L’engagement de l’Algérie sur la voie de la diversification économique, de la création de dizaines milliers d’emplois, de la réalisation de la sécurité alimentaire, de l’ouverture hardie sur les technologies numériques, en d’autres termes, l’engagement sur la voie d’une nouvelle économie désengluée de la rente pétrolière requiert imparablement la réhabilitation de la notion d’entreprise, que cette dernière relève du statut public, semi-public ou privé. L’entreprise est le seul lieu de création de richesse.
Par Amar Naït Messaoud
A ce titre, sous ses différentes déclinaisons (complexes industriels, grandes unités de production, petites et moyennes entreprises, très petites entreprises, micro-entreprises), cette entité dans laquelle se rencontrent et interagissent les moyens financiers, matériels et humains pour produire des biens ou des services doit être située au cœur de la gouvernance du pays en tant que moteur de la croissance et du développement.
Ayant connu une histoire tumultueuse depuis les grandes sociétés nationales sous l’ère du socialisme postindépendance en passant par la restructuration du début des années 80’ et la «libéralisation» du champ économique induite par la Constitution de février 1989-l’entreprise algérienne est appelée aujourd’hui à relever de grands défis charriés par la forte démographique du pays (47 millions d’habitants), les changements climatiques, les grandes problématiques environnementales, la transition énergétique, la mondialisation effrénée des échanges et la géostratégie régionale et mondiale.
Après les semblants de solutions- limitées à des formules de levées de fonds (nouvelles taxations, bancarisation de l’argent de l’informel, emprunt obligataire)- apportées à la crise térébrante qui avait affecté l’économie nationale après la chute des prix du pétrole en 2014, le temps est venu pour envisager des leviers à même de réhabiliter la politique de l’entreprise et d’asseoir une véritable alternative à la culture de la rente.
Nécessaire rééquilibrage
Le nouveau code des investissements promulgué en juin 2022 est destiné, selon le gouvernement, à contribuer à assainir l’environnement de l’entreprise algérienne et à améliorer le climat général des affaires, de façon à renforcer aussi la « destination Algérie » pour les investissements directs étrangers (IDE). Il s’agit maintenant de stabiliser la législation pour une durée raisonnable de façon à lui faire acquérir confiance et crédibilité.
L’on sait, en effet, que le changement fréquent de lois est considéré par les partenaires étrangers (au niveau des agences de notation et d’assurance), comme une forme d’ « instabilité » juridique et institutionnelle.
Sur un autre plan, pour que le code des investissements serve efficacement l’économie nationale, il importe de lutter frontalement contre la bureaucratie, la corruption et l’incompétence dans les structures administratives chargées de l’encadrement de l’investissement.
Autrement dit, une volonté politique bien affirmée est indispensable pour installer une culture de l’entreprise, de l’investissement productif, de l’exportation hors hydrocarbures et de l' »agressivité » commerciale consistant à explorer et à conquérir des marchés étrangers.
La typologie des entreprises, de par le statut les régissant, et leur répartition géographique à l’échelle du territoire national connaissent un déséquilibre révélé par le recensement économique de 2011.
En effet, la culture de l’entreprise continue, par certains aspects, à cultiver quelques relents de l’ancien schéma de l’économie administrée.
Le recensement économique effectué par l’Office national des statistiques (ONS) en 2011, avait mis en évidence la faiblesse structurelle du tissu des entreprises algérienne, en établissant que ce dernier « est dominé par les personnes physiques à 90,6%, contre 9,4 % pour les personnes morales (entreprises), et qu’il repose donc essentiellement sur des micro-entités ».
En outre, la majorité (33,8 %) de ces entreprises était située à Alger. La capitale est suivie, mais avec un fossé géant, par les wilayas de Tizi-Ouzou (7,2%) et Béjaïa (6,7%). Autrement dit, le reste du pays était classé comme un « désert » entrepreneurial.
L’attraction exercée par certains pôles d’emploi au niveau des grandes villes, en l’absence d’investissements créateurs d’emploi dans les zones rurales, est une réalité du déséquilibre régional relevée par l’opération de recensement économique et observée sur le terrain par le plus distrait des observateurs.
Les pré-requis de l’émergence
Ce n’est que depuis quelques années, principalement après la crise du Covid 19, que de nouveaux réajustements commencent à s’opérer à travers les investissements ciblant des créneaux diversifiés, et surtout à travers la politique de la micro-entreprise, des start-up et de l’auto-entreprenariat.
La question qui reste posée est liée à la formation de la ressource humaine, supposée à même de manager les entreprises, toutes catégories confondues (complexas, PME, TPE,..) et de constituer sa force de frappe, à travers les compétences développées au sein de son personnel d’exécution.
L’école, la formation professionnelle et l’enseignement supérieurs sont actuellement dans une phase de remise en cause, consistant, pour chacune de ces institutions, à revoir les objectifs et les modes de formation, afin de se mettre en adéquation avec les besoins réels de l’économie nationale.
Le professeur en management, Abdelhak Lamiri, dans une déclaration, faite en 2013, lors de la promotion de l’un de ses livre, estime que « la puissance d’une économie réside non pas dans le nombre de ses infrastructures, mais dans la qualité de son système éducatif, la recherche scientifique et l’entrepreneuriat-ship (…) Des ressources humaines qualifiées, modernisation managériale des entreprises et de toutes les institutions nationales, des entrepreneurs de qualité, sont autant de prérequis pour aller vers l’émergence (…) Aucune politique macroéconomique ni méso-économique ne peut donner des résultats sans ces fondamentaux ».
A. N. M.







