Désertification : L’Afrique, première victime des dérèglements climatiques

Désertification : L’Afrique, première victime des dérèglements climatiques

Les changements climatiques ont pris la dimension d’un thème majeur de ce début du vingt-et-unième siècle. Il semble que tout ce que l’homme a accumulé comme technologie, production industrielle et interventions sur la nature au cours de ces trois derniers siècles, ait atteint un degré de performance contreproductive. Il montre, non seulement, les limites objectives atteintes par l’action anthropique sur les différents écosystèmes constituant la biosphère, mais également, les risques de dérapages qui ne seraient pas susceptibles d’enclencher un processus réversible salvateur.

Par Amar Naït Messaoud

En effet, l’on parle, de plus en plus, de la réduction de la biodiversité à l’échelle de la planète. Signe des temps, l’homme, dernière espèce venue sur terre et qui a bouleversé fondamentalement les données de la terre et de l’atmosphère en l’espace de moins de dix mille ans, assiste à la disparition d’espèces animales et végétales, dans des milieux où elles prospéraient sur des rayons importants.

Les dégradations des milieux naturels ont pour cause essentielle les activités humaines: défrichement et incendies de forêts, surpâturage, urbanisation anarchique et incontrôlée, exode rural, industrialisation effrénée,…etc.

Le sommet de ces dégradations semble être aujourd’hui ce qui, génériquement, est appelé changement climatique. Une grande partie des articles traitant de ce sujet sur les journaux et sites web sont illustrés de façon machinale par une photo d’un thermomètre classique où le rouge du mercure caracole entre 45 et 50 degré Celsius.

C’est la manifestation la plus directe, la plus visible ou la plus ressentie par les habitants des pays touchés. L’aire de ce désordre thermique est apparemment en train de connaître une extension inédite. Les records de températures enregistrés au cours des trois dernières années l’ont été non seulement en Afrique sahélienne/subsaharienne, au Maghreb et en Moyen-Orient, mais également en Europe et en Amérique, en passant par l’Inde et le Pakistan.

L’on a même enregistré, il y a moins de dix ans, des centaines de morts dans ces deux derniers pays. Ce sont des personnes qui avaient succombé à des malaises dus à la chaleur.

En Europe du Sud, le mercure a allègrement franchi le niveau des 40 degrés sur la rive méditerranéenne. En tous cas, ce qui n’était, à un certain moment, qu’une image d’Épinal situant la chaleur et la sécheresse dans les pays d’Afrique et du Moyen Orient, est en train d’être battu en brèche par des réalités qui s’étendent à plusieurs continents.

Les universitaires et chercheurs de ces pays, les organisations de la société civile et les responsables politiques prennent de plus conscience de la globalité du phénomène des changements climatiques qui ne s’arrêtent pas à la seule augmentation des températures moyennes ou de pics sporadiques de température.

En effet, les articles de journaux qui sont souvent accompagnés de la photo d’un thermomètre enfiévré et affolé, auraient pu être illustrés aussi par des photos montrant les inondations inhabituelles dans presque tous les continents, les fontes des glaces arctiques et subarctiques, la montée progressive du niveau des mers et, enfin, les famines frappant certaines pays africains et les migrations climatiques qui s’ensuivent. Incontestablement, le lexique du domaine de la dégradation de l’environnement en général, s’enrichit chaque jour, y compris en désignant la pauvreté à laquelle sont réduits des peuples entiers.

Ainsi, le terme de migrations climatiques- à l’intérieur même des pays africains, passant d’un espace à un autre, ou vers l’Europe en « harragas »- est venu dire le désastre qui est en train de rogner des espaces entiers en Afrique, jadis vivants et riches en biodiversité.

UNE STATION-TÉMOIN: LE LAC TCHAD

Il semble que l’exemple qui illustre le mieux cet appauvrissement écologique et hydrique, c’est bien le lac Tchad, qui risque perdre déjà cette dénomination d’ici quelques années, selon des spécialistes versés dans le suivi et la surveillance des changements climatiques.

À l’ère du paléolithique, le lac Tchad était vaste de 315 000 km2. La contraction de son aire géographique est effarante, particulièrement au cours du dernier demi-siècle.

En 1964, cette zone humide au milieu du grand désert du Sahara, était réduite à 25 000 km2. La superficie du lac Tchad est évaluée en 2008 à 2500 km2, soit 10 fois moins que celle d’il y a quarante ans. Actuellement, l’eau ne couvre que 1500 km2 de l’ancienne cuvette.

