L’accroissement des publicités est effrayant. On est littéralement submergés de messages envahissants et d’informations mensongères vantant les miracles d’un service ou d’un produit. Ces publicités correspondent, en général, à des allégations ou indications fausses, de nature à induire le public en erreur. Le droit en définit les contours et punit les diffuseurs de faux messages, de peines de prison, de saisie ou d’amende.
La publicité mensongère, trompeuse ou interdite, est celle :
– «qui comporte des affirmations, des indications susceptibles d’induire en erreur [le consommateur] sur l’identité, la quantité, la disponibilité ou les caractéristiques d’un produit ou d’un service».
Ex: faire passer un produit industriel pour un produit bio: c’est là que réside toute la différence entre un produit composé de substances chimiques et bourré d’additifs et un produit naturel aux normes biologiques avérées, sans pesticides, herbicides et engrais synthétiques.
– «qui comporte des éléments susceptibles de créer la confusion avec un autre vendeur, ses produits, ses services ou son activité».
Ex: les comparaisons phonétique, auditive ou visuelle sont autant d’éléments à même de créer le doute dans l’esprit du consommateur. Des signes différents visuellement peuvent être similaires phonétiquement: «Ecco et eko». De la contrefaçon est également possible par imitation intellectuelle d’une marque: «Galeries Lafayette et Galeries Layette ou la vache qui rit et la vache sérieuse».
Dans une définition plus large, est assimilée à une publicité mensongère tout comportement tendant à décrire, cacher ou dissimuler des informations fondamentales qui peuvent troubler le consommateur ou influer sur son libre arbitre, lors de l’acte d’achat d’un produit ou d’un service.
Ainsi, lorsqu’on donne de fausses indications sur la composition, les caractéristiques ou l’origine d’un produit, il est évident qu’on induit le consommateur en erreur: il est prêt, dès lors, à tomber dans le piège de la fausseté et de la tromperie, comme un fruit mûr qui tomberait de l’arbre.
Les cas de publicité mensongère sont nombreux et touchent, en grande partie, les produits du secteur agro-alimentaire: les exemples fournis par la presse, les réseaux sociaux et les mass- médias, sont légion.
Prenons le cas de Dannon Co (la filiale américaine de Danone) et de ses yaourts diététiques qui auraient des vertus thérapeutiques et qui agiraient sur le transit. Sommes-nous, à ce point, naïfs, pour croire de telles assertions? Doit-on s’y engouffrer sans questionnements et sans réaction?
Selon des études scientifiques, rien ne permettait de conclure que le Bifidus actif (bactérie utilisée comme ferment dans l’industrie des aliments), contenu dans les yaourts, était bon pour la santé et agissait sur le système digestif. Ceci ne pouvait justifier la vente de ces produits plus chers que les autres yaourts courants. D’après la commission fédérale du commerce, les rapports émanant de Dannon en interne, étaient erronés et les yaourts au Bifidus n’avaient pas d’effets physiologiques bénéfiques. C’est pourquoi, Dannon Co a fait l’objet d’une plainte collective devant les autorités américaines. Contrainte de revoir son discours publicitaire, Dannon Co avait mis en place un fonds d’investissement de 35 millions de dollars afin de dédommager les consommateurs d’activia et d’actimel. La société Dannon qui a obtenu le droit de continuer ses publicités devait désormais, nuancer ses messages publicitaires et écrire, dans une nouvelle mouture, « que activia aide à réguler le système digestif et que danactive (le nom commercial d’actimel) aide à renforcer le système immunitaire ». C’est ainsi que les propos affirmatifs ont été expurgés du texte initial et remplacés par d’autres plus adoucis et plus conciliants, pourrait-on dire (aide à réguler au lieu de régule le….).
On peut également, comme exemples de tricherie, évoquer les produits étiquetés bio respectueux de l’environnement et dépourvus de substances chimiques, d’OGM (organisme génétiquement modifié) et de pesticides. Censés être commercialisés sans conservateurs et sans colorants, sont-ils pour autant exempts de tout reproche?
