Toujours égal à lui-même, le Dr. Bensemmane Amine, Président du GRFI fondation Filaha Innov’ est revenu dans cette interview sur les questions de l’heure qui préoccupe le monde agricole en Algérie, d’une part, mais aussi sur les aspects favorables et défavorables à la réalisation de son 20e Salon International de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Agro-Industrie, d’autre part.
Eco Times : Vous avez la réputation d’être un grand connaisseur du monde agricole algérien, s’agissant notamment, de ses forces et de ses faiblesses, aussi quel constat faites-vous sur l’état des lieux de ce secteur stratégique pour l’économie de notre pays ?
Dr. Bensemmane Amine : Tout d’abord, je dirai que c’est le seul secteur économique qui a développé une certaine résilience par rapport à la pandémie de la covid-19. Donc cela a permis de maintenir un niveau de sécurité alimentaire très appréciable grâce à une politique bien étudiée depuis plusieurs années.
Ainsi, le programme de renouveau agricole et rural lancé en 2008 avait pour but de développer l’agriculture en général et les cultures dites stratégiques en particulier, à l’image des céréales. Aujourd’hui, nous sommes en train de cueillir les fruits de cette politique. La preuve est que, même en période de Covid, les agricultures ont réussi à limiter les importations.
Maintenant, si vous me parlez de la question de la hausse des prix des produits agricoles c’est un problème entre le ministère du commerce et de l’agriculture. Je m’explique, lorsqu’on parle des marchés de gros, ces derniers sont complètement dérégulés et c’est pourquoi il existe une certaine anarchie dans leur système de fonctionnement. A titre d’exemple, le gros des bénéfices est accaparé par les intermédiaires sans renter dans les détails. Ceci étant, je fais un constat positif de l’état des lieux du secteur agricole surtout durant cette période de pandémie.
Se lancer dans un projet d’organisation d’un salon international (édition 2022 de SIPSA Filaha & Agro Food) dans une conjoncture, le moins que l’on puisse dire exceptionnelle, relève de l’exploit. N’est-ce pas un gros risque que vous prenez dans ce cas?
Pour votre information, le Salon International de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Agro-Industrie est le salon le plus ancien et le plus professionnel dans le domaine de l’agriculture et l’agro-industrie en Algérie. Du reste, nous somme à notre 20e édition. Comme vous le savez, l’édition 2020 et 2021 ont reportés en 2022. L’impact de la pandémie du Covid-19 est passé par là, alors pour cette année nous avons quand-même décidé de prendre le risque et de tenter de relever le défi. Pour rappel, notre salon SIPSA-FILAHA s’est résolument tenu en 2019 en dépit d’annulations, du report de plusieurs évènements.
Cet événement s’est tenu avec un nombre respectable d’exposants internationaux et une baisse cependant, de 20% concernant le national alors que nous avons enregistré plus de 470 exposantscontre 550 exposants en 2018. Toutefois, si on arrive à tenir un salon avec les 200 exposants confirmés on peut dire qu’un Sipsa exceptionnel. Si on insiste pour l’organisation de ce salon c’est beaucoup plus pour encourager le secteur national.
Justement, peut-on connaitre les nouveautés du SIPSA version 2022, par rapport à la dernière édition de 2019?
Vous avez bien fait de me poser cette question, car le SIPSA, depuis sa création en 2001, n’a cessé de créer des liens et de rassembler des entreprises et des professionnels autour de leurs réseaux d’affaires et s’est positionné comme leader dans la création d’échanges et de rencontres professionnelles dans le monde agricole en Afrique.
Après deux années sans SIPSA en 2020 et 2021, le SIPSA revient en 2022 avec une nouvelle formule innovante qui allie l’authenticité d’un évènement en présentiel et la puissance du digitale. La Covid-19 et la vague de restrictions sanitaires imposée par la pandémie ont conduit le SIPSA à sortir de ses sentiers battus et à catalyser un nouveau moyen robuste : «une plateforme digitale» pour redynamiser l’événement, et apporter un renouveau qui maximise la visibilité des exposants et augmente considérablement le nombre de rencontres professionnelles et des opportunités d’affaires.
La nouvelle plateforme digitale du SIPSA présente donc la particularité de combiner contenus médias et Marketplace. Outre le déploiement d’un dispositif web et mobile ambitieux permettant aux exposants de présenter en ligne leurs services aux visiteurs, de suivre des conférences sous forme de webinaires et de maximiser les rencontres entre professionnels. Cette plateforme représente une solution idéale pour pallier aux restrictions imposées par la pandémie d’un événement d’envergure internationale. Loin d’être une version réduite de l’évènement en présentiel, la version digitale ouvre de nouvelles opportunités. Le bénéfice se trouve dans les contenus et la communauté, l’événement devient un média à part entière.
