Avec plus de 3 milliards de m³ d’eau stockée au niveau des barrages et un réseau de transferts unique au monde, l’Algérie intensifie ses efforts pour sécuriser l’alimentation en eau et préserver ses infrastructures hydrauliques, tout en assurant une distribution équitable de l’eau à travers le pays.
Par Akrem R.
En effet, une nouvelle stratégie a été adoptée par l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT), consistant en la réalisation de nombreux projets d’interconnexion entre les barrages et de transfert d’eau. En clair, l’État mise sur l’hydro-solidarité pour assurer l’équité entre les régions.
Si le taux de remplissage national avoisine les 41 %, des disparités sont enregistrées entre les barrages, et la situation varie d’une région à l’autre. «Dans l’Est, certains barrages sont remplis à 100 %, tandis que l’Ouest connaît encore un déficit, malgré une amélioration par rapport à l’an dernier», a fait savoir le Directeur général de l’ANBT, Abdelatif Azira, dans une déclaration à la radio.
Ainsi, l’adoption d’une politique de l’hydro-solidarité est plus que nécessaire afin de répondre à la forte demande en eau, notamment pour le secteur agricole, dont les superficies irriguées sont en constante extension. «La politique de notre secteur, c’est l’hydro-solidarité, ce sont les interconnexions entre les barrages, et c’est aussi l’application des orientations stratégiques du président de la République», a-t-il indiqué, en soulignant qu’il existe déjà de nombreux projets d’interconnexion réalisés, et d’autres en phase d’étude.
Le DG de l’ANBT a cité le projet d’extension des transferts d’eau du barrage de Beni Haroun, qui alimente déjà six wilayas, ainsi que plusieurs communes de la wilaya de Bordj Bou Arreridj. Il a également mentionné le projet de transfert des Hautes Plaines sétifiennes pour l’approvisionnement des régions des Hauts Plateaux. Un autre grand projet de transfert d’eau sur une distance de 188 km de conduites a également été mis en service dans la wilaya de Béchar.
Outre les transferts d’eau, des interconnexions entre barrages, avec des débits considérables, sont en cours de réalisation afin de garantir l’équité entre les différentes régions du pays. Des études sont également en cours, ajoute-t-il, pour de futurs transferts Nord-Sud.
Pour le directeur général de l’ANBT, le système de transfert de Béni Haroun, qualifié de prototype unique au monde, peut transférer jusqu’à 1 million de m³/jour, alimentant plusieurs wilayas de l’Est. Il révèle par ailleurs que de nouveaux transferts sont en préparation, notamment vers Biskra et M’Sila.
Vers une gestion intelligente des barrages
Par ailleurs, l’ANBT multiplie les initiatives visant à moderniser la gestion des barrages, en particulier pour faire face aux défis du changement climatique et garantir la sécurité hydrique du pays.
À ce sujet, Abdelatif Azira a indiqué que son agence investit dans des technologies de pointe. Un accord a d’ailleurs été signé avec des partenaires chinois pour intégrer l’intelligence artificielle dans la gestion des barrages. Un projet de drone destiné à la levée bathymétrique est également en cours, en partenariat avec un centre de recherche national.
«La gestion classique a montré ses limites. Nous devons évoluer vers une gestion intelligente dès la conception des futurs barrages», a-t-il souligné.
Le directeur a ajouté que le changement climatique aggrave le stress hydrique et augmente les risques de crues soudaines. Pour y faire face, l’ANBT demeure en vigilance constante :
« Nous surveillons de près les phénomènes climatiques extrêmes et travaillons sur des solutions adaptées, y compris pour limiter l’évaporation».
Parmi les projets à l’étude figure l’installation de toitures photovoltaïques sur les barrages, permettant à la fois de produire de l’énergie verte et de réduire l’évaporation, a-t-il annoncé, appelant à la mobilisation pour préserver cette ressource vitale, de plus en plus rare. Selon lui, l’État mobilise d’importants moyens pour garantir la sécurité hydrique, et la coopération de tous est donc indispensable.
Lutter contre l’envasement, un enjeu majeur
L’envasement constitue «l’ennemi numéro un» des barrages, notamment les plus anciens. L’agence combine des actions curatives (campagnes de dragage) et préventives (reboisement des bassins versants).
« Effectivement, nous avons des études et menons à la fois des actions curatives et préventives. Les campagnes de dragage, bien qu’efficaces, coûtent cher, c’est pourquoi nous les optimisons. En parallèle, nous procédons également au reboisement », précise-t-il.
Depuis 2016, près de 3 millions d’arbres ont ainsi été plantés en partenariat avec les services des forêts, a souligné le DG de l’ANBT. Il a également indiqué que les sédiments extraits sont valorisés, notamment en agriculture et dans l’industrie du ciment.
Les barrages, leviers du développement économique
Au-delà de leur rôle essentiel en matière de gestion de l’eau, les barrages contribuent au développement économique du pays. Ils garantissent notamment l’approvisionnement en eau pour l’irrigation, et favorisent ainsi le développement de l’agriculture.
Ils participent également à la promotion de l’aquaculture : une filiale dédiée à l’aquapêche a été créée par l’agence, avec le lancement d’une ferme pilote à Tlemcen pour l’élevage de tilapias, des poissons très demandés sur le marché. Les barrages soutiennent en outre le développement du tourisme et des activités nautiques, en partenariat avec les services des sports.
Sur un autre registre, le DG de l’ANBT a annoncé le lancement d’une nouvelle campagne nationale de sensibilisation sur les dangers de la baignade dans les barrages. La 11ᵉ édition de cette campagne a été inaugurée au barrage Mohamed Sidi Ben Taïba, dans la wilaya d’Aïn Defla. Cette initiative mobilise les autorités locales, la protection civile, les scouts et les associations de jeunesse. «L’objectif est clair : prévenir pour sauver des vies», a-t-il conclu.
A.R.