Les scientifiques parlent de la disparition pure et simple, dans quelques années, de ce lac, autrefois vaste comme un pays. Il risque d’être effacé de la cartographie de l’Afrique, comme l’ont été auparavant plusieurs espèces animales et végétales, suite aux changements climatiques qui sont en train de s’opérer à travers le monde.

Les populations vivant autour du lac, tirant leur nourriture de l’élevage, ont vu les fourrages se réduire drastiquement, au point où elles en sont réduites à vendre au rabais leur cheptel et à changer de région ou de pays.

Et comme un malheur ne vient jamais seul, cette région humide, commune au Tchad, au Nigeria, au Niger et au Cameroun, est infestée par les groupes terroristes de Boko Haram qui ont ont massacré, à plusieurs reprises, des populations tchadiennes, principalement des éleveurs, vivant sur le périmètre du lac.

Le Tchad est l’un des pays les moins développés de la planète, même s’il a engagé ces dernières années des projets pétroliers sur son sol. Son indice de développement humain en 2012 était de 0,34, sur une échelle, instaurée par le Pnud, allant de 0 (exécrable) à 1 (excellent).

La vie économique du pays est basée sur la production de coton et d’arachide et sur l’élevage du bœuf. Avec les sécheresses cycliques, génératrices de famines et de maladies, affectant en général les pays du Sahel, les populations tchadiennes sont en déplacement perpétuel à l’intérieur du pays ou dans les pays voisins à la recherche de moyens de subsistance.

« LE DÉSERT EST UN CANCER QUI PROGRESSE, ON DOIT LE COMBATTRE »

L’ancien président tchadien, Idriss Deby, rappelle une vérité amère, celles qui fait que l’Afrique est victime collatérale d’un développement industriel dans les pays du Nord, responsable numéro un de l’effet de serre, et partant, des changements climatiques.

« Le continent africain, qui émet le moins de gaz à effet de serre, est l’un des plus vulnérables aux effets néfastes du changement climatique », expliquet-il.

En effet, le continent africain, avec ses 30 millions de kilomètres carrés de superficie et sa population de plus d’un milliard d’habitants, ne serait responsable que de 3 à 4 % des émanations de gaz à effet de serre.

Cependant, en combinaison avec des facteurs locaux, ce continent subit la plus grande part de la « colère » de la nature (sécheresse et inondations), avec les conséquences économiques et sociales que l’on connaît: érosion des sol, perte de productivité, assèchement des nappes et sources, perte du couvert végétal, réduction de la biodiversité, appauvrissement des ménages, maladies, famines, déplacements des populations, immigrations clandestines,…etc. « Le désert est un cancer qui progresse, on doit le combattre », estime Idriss Deby.

Devant cette déconvenue de la nature face aux coups de boutoirs de l’homme- émanant aussi bien des gaz à effets de serre, dont les principaux responsables sont les pays industrialisés, que des guerres interafricaines, animées parfois par des groupes terroristes transfrontières- des scientifiques et des hommes de bonne volonté pensent que la défaite peut être contrée et l’espoir peut renaître, pour peu que les forces de progrès se regroupent et mettent en synergie leurs capacités, leur savoir-faire et leurs fonds.

Ainsi, une commission du bassin du lac Tchad, composée de plusieurs pays, existe depuis plusieurs années et se donne pour objectif de canaliser l’eau de l’Oubangui-Logone vers le lac, via la rivière Chari qui s’y déverse directement, afin de redonner vie cette zone humide porteuse de biodiversité et de potentialités économiques. Un projet pharaonique qui manque malheureusement de financement.

La FAO a évalué le processus de désertification dans la région sahélo-saharienne à une perte d’environ 2 millions d’hectares de zones agricoles boisées par an.

Le recul de la pluviométrie, les défrichements continuels et les incendies de forêts, sont les facteurs mis en cause. Pour une grande partie, la raréfaction des précipitations et leur irrégularité, ainsi que les grandes inondations, sont attribuées au phénomène de l’effet de serre généré par les activités industrielles.

Les gaz à effet de serre (GES) identifiés comme provenant de l’activité industrielle sont l’ozone, le dioxyde carbone et le méthane.

A. N. M.

1ère partie

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