La respiration que viennent de s’offrir les marchés financiers suggère que les investisseurs attendent un signal fort pour choisir la direction à prendre.
Par Patrick Vignal (Reuters)
Le climat d’ensemble reste favorable aux actifs risqués avec des indicateurs économiques plutôt encourageants, des résultats d’entreprises supérieurs aux attentes, une liquidité abondante et la promesse d’un plan de relance massif aux Etats-Unis.
Les valorisations sont cependant tendues, la plupart desbonnes nouvelles étant déjà intégrées dans les cours, et si lesvaccinations progressent, le risque sanitaire n’a pas disparu,les variants du coronavirus étant loin d’avoir dit leur derniermot.
Mais ce que craignent les marchés par-dessus tout, c’est uneremontée brutale de l’inflation qui conduirait les banquescentrales à resserrer leur politique.
La Réserve fédérale, qui souhaite un retour de l’inflationet a déjà fait savoir qu’elle l’autoriserait à dépassertemporairement les 2%, a tenté mercredi d’apaiser cesinquiétudes par la voix de son président, Jerome Powell, qui aréaffirmé la volonté de l’institution de demeurer accommodantepour soutenir l’économie et l’emploi.
Une hausse des prix est probable en raison de l’ampleur desmesures prises par les banques centrales et les gouvernementspour limiter les dégâts de la pandémie, reconnaît EstyDwek,directrice de la stratégie de marchés pour Natixis InvestmentManagers Solution
«Cela dit, nous ne prévoyons toujours pas de forte peur del’inflation cette année, même si l’inflation est vouée àaugmenter, et nous ne nous attendons certainement pas à ce quela Réserve fédérale (Fed) ‘cligne en premier’ et réduise sespolitiques de soutien bien plus tôt que prévu», ajoute-t-elle.
L’année du buffle ou l’année de l’ours ?
Si les anticipations d’inflation remontent nettement auxEtats-Unis, c’est moins le cas en Europe, ce qui n’empêchera pasles opérateurs de marché d’étudier soigneusement les chiffresmensuels pour la zone euro qui seront publiés jeudi.
L’agenda des prochains jours est chargé en indicateurs avecégalement les chiffres du produit intérieur brut au quatrièmetrimestre pour l’Allemagne lundi et pour la zone euro lelendemain.
En Bourse, ce sera plus calme puisque Wall Street serafermée lundi pour un jour férié que les marchés chinois nerouvriront leurs portes que jeudi après le Nouvel an lunaire.
C’est l’année du buffle qui commence mais certains guettentle retour sur les places financières de l’ours, qui symbolise unmarché baissier (« bearmarket »).
La séquence de hausse des actions pourrait se prolongerencore quelques mois en l’absence d’un choc externe mais lasituation pourrait se dégrader en milieu d’année, dit-on chezJupiter Asset Management.
«Après un tel rallye, la principale question que se posentles investisseurs est simple: quand dois-je vendre mes positions?», souligne Talib Sheikh, responsable de la stratégiemulti-actifs pour la société de gestion.
Pas tout de suite, selon lui.
«Le rallye ne peut pas durer éternellement mais il peutencore durer un certain temps», estime-t-il avant d’inviter àsurveiller les paris sur la volatilité implicite rattachée au S&P-500.VIX, le fameux «indice de la peur», qui n’a riend’effrayant pour l’instant mais évolue tout de même dix pointsau-dessus de son niveau d’il y a un an, soit peu de temps avantla dislocation des marchés.
Le cannabis et le bitcoin mettent l’ambiance
Le calme relatif qui règne sur les marchés vient quand mêmed’être troublé par le bitcoin BTC=BTSP qui s’est envolé versles 50.000 dollars après la décision de Tesla TSLA d’investir1,5 milliard de dollars dans la plus emblématique descryptomonnaies et de l’accepter comme moyen de paiement pour sesmodèles.
«On est encore sur des effets d’annonce» tempère VincentBoy, analyste marché chez IG France. «Il y a certes unengouement sur le bitcoin mais il faudra encore du temps avantd’accorder de la crédibilité à un actif toujours enquestionnement.»
Autre phénomène dans l’air du temps, les actions prisesd’assaut par des investisseurs amateurs s’organisant sur desforums en ligne. Après GameStop GME.N et une poignée d’autrestitres décotés, ils ont jeté leur dévolu sur les valeurs ducannabis. Ce fut bref mais spectaculaire avec un bond de 50%pour l’action TilrayTLRY.O mercredi… et une chute de lamême ampleur le lendemain.
«Il est faux aujourd’hui de dire qu’il n’y a pas uneévolution dans la manière d’investir de la nouvelle génération»,explique John Plassard, spécialiste en investissement chezMirabaud. «Cependant, l’histoire et les expériences récentesnous montrent que pour apporter de l’alpha à un portefeuille, cen’est pas vers le ‘daytrading’ qu’il faut se diriger maisplutôt vers une certaine sagesse qui vous permettra d’investiren plusieurs étapes.»
P. V.