L’Algérie qui souffre du stress hydrique, voit sa production céréalière réduite en peau de chagrin. Le ministère de l’Agriculture ayant pris des mesures pour anticiper les conséquences de cette situation désastreuse pour un pays qui se nourrit grâce aux importations, doit tenir compte des échecs du passé. Des experts préconisent la refonte du système de fonctionnement du secteur, faute de quoi nous devrons bien nous attendre à une période de «vaches maigres». Des mesures sont prises, certes, mais elles demeurent insuffisantes…
Par Akrem R.
Dans l’attente de la publication des chiffres officiels, le président de l’union national des paysans (UNPA), Mohamed Aloui a expliqué cette situation par la sécheresse qui a frappé en plein fouet l’Algérie, notamment la région de l’Ouest du pays. En somme, la campagne céréalière 2020/2021 a été simplement compromise par le manque de la pluviométrie. Devant cette situation, le ministère de l’agriculture et du Développement rural a pris les devants, en préparant déjà la campagne labours-semailles 2021/2022 dès juillet dernier, en prévision d’éventuelles pluies précoces.
«Le ministère a décidé de préparer directement la campagne labours-semailles 2021/2022, à partir de juillet au lieu du mois de septembre comme c’était le cas durant les années précédentes, et ce en parallèle de la campagne de récolte en cours», a déclaré avant-hier le directeur de la régulation et du développement de la production agricole au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Messaoud Bendridi.
En avançant la date du lancement de la campagne labours-semailles 2021/2022, il a également été décidé de raccourcir et de simplifier plusieurs procédures, et de-là renforcer les opérations de soutien aux agriculteurs. Des décisions certes louables, mais un grand travail doit être consentit en aval de cette filière stratégique.
Entre 8 à 10 millions de tonnes importés annuellement
Les décisions de l’actuel ministre de l’Agriculture s’inscrivent dans le cadre de la volonté de l’Etat à réduire la facture d’importation en produit alimentaire, dont près de 10 milliards de dollars sont déboursés annuellement. Nos importations en blé sont de l’ordre de 8 à 10 millions de tonnes et de 600.000 tonnes pour la poudre du lait. Cela pèse lourdement sur le Trésor public, dira à Eco Times, Laala Boukhlfa, expert en agriculture.
Pour notre interlocuteur, ces actions du ministère de l’agriculture ont un seul but, à savoir marquer leur bonne volonté en essayant de développer ces deux filières. Mais ceci nécessite la mise en place d’une véritable stratégie et une vision claire. «On veut développer un secteur, tout en conservant les mêmes pratiques et contraintes. C’est une perte du temps et il n’y aura pas de résultats. Les expériences des années précédentes font foi. L’Algérie est un pays agricole par excellence. On ne manque pas de superficie. Le problème se pose au niveau de la gestion», a-t-il souligné.
Le développement des semences locales comme solution
Plusieurs décisions ont été prises depuis 2009 dans le cadre du plan de renouveau agricole, notamment l’augmentation des superficies irriguées de 1 million d’hectare pour atteindre 2,1 millions d’ha et la suspension de l’importation de la poudre en lait dès 2014. «Mais, malheureusement rien n’a été réalisé sur le terrain à ce jour. On devrait être parmi les pays développés, vu le potentiel et les moyens que nous possédons», a-t-il dit.
Notre interlocuteur a fait savoir que le développement de la filière céréalière nécessite d’abord une renaissance de la semence locale. Pour lui, le problème de la céréaliculture dans notre pays est d’ordre technique. «On doit concentrer nos efforts sur la reproduction des variétés de semences algériennes. Dans le passé, l’Algérie était le grenier de Rome en matière de produits agricoles, notamment, en blé. Mais depuis que l’Algérie recoure à l’importation de semences de l’étranger, notre production locale et rendement par hectare ont connu une chute libre. Actuellement, nous dépendons, grandement, de l’étranger pour garantir l’alimentation des Algériens», a-t-il noté.
Ainsi, il a préconisé d’en finir avec les engrais chimiques et autres pesticides nocifs à la santé, tout en recourant aux engrais biologiques. S’agissant de la problématique d’eau, Laala Boukhlfa est catégorique: «on ne manque pas d’eau. Nous devons consentir nos efforts dans la construction de retenues collinaires, le désenvasement des barrages, notamment durant cette période pour la récupération des eaux pluviales». En ajoutant à cela, la nappe phréatique avec des réserves sous terrain de plus de 50.000 milliards mètre cube. L’Algérie doit impérativement entamer, indique-t-il, l’exploitation de cette nappe, au moment où les libyens l’exploitent déjà, tout en recommandant de développer les nouvelles techniques d’irrigation en associant les TIC.
Enfin, l’expert agricole a recommandé également de revoir le fonctionnement des mécanismes agricoles dédiés à la régulation, à l’instar de l’ONIL, SYRPALAC, ONILEV et autres… «Il faut tout simplement les supprimer. Ils sont à l’origine de la situation actuelle de notre agriculture», a-t-il conclu.
A. R.