L’Algérie est déterminée à accélérer la transition de son économie, dépendante à plus de 96 % des hydrocarbures, en s’orientant davantage vers l’économie de la connaissance. Depuis 2020, le gouvernement a déjà pris d’importantes mesures en mettant en place un cadre juridique adéquat, en cours de finalisation, pour soutenir cette transition. Des objectifs ambitieux ont également été fixés par le chef de l’État, visant la création de 20 000 start-ups d’ici 2027, outre, la création de 400 000 emplois à fin 2029.
Par Akrem R.
La réalisation de cet objectif nécessite une véritable synergie entre les différents secteurs, ainsi que le développement d’un écosystème favorable pour stimuler l’innovation chez les jeunes. À cet effet, le ministère de l’Économie de la connaissance, des Start-ups et des Micro-entreprises a tracé une feuille de route qui repose notamment sur le renforcement de l’accompagnement des jeunes innovateurs et la diversification des sources de financement.
Insistant sur la nécessité de mieux soutenir les entreprises existantes en leur offrant une meilleure visibilité, un accès facilité au marché, et un usage plus intensif de la technologie, le ministre Noureddine Ouadah a annoncé hier le lancement, dès la semaine prochaine, d’un nouveau programme intitulé « Kickstart », visant à transformer les projets innovants en entreprises viables.
Dans ce cadre, les incubateurs seront financés par le ministère afin de prendre en charge les projets et idées des jeunes innovateurs et de les transformer en start-ups et entreprises.
Lancement du programme «Kickstart» la semaine prochaine
«Les incubateurs jouent également un rôle central. En 2020, il en existait moins de 20 en Algérie. Aujourd’hui, on en compte 100, dont 70 % au sein des universités. Nous travaillons à leur certification et à leur financement à travers le programme Kickstart», a précisé le ministre lors de son passage au Forum de la radio « Chaîne I ».
L’accent sera également mis sur la formation des gestionnaires d’incubateurs, afin qu’ils adoptent une approche plus entrepreneuriale et puissent convertir les idées universitaires en opportunités économiques.
Le ministre a également souligné que le programme Kickstart sera renforcé pour inclure les incubateurs universitaires. Ainsi, un étudiant porteur d’un projet innovant pourra bénéficier d’un accompagnement après l’obtention de son label et être financé pour transformer son projet en start-up. Pour le ministre l’université est un pilier essentiel de l’écosystème de l’innovation.
«Nous avons mis en place un programme où le projet de fin d’études peut désormais se transformer en entreprise. En 2025, cette initiative sera renforcée pour englober les start-ups, les microentreprises et les auto-entrepreneurs. Actuellement, plus de 1 000 étudiants ont obtenu le label « Projet Innovant », et plusieurs ont déjà décroché le label « Startup »», affirme-t-il.
Ainsi, le ministre a souligné que l’Algérie a réalisé d’importants efforts ces dernières années pour structurer un cadre qui favorise la labellisation, le financement, l’entrepreneuriat et l’accès aux marchés publics. Désormais, dira-t-il, il faut veiller à ce que ces mécanismes soient massivement utilisés par le secteur économique.
«Les entreprises algériennes doivent avoir confiance dans les technologies développées localement et être encouragées à les adopter. Cela leur permettrait d’accéder aux marchés nationaux et d’acquérir une expertise dans le développement technologique, renforçant ainsi leur visibilité et leurs opportunités d’exportation. Ce travail d’encadrement et de soutien inspire également les jeunes à suivre cet exemple. L’objectif est de changer la mentalité des étudiants, pour qu’ils ne recherchent plus seulement un emploi après leurs études, mais qu’ils envisagent plutôt de créer leur propre entreprise», détaille-t-il.
Mobilisation des compétences algériennes à l’étranger
Dans sa stratégie, le ministère compte aussi mobiliser les compétences algériennes à l’étranger afin d’atteindre l’objectif fixé le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, à savoir la création de 20 000 startups.
«Beaucoup de nos ingénieurs et chercheurs travaillent dans les plus grands écosystèmes mondiaux. À travers une collaboration avec le ministère des Affaires étrangères, nous allons bientôt lancer une plateforme numérique qui permettra aux talents algériens, où qu’ils soient dans le monde, de contribuer à l’économie nationale, de créer leur startup à distance et d’interagir avec des laboratoires de recherche et des universités locales», ajoute le ministre.
