Les politiques publiques intègrent de plus en plus la communauté nationale installée à l’étranger. Qu’ils résident en France, en Allemagne, en Belgique, au Canada ou sous d’autres latitudes, le membres de la diaspora algérienne gardent un relation étroite avec le pays d’origine, et ce, malgré le fait que la nature de l’émigration ait beaucoup évolué par rapport aux premières années de l’indépendance, où c’étaient des jeunes ouvriers célibataires, souvent sans qualification, qui se rendaient principalement en France et dont l’encadrement légal était assuré par les Accords de 1968 entre l’Algérie et la France.
Par Amar Nait Messaoud
Aujourd’hui, l’émigration algérienne concerne une frange importante de diplômés de l’Université, touche les hommes et les femmes, organise souvent des regroupements familiaux et s’éloigne de plus en plus de la traditionnelle perspective de retour.
Autrement dit, l’installation en famille aboutit souvent à une installation définitive, malgré cet attachement à la patrie qui pousse ces mêmes familles à visiter leur pays, souvent, plus d’une fois dans l’année, particulièrement à l’occasion des grandes fêtes religieuses (les deux Aid ) et de la saison estivale, outre, le cas échéant, lors des fêtes familiales de mariage et de funérailles.
Par ailleurs, les moyens de communication modernes (TV, télé- phone, internet, réseaux sociaux) ont brisé les distances et les cloisons.
La communication est devenue instantanée, qui permet à notre diaspora de suivre ce qui se passe en direct dans le pays et recevoir les nouvelles de leurs proches.
Après avoir presque ignoré, pendant de longues décennies, le potentiel que représente, sur le plan économique, culturel et « élitaire », l’émigration algérienne à l’étranger, l’Algérie commence à déployer des efforts en direction de Sa communauté installée à l’étranger, principalement dans les pays occidentaux (Europe et Amérique du Nord) où, par le nombre, elle pèse d’un poids important.
Il faut bien se « réveiller » à cette réalité, la communauté nationale dispersée aux quatre coins du monde, qui, dans plusieurs pays du Sud, a joué un rôle primordial dans le processus d’établissement d’une économie solide, diversifiée et ouverte sur la recherche et le développement.
Ce sont des passerelles précieuses qui se justifient par le terrain favorable dans lequel une partie de l’émigration- celle qui a accédé aux études supérieures, aux hautes fonctions de commande et à la maîtrise technologique dans les pays d’accueil- a évolué en Europe, en Amérique ou sous d’autres latitudes.
Le cas des passerelles que la communauté turque a établie en Allemagne-plus de deux millions et demi de persoonnes-a jetées avec la mère-patrie en matière d’apport technologique et managérial ainsi que d’investissement est assez éloquent et constitue un bel exemple à suivre par les autres pays « fournisseurs » de diasporas.
Faire sauter le verrou bureaucratique
Paradoxalement, il se trouve que pour le cas de l’Algérie, une grande partie de la composante de cette élite universitaire a reçu sa formation initiale dans son pays d’origine avec un financement assuré par l’État algérien.
Les conditions de travail, de recherche scientifique et d’évolution sociale étant jugées insuffisantes, les porteurs de cette formation ont exploré, à leur corps défendant, de nouveaux horizons pour s’installer en Occident, dans des laboratoires de recherche, dans les hôpitaux, dans grandes fabriques industrielles, dans des unités de montage électronique et de conceptions de logiciels informatiques.
Les quelques initiatives faites auparavant par les pouvoirs publics, allant dans le sens de l’implication optimale de l’émigration algérienne dans le processus de développement du pays, avaient obtenu peu de résultats.
Pire encore, des émigrés, agissant de leur propre initiative, en essayant de s’installer en Algérie en tant qu’investisseurs, professeurs à l’université ou dans n’importe quelle activité innovante, avaient, au cours des années d’embellie financière ( entre les années 2000 et 2014), furent déçus par le climat des affaires mû par des ressorts rentiers, peu portés sur la production locale et l’innovation.
Même les transferts financiers, en devises fortes, des Algériens établis à l’étranger auraient pu être plus florissants si une relation de confiance est établie avec leur pays d’origine. En 2024, le volume de transfert de fonds a été de 1,942 milliards de dollars, un montant inférieur à celui de l’année 2023, qui était de 1,868 milliards de dollars.
Néanmoins, ce décompte officiel, établi par les services de la Banque mondiale, ne prend pas en considération les changes informels faits sur le marché parallèle de la devise. Autrement dit, les transferts sont plus importants que ce montant situé, depuis plusieurs années, sous la barre de deux milliards de dollars.
Transfert de technologie
Des efforts sont attendus de l’administration pour créer un climat de confiance et établir des ponts de coopération entre l’élite
scientifique et économique algérienne installée à l’étranger et son pays d’origine. L’Algérie a besoin de la contribution de tous ses enfants. Il s’agit alors de faire sauter les verrous bureaucratiques qui pèsent encore dans cette relation, sachant que, sur le plan politique, les autorités du pays ne cessent de donner des gages de bonne volonté qu’il y a lieu de transformer en actes sur le terrain de la gestion de l’économie nationale. Il appartiendra aux institutions chargées d’un volet aussi stratégique d’effacer les images de l’ancien mode de gestion qui avait fait que, par exemple, des de professeurs algériens, installés à l’étranger et tentant de revenir dans leur pays pour faire profiter l’université algérienne de leur capital scientifique, furent confrontés à des problèmes futiles et bureaucratiques du genre « équivalence de diplôme »?
L’on se souvient des promesses et déclarations des anciens responsables politiques à se sujet, mais qui n’avaient pas eu de prolongement sur le terrain.
L’ancien président du Conseil nationale économique et social (Cnes), M. B. Babès, affirmait, il y a plus d’une décennie, « vouloir » jeter de nouvelles passerelles- fécondes et bâties sur la logique du gagnant-gagnant-, avec la diaspora algérienne. Il s’agissait, précisait-il d’ « arrimer la diaspora à la stratégie de développement du pays », particulièrement la composante « élitaire » de cette population, ajoutant que « tout projet qui n’est pas soutenu par des actes concrets ne peut aboutir à des résultats fiables ».
Il s’agit aujourd’hui, par-delà la représentation politique, bien légitime, de la diaspora- par le truchement de l’Assemblée populaire nationale et du Ministère des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger- de produire des actes concrets sur le front de l’incitation aux investissements économiques, sur le sol national, de cette communauté, de l’échange scientifique et universitaire qui puisse profiter aux institutions de recherche algériennes et de l’encouragement du volet touristique de façon à drainer le maximum de visiteurs émigrés pour découvrir leur pays et, par ricochet, enclencher un mouvement d’entraînement pour la destination Algérie en direction des visiteurs étrangers.
L’Algérie est dans un besoin pressant d’impliquer tous ses enfants dans l’édification d’une économie forte et compétitive à même d’assurer bien-être, revenus et sécurité alimentaire à toute la population. Les transferts technologiques sur lesquels se multiplient débats et analyses, sont censés prendre d’abord leurs quartiers dans l’exploitation de toutes les énergies nationales expatriées, et Dieu sait qu’il y en a à profusion.
A. N. M.