Dans le but de prévenir toute éventuelle perturbation du marché et d’éviter la rupture de la chaîne d’approvisionnement, le ministère de l’Agriculture et du développement rural vient d’annoncer des opérations de déstockage des quantités de pomme de terre destinées à la commercialisation à partir de dimanche prochain 23 octobre.
Par Mohamed Naïli
Avec 100 000 quintaux dans une première phase, ces opérations se poursuivront jusqu’à la fin de l’année en cours, alors que le prix de la commercialisation du produit est plafonné à 60 DA/kg.
Menée en coordination avec le ministère du Commerce, la commercialisation de la pomme de terre déstockée se fera sous le contrôle d’organismes sous tutelle et au niveau de points de vente désignés et mis « sous l’autorité des collectivités locales », est-il précisé dans le communiqué du Département d’Abdelhafidh Henni.
L’arrivée de ces quantités permettra à coup sûr d’atténuer la tension sur la pomme de terre au niveau des marchés, mais la question qui demeure posée est de savoir si les ménages auront accès à ce produit au prix fixé par les pouvoirs publics, sachant que depuis quelques semaines déjà, le prix de ce tubercule connait une hausse progressive, atteignant les 80 – 90 DA/kg dans certaines wilayas du pays, avec la baisse de l’offre constatée sur le marché.
Par ailleurs, en fonction des conditions climatiques et la nature des sols, la pomme de terre est produite en Algérie en trois périodes durant l’année, explique le professeur Fouad Chehat, ancien directeur de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), dans une étude publiée en 2013. C’est ainsi que la pomme de terre d’arrière saison, plantée en juillet – août est censée arriver sur le marché dès le mois d’octobre – novembre, tandis que la primeur, plantée dans la période actuelle, à savoir octobre – novembre, est récoltée en février – mars et la production de saison, plantée au mois de mars, est commercialisée dès la fin mai ou début juin.
Néanmoins, en cette mi-octobre, les récoltes d’arrière-saison peinent encore à approvisionner suffisamment le marché et c’est pourquoi le ministère de l’Agriculture a ainsi décidé de procéder à des opérations de déstockage dès le mois courant jusqu’à la fin de l’année. Les quelques commerçants interrogés à ce propos interprètent diversement l’insuffisance de la production d’arrière-saison. Pour certains, l’indisponibilité de l’eau d’irrigation durant l’été a contraint de nombreux producteurs à surseoir aux plantations durant les mois de juillet et août, tandis que pour d’autres, en raison des fortes chaleurs d’été et le manque d’eau, les producteurs ont dû décaler la plantation jusqu’au mois de septembre, voire octobre, donc la production arrivera sur le marché mais dans les mois à venir et non pas en octobre – novembre.
Toutefois, il y a lieu de rappeler que le déstockage durant la période en cours pour compenser l’insuffisance des récoltes d’arrière-saison n’est pas nouveau, puisque l’année dernière aussi, le ministère de tutelle a procédé à des opérations similaires dès le début octobre 2021. « Le ministère de l’Agriculture et du développement rural, à travers l’Office national interprofessionnel des légumes et viandes (ONILEV), a procédé jeudi 7 octobre au déstockage de la pomme de terre stockée dans le cadre du Système de régulation des produits agricoles de large consommation, et ce, dans le cadre de la régulation du marché pendant la période de soudure », expliquait le ministère de l’Agriculture dans un communiqué rendu public début octobre 2021, annonçant ces opérations d’approvisionnement du marché en stocks de régulation.
Des coûts entre 800 000 et 1,2 million DA/hectare
En outre, en dépit des fluctuations périodiques constatées sur le marché, il y a lieu de relever que la culture de pomme de terre est l’une des filières ayant connu un bond significatif ces dix dernières années, que ce soit en matière de production ou en rendements à l’hectare. En effet, la production nationale en la matière est en moyenne de 50 millions de quintaux/an, tous types de productions confondus, avec des rendements oscillant entre 350 et 450 quintaux/hectare en fonction de la zone de production, de variété et de disponibilité de l’eau d’irrigation.
Néanmoins, avec une consommation moyenne de 110 kg/habitant/an, l’Algérie est parmi les pays les plus grands consommateurs de pomme de terre dans le monde, étant donné que le produit est l’un des aliments de base des ménages, avec les céréales et le lait.
La superficie globale réservée à la production de pomme de terre, quant à elle, avoisine les 200 000 hectares, dont une grande partie en irrigué, alors que, par type de production, c’est la pomme de terre de saison qui occupe la plus large partie de la surface destinée à cette culture, avec près de 100 000 hectares.
Par région, la wilaya d’El Oued occupe la tête du podium dans ce domaine avec une production atteignant les 12 millions de quintaux/an, sur une superficie de près de 40 000 hectares. Dans le nord du pays, des wilayas comme Aïn Defla, Mostaganem ou Mascara sont considérées comme la terre de prédilection de la pomme de terre.
En revanche, entre autres facteurs contraignants auxquels sont confrontés constamment les producteurs de pomme de terre, c’est la hausse spectaculaire des prix des intrants, que ce soit les semences, les produits de traitement phytosanitaire, les engrais mais aussi la main d’œuvre, à défaut de la mécanisation, ce qui entraine en conséquence la hausse des coûts de production qui finit par se répercuter sur le prix du produit final proposé au consommateur. A cet égard, dans une étude menée à ce sujet, l’ITMC (Institut technique des cultures maraichères et industrielles) évalue les coûts de production de la pomme de terre entre 800 000 et 1,2 million de dinars par hectare, en tenant compte de toutes les charges et capitaux engagés par le producteur durant tout l’itinéraire cultural.
M. N.