La politique nationale du logement a permis de livrer plus de trois millions cinq cents mille unités d’habitation en l’espace vingt ans, toutes formules confondues (logements sociaux, socio-participatifs, promotionnels, ruraux). Le président de la République a promis, au cours de la campagne pour les présidentielles du 7 septembre dernier, de faire construire deux millions de logements entre 2025 et 2029.
Par Amar Naït Messaoud
Déjà, jusqu’au début du mois d’octobre dernier, une superficie de 14 000 ha a été identifiée et dégagée comme assiettes de construction dans 11 wilayas.
Immanquablement, l’augmentation du parc logement induit par les programmes publics, sans compter l’auto-construction par laquelle se sont édifiées des dizaines de milliers de villas et de maisons individuelles, a charrié une mobilité historique des populations.
À partir des sites de transit, de bidonvilles et d’habitats précaires, ont afflué des milliers de ménages vers les nouvelles cités construites à la périphérie des grandes villes, dans la Mitidja, dans la plaine de Aïn El Bey de Constantine, dans la conurbation d’Oran et dans d’autres ville de dimensions plus modestes.
Au-delà de la notion de relogement ou du choix d’un nouveau logement dans ces nouveaux quartiers, la problématique d’un savoir-vivre ensemble, qui se pose aux nouveaux voisins venus d’horizons géographiques différents (montagnes, Hauts Plateaux, quartiers périphériques dégradés des grandes villes,…) demeure entière, comme reste aussi pendante la question de la création d’un nouvel environnement humain, social, écologique, qui est supposée naître de la rencontre de plusieurs groupes humains porteurs de différences culturelles et de modes de vie.
Avant que les sociologues, psychologues et urbanistes n’aient le temps de se pencher sur ces thématiques, les résultats de ces dé- placements de populations et de leur nouvelle vie commune n’ont pas tardé à s’exprimer- avec leurs heurts et leurs niveaux de conflictualité, aussi bien dans la nouvelle ville de Ali Mendjeli, à Constantine, qu’à Meftah, Birtouta, Chebli, Draâ Errich et d’autres lieux d’habitations.
Des violences urbaines, dont les auteurs sont des jeunes (chômeurs, scolarisés ou déclassés socialement) se sont déclarées, avec un arsenal inouï d’armes blanches (épées samouraï, haches, couteaux, chaînes de vélo,…), dans les quartiers, au bas des bâtiments, dans les établissements scolaires et dans la rue.
La sonnette d’alarme a été tirée par les experts, les élus, les imams et les responsables locaux, quant à l’aggravation continue de ce nouveau phénomène qui est en train d’altérer la cadre et la qualité de vie des foyers et ménages qui élisent domicile dans les nouveaux quartiers.
Des groupes de jeunes, souvent rongés par le chômage et broyant du vide dans de nouvelles cités sans âme, tracent leurs « territoires vitaux » respectifs et s’échinent à créer un climat de malaise, voire un sentiment d’insécurité au sein des populations.
Corriger le déficit d’«habitabilité» et s’inspirer des principes du SNAT
Au-delà de la quantité d’unités de logements destinés à résorber le déficit en la matière et pour lesquels des budget publics conséquents ont été alloués et continuent de l’être, il visiblement temps de réfléchir à la qualité de ces ensembles de nouvelles cités et surtout à leur positionnement et à leur répartition spatiale, en se basant sur les grandes orientations du Schéma national de l’aménagement du territoire.
Les concepteurs des programmes d’habitat commencent à se rendre compte des déficits d’«habitabilité» qui a grève, dans les anciens programmes, un certain nombre d’ensembles résidentiels ou de cités qui ont souffert souvent de lacunes en matière de commodités qui sont censées constituer le cadre de vie des populations.
L’on sait pourtant que, à travers le monde, les concepts d’habitat et de cadre de vie constituent un couple qu’il est difficile de séparer.
En Algérie, l’on a fait le dur constat que le regroupement de fortes populations dans des cités excentrées, sans accompagnement au niveau périphérique ou des dépendances, a fini par induire de multiples travers, où le désordre social, la promiscuité, le déficit d’hygiène, l’inconfort général et l’absence d’espaces récréatifs et ludiques composent un condensé de malaise, d’enfermement et de désordre.
L’on sait que les mesures de nature répressive ne pourront jamais circonscrire définitivement des phénomènes inscrits dans une dynamique sociale liée à l’exode rural, à la composante juvénile de la population et aux difficultés d’accès à l’emploi.
Le fait est que la notion d’habitat devrait dorénavant être perçue sous un angle de totalité qui fait la vie de l’homme, du citoyen et du ménage.
Depuis le début des années 2 000, la politique de construction de logements connaît en Algérie une vitesse soutenue, jamais atteinte par le passée.
Si l’aspect ou la dimension « quantité » semble destinée à prendre en charge une demande sociale allant crescendo- laquelle a aussi ses raisons, dont principalement l’exode rural, le déséquilibre spatial dans le développement économique du pays (d’où de fortes disparités dans les chances d’emploi) et la spéculation- la qualité, quant à elle, est en déficit de vision sur les plans architectural, urbanistique, du cadre de vie et des services publics.
Si bien, d’ailleurs, que les spécialistes de la sociologie urbaine parlent de véritable déracinement qui affecte les populations concernées par les opérations de relogement.
Il est vrai que, avec les nouveaux programmes de l’AADL, certains de ces dérèglements sont en train d’être corrigés, principalement sur le plan de la cohérence de l’ensemble résidentiel où l’on s’occupe maintenant d’une meilleure façon des équipements d’accompagnement (aires de jeux, aménagement urbain, établissements scolaires,…).
Mais, de grands efforts sont attendus dans le volet de l’aménagement du territoire tendant à limiter la littoralisation excessive du développement du pays.
En effet, une grande partie des difficultés sur le plan de la circulation automobile, de la gestion des risques (inondations, glissements de terrain, incendies,…) sont liées à l’engorgement de la partie septentrionale du pays (habitat, commerce, industrie, services publics,..) où vit près de 80% de la population algérienne.
S’inspirer des grands principes du Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT), basés sur un développement équilibré du pays et une gestion rationnelle des ressources, conduira immanquablement au choix réfléchi et mûri d’une politique de la ville, avec ses attributs culturels, architecturaux, urbanistiques et civilisationnels.
A. N. M.