans les transactions commerciales.
Actuellement, des sommes énormes estimées à 10 000 milliards de DA, soit l’équivalent de 90 milliards de dollars, circulent dans le marché informel. C’est un véritable danger pour l’économie nationale. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait instruit son gouvernement avec l’appui des experts du CNESE, afin de trouver les meilleurs moyens pour la bancarisation de ces sommes d’agent nécessaires à la diversification de l’économie nationale. Pour sa part, l’expert Ahmed Souhalia a plaidé pour l’investissement dans les technologies de demain, en donnant plus d’importance au digital. «Le meilleur moyen pour les Algériens, c’est de développer le e-mobile. Un système efficace et moins coûteux. La plupart des Algériens possèdent des Smartphones, il suffit juste de développer des applications de paiement QR code», a-t-il recommandé.
A. R.