Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a annoncé une augmentation tant attendue du montant de l’allocation touristique lors de la dernière réunion du Conseil des ministres. Cette décision intervient dans un contexte de difficultés persistantes liées aux devises en Algérie.
Par Houria Mosbah
L’euro, qui a atteint un pic historique de 260 dinars sur le marché parallèle, est devenu difficile à se procurer, rendant les voyages à l’étranger de plus en plus coûteux pour les citoyens.
Cette initiative du gouvernement relance le débat sur l’avenir de cette allocation et son rôle dans la gestion des problèmes monétaires que traverse le pays.
Pour de nombreux Algériens, l’allocation touristique, maintenue à 100 euros par an depuis des décennies, ne couvre même pas les dépenses essentielles d’un voyage à l’étranger. La dévaluation du dinar, couplée à la rareté des devises, complique davantage les voyages.
Bien que l’augmentation annoncée puisse enfin répondre aux attentes des citoyens, des doutes persistent quant à sa capacité réelle à répondre à leurs besoins.
Parallèlement, l’existence d’un marché noir des devises en Algérie met en lumière une déconnexion profonde entre la politique monétaire officielle et les réalités économiques du pays.
Alors que le taux officiel de l’euro demeure stable autour de 150 dinars, sur le marché parallèle, l’euro se négocie aujourd’hui à 260 dinars.
Cette situation illustre une offre de devises largement inférieure à la demande, poussant les Algériens à recourir à des canaux non officiels pour financer leurs voyages.
Il est donc crucial de se demander si l’augmentation de l’allocation suffira à réduire l’écart entre les deux marchés ou si cela ne sera qu’un pansement sur une plaie plus profonde.
Pour mieux saisir l’impact de cette crise sur les citoyens, il est pertinent de comparer la situation algérienne à celle de pays, qui ont su mieux gérer la question des devises touristiques.
En Tunisie, par exemple, les citoyens bénéficient d’une allocation annuelle pouvant atteindre 6000 dinars tunisiens par personne/par an, facilitant ainsi leurs déplacements à l’étranger.
De plus, ces pays ont mis en place des systèmes bancaires plus ouverts, permettant un accès simplifié aux devises et réduisant ainsi l’impact du marché noir.
Dans ce contexte, la faiblesse de l’allocation actuelle en Algérie, couplée à la difficulté d’accès aux devises, constitue une barrière supplémentaire à la mobilité internationale.
En outre, bien que considéré comme illégal, le marché noir des devises joue un rôle crucial dans l’économie algérienne.
En l’absence d’une offre suffisante via les canaux officiels, il est devenu une véritable industrie parallèle, garantissant l’approvisionnement en devises pour de nombreux citoyens et entreprises.
Toutefois, cette situation met en évidence l’inadéquation de la politique monétaire actuelle.
Pour atténuer cette dépendance au marché informel, l’État devra non seulement augmenter l’allocation touristique, mais aussi repenser en profondeur la gestion des devises étrangères dans le pays.
Nécessité d’une réforme structurelle
La « crise » des devises n’a pas seulement un impact financier ; elle touche également les esprits, notamment ceux de la jeunesse algérienne.
Voyager représente une opportunité d’ouverture, d’apprentissage et de découverte, mais pour beaucoup, ce rêve est devenu hors de portée.
Pour cette génération, la mobilité internationale est perçue comme un privilège inaccessible, entraînant un sentiment de frustration et d’isolement.
La difficulté d’accéder aux devises nécessaires à leurs voyages est ressentie comme une entrave à leur développement personnel et professionnel.
Dans ce cadre, l’annonce de l’augmentation de l’allocation touristique apparaît comme un pas dans la bonne direction.
Cependant, pour que cette mesure ait un impact réel, elle doit être significativement augmentée et mieux adaptée aux besoins actuels.
Une révision de la politique d’accès aux devises, accompagnée d’une plus grande disponibilité dans les banques et d’une réduction des écarts avec le marché parallèle, pourrait offrir une alternative plus sûre et moins coûteuse aux citoyens.
Par ailleurs, moderniser les services bancaires, serait essentiel pour restaurer la confiance des citoyens et limiter l’attrait du marché noir.
Bien que l’augmentation annoncée de l’allocation touristique soit une réponse nécessaire à un problème persistant, elle ne suffira pas à elle seule à résoudre les problèmes structurels qui freinent la mobilité des Algériens.
Sans une réforme en profondeur de la gestion des devises et du système bancaire, le marché noir continuera de prospérer, et les citoyens resteront confrontés à des coûts élevés et à une mobilité restreinte.
La balle est maintenant dans le camp de l’Etat pour mettre en place des mesures durables et inclusives.
H. M.