À l’instar de tous les pays du monde, la maladie de cancer observe une prolifération en Algérie qui inquiète autant les professionnels de la santé que les pouvoirs publics.
Par Mohamed Naïli
Si en 2019, selon la présidente du Registre national du Cancer à l’Institut national de santé publique (INSP), professeur Doudja Hamouda, 47 000 nouveaux cas ont été enregistrés, tous types de cancer confondus, actuellement le nombre de nouveaux cas diagnostiqués annuellement dépasse les 50 000, vient de déclarer le président de la société algérienne de la formation et de la recherche en oncologie médicale, le professeur Adda Bounedjar, dans une déclaration aux médias, en tirant la sonnette d’alarme sur ce qu’il appelle « l’explosion des cas de cancer en Algérie ».
Ce constat que partage d’ailleurs, son prédécesseur à la présidence de la société algérienne d’oncologie médicale, le professeur Kamel Bouzid, ayant affirmé auparavant que « le nombre de personnes atteintes de cancer en Algérie évoluera au même rythme que celui des pays avancés durant les cinq prochaines années. »
Dans la période antérieure à la pandémie de Covid-19, la présidente du registre national du cancer à l’INSP, se basant sur des résultats d’études menées sur cette maladie, a évalué le taux de prévalence à 112 cas pour 100 000 habitants en 2017, avant de passer à 126 cas pour 100 000 habitants en 2019, tout en faisant état de l’indisponibilité des données concernant les années de la pandémie de Covid-19, à savoir 2020 et 2021, compte tenu de la suspension des campagnes de dépistage.
En revanche, en se référant à d’autres indicateurs, le professeur Kamel Bouzid, a fait état précédemment de pas moins de 65 000 nouveaux cas de cancer, tout types confondus, qui ont été recensés en Algérie depuis le début de l’année 2021, dont 15 000 cas de cancer du sein.
En tout état de cause, à ce rythme, cette maladie, que les professionnels ont déclarée maladie du siècle, constitue l’un des défis majeurs qui se posent au secteur de la santé mais aussi à la sphère de la recherche universitaire en sciences médicales, comme elle constitue aussi, du point de vue économique, un lourd fardeau tant aux caisses de sécurité sociale et d’assurance maladie qu’au Trésor public.
En effet, pour ne citer que la facture des importations en médicaments destinés au traitement des différents types du cancer, pas moins de 450 millions d’euros sont déboursés annuellement, a fait savoir en octobre dernier le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Ali Aoun.
« Nous déboursons 450 millions d’euros par an pour importer des médicaments contre le cancer, et ces fonds sont exorbitants », déclarait Ali Aoun lors de l’inauguration d’une unité de production de médicaments d’oncologie pour quinze formes de ladite maladie, dont le cancer colorectal, du poumon, de la prostate, du sein, de l’os ou leucémie infantile, ainsi que des génériques cytotoxiques, en environnement entièrement confiné.
A son entrée en service prochaine, cette unité de production, relevant des Laboratoires Orion LAB, permettra de réduire sensiblement la facture des importations, malgré que le projet en question, a affirmé aussi le ministre de l’industrie pharmaceutique, a enregistré un retard de pas moins de quatre années, et sa relance n’est rendue possible que grâce à la suppression des « obstacles précédents qui étaient un frein pour les investisseurs ».
60 unités de radiothérapie en projet
Au niveau des caisses de sécurité sociale, que ce soit la CNAS ou la CASNOS, la prise en charge des maladies liées à l’oncologie médicale représente l’un des principaux postes de dépenses, que ce soit en remboursements de médicaments et traitements contre le cancer, la prise en charge au niveau des structures de santé ou en paiement de congés de maladie.
En outre, évoquant la situation prévalant au niveau des structures de santé, le professeur Bounedjar fait remarquer que « la prise en charge des cancers en Algérie n’est ni rose ni noire. Il y a des choses qui sont positives. En plus des différents centres de radiothérapie, il y a par exemple plus de 60 unités ou services en projet au niveau national », tandis qu’actuellement, il y a « 15 services de radiothérapie au niveau national (mais) ne suffisent pas », alors que, estime-t-il, « il y a un manque de médicaments, on n’a pas vécu cela depuis 2012. Il y a quelques perturbations, mais une amélioration est perceptible ».
Concernant l’évolution sur de cette maladie sur le long terme et l’état des lieux pour chaque catégorie du cancer, un groupe de chercheurs dans le domaine, estimant que « le cancer constitue un problème de santé publique en Algérie », vient de publier une étude en septembre dernier intitulée « Epidémiologie des cancers en Algérie, 1996–2019 », en faisant ressortir que « de 1996 à 2019, des tendances défavorables de l’incidence ont été observées pour les cancers du poumon et du côlon-rectum chez les deux sexes (homme/femme, ndlr), ainsi que pour le cancer du sein féminin. En revanche, une diminution continue des taux d’incidence du cancer du col utérin a été observée. Quant à la prostate, aucune tendance correspondante n’a été ressortie pour ce cancer », avant de conclure que « la tendance à la hausse des taux d’incidence de certains cancers souligne la nécessité de renforcer les efforts dans le domaine de la prévention ».
Une autre étude se penchant sur l’évolution de cette maladie qui, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), est « la plus redoutée de l’époque actuelle », relève, depuis 2014, une prédominance du cancer du sein chez la femme, tandis que le cancer broncho-pulmonaire prévaut chez les hommes. L’étude a également révélé que les projections à 2025 donnaient une augmentation du nombre des cas pouvant dépasser les 70 000 nouveaux cas/an.
M. N.