L’un des plus grands défis de l’économie de la connaissance est la mobilisation des talents et la simplification de leur engagement. «Aujourd’hui, toutes les démarches sont numérisées, mais il est essentiel d’accentuer la communication et la sensibilisation pour favoriser une adoption plus large de ces outils par les acteurs économiques», indique-t-il.
La promotion du secteur technologique algérien sur la scène internationale est un objectif clé de cette initiative. «Si nous voulons atteindre 20 000 start-ups, nous devons être présents dans les plus grands événements technologiques mondiaux. Récemment, 50 start-ups algériennes ont participé au Web Summit au Qatar, représentant fièrement l’Algérie et renforçant l’image de notre écosystème entrepreneurial à l’échelle internationale», a fait savoir le ministre Noureddine Ouadah, annonçant que l’Etat prévoit d’envoyer 300 autres start-ups à l’étranger et d’explorer de nouveaux marchés en dehors du Japon et des PaysBas.
Diversification des sources de financement
Un enjeu majeur concerne la diversification des fonds d’investissement pour les start-ups. En 2020, le président de la République a lancé l’ »Algerian Startup Fund », marquant une volonté forte de soutenir financièrement les jeunes entrepreneurs de manière non conventionnelle.
Ce fonds investit directement dans les start-ups, devenant ainsi un partenaire stratégique. Toutefois, poursuit le ministre, « nous devons aller plus loin et diversifier nos mécanismes de financement. C’est pourquoi, il y a quelques semaines, nous avons lancé un fonds dédié aux start-ups dans le domaine des TIC et de l’intelligence artificielle, en partenariat avec le ministère de la Poste et des Télécommunications. Nous collaborons également avec les associations patronales pour encourager le secteur privé à investir dans l’innovation locale, plutôt que d’importer des technologies étrangères».
En parallèle, un cadre légal pour le financement participatif a été mis en place. Désormais, cette méthode est encadrée et accessible de manière sécurisée via des plateformes numériques. D’ailleurs, la première plateforme de financement participatif a été lancée en Algérie, la semaine dernière. De plus, la Loi de Finances 2023 a introduit des incitations à l’innovation ouverte.
Par exemple, toute entreprise économique peut investir jusqu’à 200 millions de dinars par an dans des projets innovants avec des start-ups.
Intégration des start-ups dans l’économie nationale
Le cadre juridique a été ajusté pour permettre aux start-ups et aux micro-entreprises de bénéficier plus facilement des marchés publics. La révision du Code des marchés publics en 2023 stipule que toute entreprise labellisée start-up peut conclure directement des contrats avec les administrations publiques. De même, 20 % des marchés publics doivent être attribués aux micro-entreprises et aux compétences locales.
«Nous menons des actions concrètes pour sensibiliser les secteurs économiques à cette ré- forme. Chaque semaine, nous organisons des rencontres avec différents ministères afin de rapprocher les start-ups et les microentreprises des besoins spécifiques de chaque secteur», ajoute le ministre.
Par ailleurs, le ministre a précisé que l’objectif principal de son département est avant tout de créer de la richesse, résoudre des problèmes et réduire les importations. Lorsqu’une start-up algérienne réussit, elle crée automatiquement de nouveaux emplois et contribue à la souveraineté technologique du pays. En donnant confiance aux start-ups locales et en leur permettant d’accéder au marché, «nous savons que des dizaines d’emplois seront créés, que nous réduirons les importations et que nous générerons de la valeur ajoutée pour l’économie nationale.»
La stratégie du gouvernement est claire : réduire les importations et encourager la production locale. Le ministère de l’Économie de la connaissance, des Start-ups et des Micro-entreprises jouera un rôle essentiel dans cette dynamique.
Des démarches ont été entreprises avec plusieurs ministères, notamment celui de l’Industrie, pour l’élaboration d’un répertoire des besoins industriels nationaux, afin d’identifier les opportunités pour les entreprises locales. Cela concerne des secteurs stratégiques tels que l’industrie automobile, le traitement des eaux, l’industrie pharmaceutique et l’énergie.
A. R.