Première partie : les droits institutionnels
Les droits des associés sont tout autant institutionnels que pécuniaires et patrimoniaux. Les droits institutionnels comprennent le droit à l’information et le droit de vote, notamment.
Les droits pécuniaires se résument en droits aux dividendes, aux réserves et au boni de liquidation. Enfin, les droits patrimoniaux consistent en la cession des droits sociaux (procédure et vente de parts sociales).
1- Les droits institutionnels (articles 582 et 585 code de commerce)
1.1- Le droit à la communication informationnelle
L’associé a droit à une information régulière constante et périodique :
Information constante :
Tout associé a le droit de consulter et de prendre connaissance des documents sociaux suivants, des trois derniers exercices, au siège de la société :
Le compte d’exploitation générale;
Le compte des pertes et profits ; Les procès-verbaux et les rapports soumis aux assemblées ; La copie des statuts en vigueur……
Information périodique :
Le gérant est tenu par la loi d’adresser aux associés quinze jours avant la tenue de l’assemblée les comptes sociaux, le texte des résolutions proposées, le rapport de la gérance ainsi que, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes.
1.2- Le droit de vote
Le droit de vote apparaît comme un des éléments essentiels du pouvoir des associés. Ces derniers disposent d’un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu’ils détiennent. Ce principe d’égalité est d’ordre public.
Les associés sont convoqués ou consultés par lettre recommandée. L’initiative de la convocation revient au gérant ; toutefois en cas de défaillance du représentant légal, un ou plusieurs associés représentant au moins 1/4 en capital social, peuvent demander la réunion d’une assemblée.
Par ailleurs, tout associé peut demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour.
Les règles de majorité obéissent au pouvoir économique reparti au sein de la société entre les associés ; chaque part sociale ouvre droit à une voix.
Une remarque sur les moyens de communication s’avère nécessaire : à l’ère de l’intelligence artificielle et des satellites, il est regrettable que le droit algérien n’ait pas prévu le vote à distance (visioconférence), tant les avantages de ce mode de transmission sont nombreux. En effet, la visioconférence abolit les frontières.
Elle permet de rapprocher les collaborateurs et les décideurs ; d’améliorer la compétitivité (gain de temps et d’argent) ; de prendre les décisions à distance, en associant toutes les fonctionnalités d’une réunion en présentiel : la voix, l’image et la qualité des interactions.
De même, la visioconférence favorise l’adoption d’un comportement écologique et le respect de l’environnement : éviter les gaz à effet de serre gé- nérés par les déplacements (train, véhicule, avion…..).
Les décisions sont prises à la majorité qualifiée, à la majorité relative et à l’unanimité dans des cas rares.
Majorité qualifiée :
Pour les assemblées générales extraordinaires (modification des statuts) la majorité retenue est celle des trois quarts du capital social.
Ainsi, l’associé majoritaire possédant 75% des parts, peut à lui seul approuver les décisions relevant de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire, sauf aux minoritaires à invoquer l’abus de majorité.
A l’inverse un groupe d’associés possédant 26% des parts peut bloquer toute résolution relevant de la compétence ou des prérogatives de l’assemblée générale extraordinaire. Les autres associés plaidant l’abus de minorité.
Majorité relative :
Dans les assemblées générales ordinaires, les décisions sont prises à la majorité des associés représentant plus de la moitié du capital social.
Sauf disposition contraire des statuts, si la majorité n’est pas acquise lors de la première consultation, la décision est prise à la majorité des votes émis, quelle que soit la portion du capital social, à la deuxième consultation (art 582 cc).
Unanimité :
La transformation d’une société à responsabilité limitée en société en nom collectif (SNC) nécessite, selon l’article 591 du code de commerce, l’accord unanime des associés. Le droit algérien n’envisage que ce seul cas ou l’unanimité est requise.
Quid des autres situations importantes qui peuvent affecter le consentement des associés et leur adhésion à cette architecture qu’est la société à responsabilité limitée ?
Quelle mesure faut-il adopter lorsqu’il y a un changement de nationalité de la Sarl, un transfert du siège social à l’étranger, une absorption de la société par une autre ou encore la transformation de la Sarl en une autre forme que la SNC ? Ne faut-il pas appliquer l’unanimité dans tous ces cas, compte tenu de l’importance des décisions ?
Autant de questions qui demeurent sans réponse et qui sont essentielles pour établir un équilibre des pouvoirs et la protection juridique des minoritaires, notamment.
