Longtemps laissée en marge des différentes tentatives de relancer la machine économique, la bourse s’avère aujourd’hui un des leviers les mieux placés pour, non seulement, contribuer à la dynamique du marché financier mais aussi pour assurer le financement de l’économie et surtout aider à intégrer dans les circuits réguliers l’énorme potentiel monétaire qui alimente le marché informel.
Par Mohamed Naïli
Tel est le plaidoyer avec lequel le Directeur général de la Bourse d’Alger, M. Yazid Benmouhoub, a tenté hier d’attirer l’attention pour donner une nouvelle considération au marché boursier lors de son passage à la chaîne 3 de la radio nationale dont il a été l’invité de la rédaction.
Au-delà des produits boursiers et son rôle dans l’alimentation des entreprises en capitaux, la Bourse d’Alger peut ainsi être un acteur clé pour le captage des capitaux qui alimentent les rouages de l’économie informelle, estimés à quelques 90 milliards de dollars, et les introduire dans le circuit réglementaire.
« Si des détenteurs de capitaux affichent des réticences à l’égard des produits bancaires classiques, la bourse peut développer des produits spécifiques qui pourraient être un attrait pour attirer ces fonds non bancarisés, à l’image des produits que proposent les banques publiques depuis quelques mois dans le cadre de la finance islamique ».
Il faut dire que la récupération des fonds qui circulent dans l’informel pour les intégrer dans le marché bancaire a fait l’objet de plusieurs efforts, comme cela a été le cas en 2020/2021 lorsque les banques publiques ont lancé une campagne d’incitation à l’épargne moyennant des avantages intéressants en termes de taux d’intérêts et fiscaux. Mais, les sommes récupérées ont été en-deçà de l’objectif escompté. D’où, il s’est avéré que c’est l’épargne classique qui suscite le désintérêt des détenteurs de ces capitaux.
Quant à la prolifération du marché parallèle des devises, le DG de la Bourse d’Alger rejette l’idée selon laquelle l’ouverture de bureaux de change permettrait d’enrayer ce commerce informel. « Les bureaux de change sont destinés aux étrangers et la lutte contre le change parallèle ne peut se faire que par la convertibilité du dinar », estime-t-il tout en considérant que cet objectif n’est pas une priorité dans l’immédiat.
Concernant le financement de l’économie, si, jusqu’ici, ce sont les banques publiques qui assurent cette mission, « la chute des cours du pétrole dès le deuxième semestre 2014 a eu un effet immédiat sur la liquidité bancaire, ce qui nécessite donc un nouveau modèle de financement de l’économie qui doit s’appuyer sur d’autres acteurs, comme la bourse et les fonds d’investissement, et permettre aux banques de financer d’autres secteurs et d’aller vers d’autres solutions de financement ».
Aller au-delà de l’autofinancement et des crédits bancaires
Ce constat sur le rôle prépondérant que jouent les banques publiques dans la mise à la disposition des entreprises économiques, tant publiques que privées, des financements dont elles ont besoin se confirme dès lors qu’ « entre 2000 et 2014, les banques algériennes ont offert beaucoup de crédits bonifiés aux entreprises. Ce qui fait que les entreprises choisissent la banque au lieu de la bourse », fait remarquer le DG de la Bourse d’Alger avant d’appeler à sortir de ce dogme qui, juge-t-il, ne peut pas être en adéquation avec toute stratégie tendant à moderniser l’économie nationale.
L’autre idée reçue sur le marché financier que M. Benmouhoub vient de battre en brèche a trait aux raisons des réticences qu’affiche le secteur privé national envers le marché boursier. Décidément, ce n’est pas le capital privé qui boude la bourse, comme cela a toujours été souligné, mais « nous n’avons pas d’entreprises privées capables d’aller en bourse », déclare-t-il avant de les inviter à « sortir du carcan de l’autofinancement, des financements bancaires, et de se projeter sur des financements de marché, avec toutes les exigences que cela impose en terme de transparence et de gouvernance ».
Connaissant le mode de fonctionnement des chefs d’entreprises privées et leur doctrine en matière de financement de leurs projets, le responsable de l’unique institution boursière que compte le marché financier national évoque un autre facteur qui empêche les entreprises privées, quelles que soient leurs capacités ou leur taille, d’aller vers des sources de financement autres que les propres moyens dont elles disposent ou les crédits bancaires. Pour lui, cet empêchement réside dans le fait que « la décision de l’entreprise revient souvent au fondateur (patron) ou à l’assemblée générale du Conseil d’administration. Or, si ces entreprises veulent travailler dans des marchés internationaux, elles doivent impérativement évoluer en termes d’organisation, et penser des formes beaucoup plus développées comme les SPA (sociétés par actions) ».
M. N.