La célébration de la journée mondiale sans tabac, qui coïncide avec le 31 mai de chaque année, est venue hier pour rappeler qu’en plus des dégâts en vies humaines qu’il cause, avec une moyenne de 15 000 morts par année en Algérie, le fléau du tabagisme constitue aussi un lourd fardeau économique, particulièrement pour les caisses d’assurances médicales et sociales mais aussi pour le système de santé.
Par Mohamed Naïli
Pour cerner l’ampleur de la consommation du tabac au sein de la société algérienne, le professeur Youcef Terfani, chargé des maladies non transmissibles à la Direction générale de la prévention et de la promotion de la santé au ministère de la Santé, vient de révéler, en mettant en avant des enquêtes menées par le département ministériel, que 16% de la population algérienne âgée entre 18 et 65 ans consomment du tabac à fumer (cigarettes), tandis que 8% de cette même tranche d’âge utilisent le tabac à chiquer.
Si les spécialistes de la santé considèrent que le tabac est la première cause de mortalité évitable, c’est parce qu’il est à l’origine de la hausse exorbitante du nombre de malades atteints de différents cancers et autres maladies pulmonaires au sein des hôpitaux et autres structures spécialisées.
A cet égard, la professeure Esma Kerboua du Centre Pierre et Marie Curie a révélé qu’en Algérie, où pas moins de 3 000 personnes atteintes de cancer du poumon et 3 500 de cancer du côlon sont recensées chaque année, « le tabagisme est le premier facteur déclenchant. La fumée de cigarette contient entre 1 000 et 2 000 agents chimiques dont 69 sont cancérigènes ».
Les révélations de la professeure sur les catégories sociales et tranches d’âge qui s’donnent à la consommation du tabac en Algérie ne sont pas moins inquiétantes. « Les enfants scolarisés au primaire consomment 7 cigarettes par jour tandis que dans les collèges ce sont 13% d’adolescents qui consomment 10 cigarettes par jour», fait-elle savoir, et c’est en tenant compte de ces paramètres que, pour lutter contre le tabagisme, elle suggère aux pouvoirs publics d’ « augmenter au maximum les prix et les taxes des cigarettes pour en réduire la consommation qui a pris de l’ampleur car il ne touche pas uniquement les adultes mais aussi les enfants à l’école ».
Cette démarche peut s’avérer efficace puisque, de l’avis du professeur Terfani du ministère de la santé, « la réduction de l’importation du tabac et la multiplication des taxes imposées à ce produit ont eu un grand impact sur les revenus des fumeurs et a contribué à réduire leur nombre ».
Près de 28% des affiliés à la CNAS fument
De son côté, la CNAS (caisse nationale des assurances sociales), étant fortement impactée par le coût élevé des prestations sociales et médicales induites par le traitement des maladies dues au tabagisme, a mené des enquêtes sur ce fléau ayant permis de constater que le taux de prévalence de la consommation du tabac chez les assurés sociaux est de près de 28%.
Au terme de ses enquêtes, la CNAS a évalué les dépenses mensuelles moyennes par les consommateurs du tabac à 5 488 dinars en 2017, lesquelles dépenses qui avoisineraient les 10 000 DA/mois actuellement en tenant compte des hausses qu’ont connu les prix du tabac ces dernières années et qui peuvent être estimées à plus de 50%.
De l’avis de spécialistes, pour limiter les dégâts du tabagisme, considéré comme un problème de santé publique, une stratégie de lutte contre le fléau doit être mise en place d’une manière permanente et non pas seulement à des occasions bien déterminées, comme c’est le cas hier avec la journée mondiale sans tabac. Cependant, cette stratégie doit être élargie à plusieurs secteurs et non pas confinée au seul secteur de la santé.
« La lutte contre le tabagisme doit être élargie à tous les secteurs. Nous ne luttons pas uniquement contre les maladies que provoque la consommation du tabac, mais contre un comportement social néfaste, d’où la nécessité d’impliquer des sociologues et des anthropologues », déclarait hier le professeur Noureddine Zidouni, chef de service pneumologie à l’hôpital de Beni Messous sur les ondes de la chaîne 3 de la radio nationale.
Pour sa part, le ministère de la Santé opte pour la conception d’ « un guide de lutte contre le tabagisme » pour inciter et encourager les consommateurs à s’éloigner du tabac.
M. N.