Précisément, nous tenterons à travers un exercice pédagogique de déterminer l’équilibre des pouvoirs et le bouleversement des majorités, par référence à la détention de parts. Il est juste de préserver cet équilibre et ne pas contrarier le désir des associés de s’associer et de collaborer sainement au succès de l’entité commune(Sarl).
Il faut, pour ce faire, éviter que le côte à côte consenti lors de la formation du contrat de société ne se termine en dos à dos, par la disparition de l’affectio societatis.
1.3- Pouvoir économique et détention de parts
Il y a lieu d’appréhender au mieux la capacité d’influence (force conférée aux majoritaires) dont peuvent disposer les associés au sein des assemblées générales.
Les pouvoirs qui sont de nature institutionnelle, patrimoniale et financière sont susceptibles de créer des déséquilibres au sein des assemblées ordinaires ou extraordinaires, d’où la nécessité de bien cerner les contours du pouvoir économique (nombre de parts détenues) entre les mains des associés.
Que peuvent faire les associés qui détiennent 1 à 49%, 26, 50, 51 à 74 ou 75% de parts et plus.
01 % à 49% des parts (majorité relative)
La majorité simple ou relative est le total de voix supérieur à celui de chacun des coassociés, suffisant pour l’emporter quand la loi n’exige pas une majorité absolue.
Les associés assistent aux assemblées générales. Ils peuvent agir ut singuli (procédure menée à titre individuel) et mettre en cause la responsabilité des dirigeants, si l’action de ceux-ci leur porte préjudice à titre personnel.
26 % des parts (minorité de blocage)
Les associés disposant de 26% du capital social (minorité de blocage) peuvent bloquer les décisions qui relèvent de l’assemblée générale extraordinaire, mais attention à l’abus de minorité.
Le danger guette les minoritaires qui seraient tentés de favoriser des intérêts propres au détriment de l’intérêt des autres associés. C’est encore une fois l’intérêt de la société qui sert de boussole sociale et qui permet de dire si un minoritaire se rend coupable d’abus de minorité ou pas.
50 % des parts (ni majorité, ni minorité : égalité des parts)
Les deux blocs d’associés, ici, s’opposent mutuellement au risque d’entraver le fonctionnement de la société et de mettre en péril la continuité de l’activité sociale.
Les associés qui disposent de 50% du capital social chacun peuvent bloquer les résolutions des assemblées générales ; il peut y avoir abus d›égalité. L’autorité judiciaire peut être amenée à dissoudre la société pour absence d’affectio societatis.
Cette expression latine désigne la détermination de s’associer et de collaborer sur un pied d’égalité. Il y a, là, un élément intentionnel qui s’apparente à un engagement et une volonté de se regrouper pour atteindre un objectif commun.
On est dans la sphère de l’affectif (affectio) et de l’émotionnel ; une unité de l’âme et du corps pourrait-on dire. Le défaut d’affectio societatis est synonyme de mésintelligence et de désamour.
51 % à 74 % des parts (majorité absolue)
La majorité absolue est le total de voix supérieur à la moitié des voix exprimées. Les associés sont en mesure de prendre toutes les décisions qui relèvent de l’assemblée générale ordinaire; les minoritaires invoquant l’abus de majorité, s’il y a lieu.
La majorité se rend coupable d’excès de pouvoirs, lorsqu’elle abuse de son droit : la minorité ne doit s’incliner devant la décision de la majorité que si l’intérêt social est préservé.
75 % de parts et plus (majorité qualifiée)
C’est la proportion de voix supérieure à la majorité absolue, exigée pour l’emporter dans certains votes particulièrement importants.
Les associés se rendent maîtres de l’assemblée générale extraordinaire mais l’exercice d’un pouvoir omnipotent et prépondérant n’est pas sans conséquence. Les associés minoritaires ont la possibilité d’invoquer, là aussi, l’abus de majorité.
En effet, si les décisions prises par la majorité sont contraires à l’intérêt social et donc sacrifient les intérêts légitimes des minoritaires, le risque est grand pour les actionnaires majoritaires de se rendre coupables d’abus de majorité. Aussi, l’action est ouverte à tous ceux qui peuvent se prévaloir d’un intérêt légitime pour agir.
L. H. Docteur en droit
La 2éme partie : « Les droits pécuniaires et patrimoniaux » dans notre prochaine édition.