Dans cette catégorie, il y a lieu de citer les jus vendus dans les grandes surfaces par des enseignes connues. Les boissons proposées contiennent des sucres ajoutés, au-delà de ce qui est autorisé. Les purs jus d’orange, dont les prix varient du simple au triple et parfois plus, ne justifient en rien les écarts constatés, compte tenu de leur qualité et des ingrédients énumérés. A titre d’illustration, des jus de grenade et des eaux de coco, évocateurs d’exotisme, n’ont rien d’authentiques. Les publicités qui les accompagnent en vantent les vertus et les qualités nutritionnelles: vitamine C et produits de synthèse, y sont mêlés.
En France, une association nationale de défense des consommateurs, CLCV (consommation, logement, cadre de vie), dans un dossier de presse, dénonce ces mensonges à ciel ouvert. Les boissons que nous ingurgitons ne sont pas si naturelles, comme on veut bien nous le faire croire. Elles ont un point commun: elles sont, soit moins sucrées, soit remplies d’additifs. Ainsi, « 90%des eaux fruitées et 84% des thés et infusions, en contiennent au moins un. Les industriels compensent la faible quantité de sucre et de jus de fruits par des édulcorants et des arômes. Il est alors difficile de faire un choix entre les boissons pauvres en sucre mais riches en additifs, et celles plus sucrées, avec moins d’additifs (….) ». Peut-on faire le choix entre deux produits à potentiel addictif? Entre l’alcool et la marijuana, oserons-nous dire? Hélas! On est soit dans le mensonge par omission, soit dans le mensonge par commission. C’est selon.
La publicité qui s’adresse aux consommateurs a un véritable impact sur leur mental, car constamment manipulés par les faux messages des vendeurs de rêves et d’illusions. Rêves qui se transforment parfois en cauchemar. Le flot de messages nutritionnels crée la confusion, l’incertitude et le désarroi. Qui croire? Comment croire? Dispose-t-on des outils réflexifs d’analyse? Sommes-nous assez armés pour décortiquer le message séducteur qui pollue nos cerveaux et qui suscite de faux besoins? Sommes-nous en mesure de déchiffrer le discours nutritionnel des barons de l’industrie agro-alimentaire, indéchiffrable et inintelligible?
Comment ose-t-on affirmer que des produits aux «vertus mirifiques» peuvent faire de nos enfants des surdoués? Comment ne pas se révolter face à des publicités mensongères qui vantent des produits miracles, source de bien-être moral, d’épanouissement et de confort santé?
Dans cet univers du mensonge, de l’artifice et de la manipulation, des acteurs essentiels tentent d’empêcher, peu ou prou, les dérives d’un système opaque, sombre et ténébreux:
– L’Etat lorsqu’il réglemente, légifère, édicte et ordonne, intervient comme acteur de la régulation, du contrôle et de la normalisation: il punit la publicité mensongère à travers ses lois et ses règlements. La jurisprudence qui est dans la dépendance de la loi, s’adapte et en comble ses failles (loi),
– Les organisations corporatistes (annonceurs, agences de publicité, supports médias) qui interviennent contre l’abus des mauvaises publicités, édictent des règles de déontologie impliquant le respect d’une éthique professionnelle (intégrité, honnêteté, loyauté et bonne foi…),
– Les associations qui sont chargées de produire, d’analyser et de diffuser des informations de nature à défendre et protéger les intérêts des consommateurs,
-Les institutions internationales dont les principes directeurs constituent des axes de conduite essentiels et pérennes (FAO, OMS…).
Gageons que les actions de ces quatre acteurs contribueront à moraliser, un tant soit peu, l’activité des médias et des publicitaires et que les donneurs d’ordre, les lobbys de l’industrie alimentaire, ne soient pas mus uniquement par l’argent facile, le gain rapide et la cupidité. Alors, en guise de riposte à ces lobbys, ne devrait-on pas, pour vivre plus, consommer moins et mieux? Laissez-nous rêver de nos rêves!
Lies HAMIDI
Docteur en droit