C’est une première dans le domaine de la connaissance dans le secteur de l’agriculture et de l’agro-industrie en Algérie, la ‘’Labellisation de l’incubateur FILAHA INNOV’ par le Ministère de l’économie de la connaissance et des startups, qu’en est-il exactement’’ ?
Le GRFI FILAHA INNOV a le plaisir de vous annoncer la labellisation de son incubateur FILAHA INNOV’ par le Ministère de l’économie de la connaissance et des startups sous le numéro de label 0802213005 (08 février 2021). L’incubateur réunit un réseau d’experts et de partenaires leaders dans les secteurs de l’agriculture et de l’agro-industrie engagé pour accompagner le développement des startups dans ces domaines. La labellisation de l’incubateur constitue une opportunité pour nos partenaires et les startups qui nous font confiance de développer des solutions innovantes tout en se soumettant à l’exigence, à la maturité du marché algérien et à son écosystème.
L’incubateur FILAHA INNOV’ nouvellement labellisé permettra aux startups algériennes de bénéficier de l’expertise et du réseau du GRFI FILAHA INNOVE et de nouer des liens avec les acteurs économiques et académiques locaux pour créer de la valeur. L’incubateur accompagnera ainsi la dynamique et l’ambition de Co-innovation entre startups et grands groupes dans les domaines de l’agriculture et de l’agro-industrie.
Dans le même sillage que la question précédente, il serait intéressant pour les visiteurs de savoir si dans le volet conférence il est prévu la présentation d’un projet innovant disant pour le règlement d’un problème dans l’exportation des produits agricoles?
Ici vous me donnez l’occasion de vous parler du SIAFIL EXPORT qui est un Forum Interprofessionnel des Fruits et Légumes à l’Export qui se focalisera sur les forces et les faiblesses de nos entreprises dans le domaine de l’export des fruits et légumes et mettra en évidence le rôle de la logistique et de la certification dans le développement de l’export.
Par ailleurs, je ne manquerai pas de vous dire qu’un autre challenge nous attend, c’est l’organisation des filières et niches agricoles à l’export afin, d’entrer dans la cour des grands exportateurs de produits agricoles, grâce à la mise en place de la certification, de la normalisation et de la logistique et aborder sereinement les marchés internationaux. L’EXPORT, SIPSA-FILAHA représentera en matière d’agriculture et agro-alimentaire la production algérienne à l’export, dans la dynamique de la ZLECAF (Zone de Libre-échange Continentale Africaine).
Dans ce sens, le segment du transport des marchandises a toujours constitué jusqu’à aujourd’hui un casse-tête pour les opérateurs économiques algériens surtout avec le développement des échanges commerciaux inter africains. En effet, il est devenu impératif d’innover en matière de solutions à cet épineux problème de livraisons des produits agricoles à nos partenaires africains. Pour ce faire, des experts de l’aéronautique en Algérie ont décidé de se pencher sur un projet de développement des ballons étant donné que de plus en plus d’entreprises dans le monde s’intéressent à l’utilisation de ces aéronefs pour le transport de marchandises, notamment vers les régions notamment isolées.
Du coup, les initiateurs du projet en question présenteront les avancées dans l’industrie de ces modèles d’aéronefs ainsi que des possibilités d’avenir. Il faut savoir, qu’il y a 80 ans, des ballons dirigeables traversaient déjà des océans avec de lourdes cargaisons, mais ce mode de transport a été mis de côté au profit d’une technologie plus récente, faut- il le rappeler. Cependant, cette idée est encore au stade de projet-pilote.
La valorisation et la transformation des produits agricoles locales est une réelle opportunité à saisir pour l’Algérie, notamment les produits « bio», quel est votre avis à ce sujet?
Concernant ce point précis, l’Algérie est classée parmi les pays dans le monde qui recèle de grandes potentialités qui peuvent lui permettre de se positionner en tant un puissant exportateur de produits agricoles du type Bio. Notre pays est connu surtout en Europe, pour sa production de produits en hors saison proposant une offre en précocité, primeur et arrière-saison.
En outre, la valorisation de la partie sud du pays peut devenir un pôle agricole de forte capacité de production et d’exportation de produits “bio”. Toutefois, il y a un énorme travail à faire dans la promotion des produits bio en particulier dans le segment de la chaîne logistique et la conservation des produits sous basse température.
Outre l’insuffisance des plateformes logistiques, il est relevé aussi une méconnaissance des principaux marchés ciblés et de leurs conditions d’achat. Le SIPSA va enrichir le débat dans ce sens ou les experts dans cette filière vont faire des recommandations à travers l’organisation du Forum international de l’Agro Écologie et du développement durable, AGROECO qui se tiendra le 14 Mars à la chambre nationale de l’agriculture.