Le thème du développement local commence à s’imposer sur le terrain comme un des axes majeurs du développement général du pays. En effet, les investissements productifs destinés à pourvoir le marché local et, en partie, le marché international, les investissements publics orientés vers des projets d’équipement structurants (transport, santé, éducation, ressources hydriques, énergie…) et le développement local sont des maillons d’une même chaîne qui se complètent et s’imbriquent pour l’objectif global qui est le développement humain.
Par Amar Naït Messaoud
Les collectivités locales, à travers les nouvelles prérogatives que leur offrent les projets des nouveaux codes de la commune et de la wilaya-lesquels sont en maturation au niveau du gouvernement- pourront servir de noyau central de l’action de développement à l’échelle de la commune.
Outre les plans communaux de développement (PCD), les plans sectoriels de développement (PSD relevant des différents ministères, pilotés par les directions de wilaya), les programmes centralisés à impact local, les communes peuvent, y compris dans le cadre de l’actuel code communal, créer des établissements économiques à caractère industriel et commercial.
C’est ce qu’a déclaré l’année passée, dans une déclaration faite à l’Assemblée populaire national (APN), Brahim Merad, ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire. Il précisera que ce sont des entités économiques génératrices de richesse, ajoutant que «plusieurs communes sont aujourd’hui capables de financer des projets de développement à partir de leur propre budget».
Aux communes qui sont déficitaires et classées comme « pauvres », il sera redu justice dans le cadre des réformes générales devant toucher les collectivités locales, la fiscalité et la division administrative du pays dont le processus a été déjà entamé à partir des régions sud du pays.
Le ministre de l’Intérieur rappellera que, 2001 à 2004, « des subventions ont été accordées à toutes les wilayas d’une valeur de plus de 321 milliards de dinars afin de leur permettre d’inscrire des opérations de développement et des projets visant à répondre aux préoccupations des citoyens et à améliorer leurs conditions de vie ».
Le développement local, en tant que mode d’articulation des projets et des politiques publiques au profit des populations, s’est légitimement imposé après les constats de faible impact des politiques publiques centralisées menées au cours des années d’«aisance» financière du début des années 2000 en direction des populations et des territoires.
Des investissements publics dans les infrastructures et les équipements, qui se comptaient par milliards de dollars, des dispositifs de soutien des prix des produits de large consommation et des prestations de services publics de plus en plus importants en volumes et en montants financiers, tous ces efforts, même s’ils ont profité à plusieurs catégories de la population, n’avaient pas pu installer un développement local harmonieux et durable.
Un déficit manifeste
Était constatable dans la coordination entre les différentes structures locales et dans l’articulation des institutions administratives avec les institutions élues.
En outre, le caractère souvent centralisé de la prise de décision et de la formulation des projets ne donnait presque aucune occasion de déceler des différences au niveau des régions du pays dans les différentes facettes du développement local.
L’homme et la communauté comme finalité du développement
En consacrant la suprématie de l’administration sur les structures élues, le code communal de 2001, révisé en 2012, ne semble pas amener une solution miracle pour le développement local.
À cela s’est greffé le code électoral qui, par certains de ses articles relatifs à la constitution de l’exécutif communal et à la désignation du président de l’Assemblée communale, a contribué au blocage de centaines d’assemblée au niveau national, amenant les walis à désigner des administrateurs à la tête des mairies.
Parfois, c’est le chef de daïra, ayant déjà à sa charge plusieurs communes, qui est désigné pour une telle mission.
D’autres fois, c’est le secrétaire général de la commune qu’on appelle pour occuper une telle fonction. Cette rupture de confiance entre le président de l’Apc et les membres de l’Assemblée, induite par le jeu des alliances permis par le code électoral, est naturellement dommageable à la bonne marche de l’entité de base de la pyramide institutionnelle du pays et des populations qu’elle est censée servir.
Le président de la République a promis que le code électoral sera révisé pour éliminer les situations de blocage et assurer une bonne gestion des municipalités. Mieux, dans la vision moderne de la gestion locale, on parlera de management.
La commune, base institutionnelle du pays, institution élue et administration locale à la fois, est appelée à manager son patrimoine, à la fructifier et à produire des richesses et de la fiscalité. Il s’agit de redéfinir a place qui devrait revenir dans l’échiquier politique et dans la pyramide administrative de l’État à la cellule de base qu’est la commune.
Or, il se trouve que, dans l’activité administrative et de la gestion quotidienne, l’Apc peine à s’imposer comme acteur économique, tant est forte la centralisation de la décision et hypertrophiée la place qui revient à l’administration par rapport aux élus. Aujourd’hui, la citoyenneté et la gestion de proximité, couplées à la dimension du développement local, semblent être les nouvelles valeurs qui commencent à se substituer aux anciens schémas centralisés. .
Incontestablement, le développement local est le résultat ou la combinaison des actions, menées sur un même territoire bien défini, par des structures administratives, des instances élues, des organisations professionnelles ou scientifiques, des associations, etc.
Cependant, dans la phase de développement actuelle de notre pays, le constat le moins contestable est que les questions inhérentes au rôle des élus et à leur relation avec l’administration n’ont pas fini de se poser d’une manière franche et abrupte dans l’édifice institutionnel national et ne manquent de se cristalliser dans diverses problématiques, lesquelles, toutes, convergent vers le grand thème générique de la bonne gouvernance.
Assurer la dimension du marketing territorial
Le moteur attitré de la bonne gouvernance, qui est en même temps son indicateur le plus fiable, est ce qui, aujourd’hui, est appelé l’attractivité des territoires. Selon leurs vocations et leurs potentialités naturelles, selon également les compétences humaines et techniques qui en sont gestionnaires, les territoires développent des attractivités différentes, spécifiques, mais qui se complètent à l’échelle des régions et des provinces.
D’après les spécialistes en aménagement du territoire Hubert Gérardin et Jacques Poirot, qui ont coécrit un article de fons dans le périodique « Mondes en développement » n°149-2010, « l’attractivité d’un territoire est généralement assimilée à la capacité d’un territoire à être choisi par un acteur comme zone de localisation (temporaire ou durable) pour tout ou partie de ses activités ; cette attractivité est une attractivité perçue qui n’implique que les personnes physiques, des individus, des ménages ou des équipes… ».
La dimension ‘’attractivité’’ pour un territoire est le creuset dans lequel se réalise la valorisation des ressources de ce territoire, qu’elles soient naturelles, paysagères, foncières, minérales, hydriques, agricoles, forestières.
Une valorisation qui sera à même d’attirer, de fixer et de stabiliser les acteurs ou agents économiques versés dans ces activités, qu’ils soient locaux ou extérieurs. De là émerge le concept de marketing territorial destiner à assurer le rayonnement du territoire sur les plans économique, patrimonial, culturel, touristique, etc.
C’est en replaçant tous les acteurs du développement local sur une nouvelle carte porteuse des principes indiscutables de la bonne gouvernance, et en redistribuant les rôles et les missions des structures et instances desquelles relèvent ces acteurs selon l’équilibre des pouvoirs locaux, qu’une voie pourra être tracée pour un développement local harmonieux dont la finalité demeure l’homme et la communauté.
A.N.M.