L’Algérie se vide-t-elle de ses entreprises? Au vu des dernières statistiques de l’ONS (Office nationale des statistiques), l’Algérie a perdu plus de 1.900 entreprises. Si la pandémie que nous subissons, a pu être un facteur aggravant, elle n’en est pas le facteur déterminant. En effet, des économistes soulignent, que de facteurs exogènes à l’actuelle pandémie ont pesé sur la fermeture de beaucoup d’entreprises.
Par Réda Hadi
Plus que jamais, les facteurs économiques et sanitaires se conjuguent et mettent l’Algérie sous forte pression, et dans cette avalanche de pertes d’entreprises, c’est le privé qui en souffre le plus, même si le répertoire des personnes morales enregistre une augmentation de 8.419 entreprises par rapport à la situation arrêtée au 30 juin 2019, soit 4,52%.
A ce propos, Billel Aouali, expert, souligne dans une déclaration à Eco Times que la perte d’autant d’entreprises, était prévisible et ce dès 2019. «La plupart sont des très petites entreprises, faiblement capitalisées et qui ne comptent guère plus de 10 employés. Très fragiles, elles ont pour particularité de disparaître à la moindre difficulté de gestion et au moindre souci financier. Les difficultés de ces PMI/PME, sont attribuées en général, eu peu d’investissements consentis, et surtout à un marché qui avec la pandémie a pris des proportions jamais égalées auparavant». L’expert précise aussi, qu’avec un marché informel attractif, la main d’œuvre se perd. «Avec le marché informel, la valeur du travail a perdu de sa consistance», note-t-il.
Dans ces pertes constatées, le secteur public tire son épingle du jeu car soutenu par l’Etat, et les personnes morales (métiers indépendants) ont bénéficié d’une certaine aide, qui leur a permis de surmontera un tant soit peu la crise.
Le marché informel a pesé de son poids sur la crise
M. Haddad Mohamed, économiste, abonde en ce sens et met l’accent lui aussi sur la prédominance de l’informel et le climat délétère des affaires en Algérie «Quand une PME/PMI ferme, les employés n’ont d’autres recours que de verser dans l’informel.» «Quant aux ‘’petits patrons’’, les lois en vigueur ne les aident pas à plus d’investissements, pour peu qu’ils en aient envie. L’investissement est surtout orienté vers les grandes entreprises, qui elles-mêmes se plaignent de la mauvaise visibilité du climat économique et n’investissent donc pas», souligne l’économiste.
Billel Aouali nous précise par ailleurs «que l’Algérie a fortement perdu de son attractivité, et le Covid n’a fait qu’amplifier une situation déjà en déclin». Pour lui, ce sont particulièrement les TPE qui ont le plus souffert et du marché informel et de la pandémie
«Tous ces facteurs conjugués, ont causé un subit et massif arrêt des activités économiques et commerciales, ce qui a assombri encore davantage ce tableau macabre des mortalités d’entreprises et notamment, des plus faibles d’entre elles que sont les Très Petites Entreprises (TPE) qui constituent plus de 80% de ce maigre tissu d’entreprises privées algériennes. De nos jours investir en Algérie est devenu, à la limite, un acte de bravoure, tant le parcours est jonché d’obstacles bureaucratiques, rédhibitoires et répulsifs».
L’expert souligne aussi que «la prédominance de l’informel n’est pas un souci. C’est un problème d’envergure qu’il faut traiter en amont. Comment voulez-vous investir, alors que le produit avant même d’être mis en vente est déjà sur les étals de l’informel, à des prix qui défient toute logique concurrentielle. Même l’abrogation de la loi des 49/51, n’a rien fait. Les investissements sont toujours bas.»
54 % des entreprises se situent dans la région Centre
De plus, soutient l’expert, «Ce n’est pas normal qu’Alger capitalise à elle seule, le tiers des activités selon les propres chiffres de l’ONS, qui avance que plus de 31% des entreprises qui ont fermé durant le premier semestre 2020, sont basées à Alger.» Et de noter que «54,42% de l’ensemble des entreprises du pays sont concentrées dans la région Centre. Une raison qui doit pousser les gouvernants à aérer et diversifier localement les entreprises, par plus d’autonomie des autorités locales, avec obligation de résultats».
L’environnement des affaires n’est actuellement vraiment pas propice à la création de nouvelles affaires. Il l’est beaucoup au statu quo et à l’attentisme, qui sont les pires prédateurs de la croissance économique. La propagation du Covid-19 et ses statistiques macabres, auquel s’ajoute le marasme économique induit par la pandémie, ne présagent effectivement pas d’un retour rapide d’une croissance portée par les entreprises.
L’absence de mesures fortes, à l’instar de celles prises par de nombreux États du monde (budgets massifs en faveur des secteurs sinistrés, allègements des obligations fiscales, mesures en faveur des locataires de fonds de commerces, etc.), n’augure rien de bon en matière de sauvegarde des entreprises notamment privées.
R. H.
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