En dépit d’une crise économique difficile, aggravée par la pandémie de la Covid-19, l’Algérie écarte tout recours à l’endettement extérieur, notamment au Fonds monétaire international (FMI), pour son équilibre budgétaire. Le chef de l’Etat choisit, en effet, de rationnaliser les ressources internes et de les mettre à contribution, notamment les sommes astronomiques circulant hors circuit formel et celles, non moins importantes, gaspillées dans des projets fantoches tels que ceux du montage des véhicules.
Par Akrem R.
Cette position a été réitérée, hier à Alger, par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors d’une allocution prononcée à la cérémonie d’installation des membres du Conseil national économique, social et environnemental (CNESE). «L’Algérie ne va pas recourir à l’endettement extérieur», a-t-il réaffirmé, en précisant que si le pays en a besoin, «nous irons à l’endettement intérieur». Selon le chef de l’Etat, des sommes colossales sont dissimulées et stockées hors circuit bancaire, dont une grande partie continue d’alimenter le marché informel. Selon les estimations du président Tebboune, pas moins de 10 000 milliards de DA, soit l’équivalant de 90 milliards de dollars, alimentent le marché informel. « C’est un réel problème auquel nous devons trouver des solutions afin d’en finir avec le manque de liquidités au niveau des banques et, également, de répondre aux besoins du financement de l’économie nationale», a-t-il souligné, en demandant au gouvernement et au CNESE de trouver les meilleures solutions à cette problématique. « Il est temps que cet argent serve à relancer notre économie», a-t-il insisté.
En effet, un gros travail est à consentir par le gouvernement afin d’inciter les détenteurs de ces Fonds à intégrer la sphère officielle. Le Premier ministre, ministre des Finances, Aïmene Benabderhhamane, avait déclaré en mars dernier, que toutes les pistes sont ouvertes, y compris une «amnistie fiscale», pour réussir l’opération de bancarisation de l’argent du secteur informel, en affirmant dans ce sens, que « nous sommes à l’écoute de toutes les propositions», mais pour l’instant, l’Etat a lancé la finance islamique dans l’objectif d’atteindre un certain niveau d’inclusion financière et «nous prendrons des mesures rationnelles».
Rationalisation des dépenses
Évoquant le commerce extérieur, le chef de l’Etat a indiqué que la politique de rationalisation des dépenses prônée, donne ses fruits. La facture d’importation a été réduite de moitié durant les 2 dernières années, s’est-t-il réjoui. « Durant les 10 dernières années, l’Algérie importait pour 60 milliards de dollars/an. Actuellement, la facture ne dépasse pas les 31 milliards de dollars, tout en répondant aux besoins de notre population et de l’économie. L’importation est une nécessité absolue, mais qui doit être complémentaire à la production locale et non pas la dominer», a-t-il insisté, en précisant que c’est l’importation anarchique qui est à l’origine des déficits de notre balance commerciale. «Aujourd’hui, et grâce aux réformes structurelles que nous sommes en train de mener, nos exportations en hydrocarbures et hors hydrocarbures sont suffisantes pour le paiement de nos importations, sans puiser dans les réserves de change», a-t-il ajouté. À travers cette politique de rationalisation des dépenses et diversification de notre économie, dira-t-il, «on évitera de revivre le scenario des années 90, où l’Algérie était contrainte de recourir au FMI».
Dans ce cadre, le président de la République a souligné l’impératif d’affranchir le pays de l’économie de rente, en assurant que « l’Etat accompagnera tous les investisseurs sérieux». «Nous avions une économie sous-développée, fondée sur les recettes des hydrocarbures et des importations. Nous devons trouver des solutions pour nous libérer de la rente» a-t-il martelé.
Se préparer à l’exportation
Il a assuré que les pouvoirs publics œuvrent déjà à donner à l’économie nationale une orientation qui corresponde aux spécificités du pays. « Nous devons nous préparer à aller conquérir des marchés à l’international, notamment en Afrique, où nous étions parmi les premiers à adhérer à la Zlecaf», a-t-il lancé à l’adresse des opérateurs économiques. Ces derniers sont appelés à participer au développement d’une véritable industrie locale et non pas à investir dans des projets d’investissement similaires à ceux de voitures. Ces derniers sont qualifiés, d’ailleurs, par Tebboune, de grande escroquerie et fiasco pour l’économie nationale. « Nous avons perdu 3,2 milliards de dollars dans les projets de montage de voitures, sans le moindre apport à l’économie nationale et aux Algériens. Ces voitures étaient plus chers que celles de l’importation!», a-t-il déploré.
Toujours dans le domaine de l’investissement, le chef de l’Etat a estimé «anormal» qu’un investisseur importe deux fois plus de quantités de sucre que l’Algérie n’en a besoin pour procéder ensuite à l’exportation !
Évoquant le rôle du secteur privé dans le développement économique du pays, le chef de l’Etat a regretté le fait que ce dernier demeure fortement dépendant des ressources de l’Etat. Les projets d’investissement sont financés à hauteur de 90% par les banques publiques. « Ce n’est pas normal qu’un opérateur économique n’ait pas de fonds pour son propre investissement. Les gens qui veulent travailler ne doivent plus compter sur l’aide de l’Etat» a-t-il conclu.
A. R.