(1ère partie)
Exporter pour une PME de l’industrie agroalimentaire, est un acte complexe pour certaines d’entre elles. Cette décision peut s’avérer parfois risquée, voire fatale, compte tenu de leurs moyens financiers limités. Plusieurs raisons peuvent, en général, conduire une PME à vouloir se lancer dans l’exportation. Sans proposer une liste exhaustive ou hiérarchisée, on peut d’ores et déjà proposer un panorama des motivations observées :
Par M’hamed MERDJI et Djamel GUEMACHE (*)
– Mieux exploiter les potentiels techniques à disposition et réduire ainsi la sous activité machine
-Un taux de croissance meilleur que celui observé au niveau territorial
– Eviter, dans certains cas et dans certains pays aux astreintes liées à la législation sur le travail et bénéficier d’une main-d’œuvre moins chère
– Echapper au pouvoir des distributeurs, prescripteurs ou centrales d’achat locales et essayer d’améliorer sa marge dans le déroulé de la chaine de valeur
– Produite dans le pays en question afin de prévenir éventuellement toute importation de produits d’imitation à des prix bas
-Compenser une stagnation du marché intérieur faute d’une croissance soutenue
– Maintenir des marges coûte que coûte compte tenu d’une concurrence intérieure agressive
-Retrouver une certaine liberté dans la politique de prix (dans le cas d’un savoir-faire de spécialité par exemple)
– La possibilité de réaliser des associations ententes ou joint-venture pour bénéficier d’économies d’échelle et agir sur le niveau des prix pour les répercuter, au final, sur le marché intérieur
– Echapper à des normes de plus en plus draconiennes en Europe ; normes qui impactent sur les prix de revient notamment
– Des procédures d’entrée douanières ou administratives simplifiées compte tenu d’accords bilatéraux ou multilatéraux
– Des taxes faibles associées aux importations,
– L’absence de quotas éventuels mis en œuvre ou de licences d’importation requises
-Un assouplissement des contraintes imposées aux emballages,
-l’absence de réglementations sur certains additifs requis dans l’incorporations de certaines recettes de produits
Mais la raison majeure généralement observée, pour certaines PME de l’agroalimentaire, est le ciblage d’une population ayant une même culture historique ou la présence d’une diaspora de nationaux dans ces pays, ayant donc les mêmes attentes en termes de consommation.
Avant de s’interroger sur des possibilités éventuelles à l’export il est nécessaire de bien connaitre à la fois ses propres forces et faiblesses sur le marché intérieur et dans le ou les pays visés.
Or, paradoxalement, certaines directions ne connaissent pas, en général, ou n’ont pas une approche claire de leurs marchés et de leurs clientèles faute d’une segmentation, d’un ciblage et d’un positionnement claires face à leurs concurrents directs sur leur propre territoire.
Ces responsables ont tendance à se préoccuper davantage de la résolution des problèmes urgents de tous les jours et ne disposent pas, dans de nombreux cas, d’un système d’information marketing.
On observe notamment un manque d’informations récurrent au niveau :
– de la connaissance de leurs concurrents réels,
– du taux d’importation pratiqué sur le marché des différents groupes de produits,
– du nombre de clients possédés par groupes de produits faute d’une approche analytique,
– du taux de croissance réel actuel ou prévisionnel du marché de ses différents groupes de produits
– ou de la rentabilité par groupes de produits.
Quelle démarche préconiser pour disposer d’un éclairage de la situation actuelle de l’entreprise ?
Un premier recours consisterait à vérifier, si ce n’est pas le cas, quelle est la situation stratégique actuelle réelle de l’entreprise. Pour cela une solution simple consiste à observer la situation actuelle de ses produits et marchés au travers du prisme classique de la matrice ci-dessous mise au point par ANSOFF.
Si nous acceptons l’idée qu’un marché est en fait un vivier dans lequel s’exprime des besoins ou des désirs, on peut tout à fait simplement considérer qu’un produit est porteur en soi d’une solution, d’une réponse en quelque sorte à ce besoin exprimé. Le principe énoncé de « couple produit-marché » repose en partie sur ce principe.
Chaque carré exprime en soi une stratégie à étudier attentivement par le dirigeant conformément à la vocation, culture et atouts de l’entreprise.
Le carré : produits existants-marchés existants qui suggère « une pénétration du marché » fait référence à l’idée d’orienter la réflexion stratégique de l’entreprise sur les actions susceptibles d’augmenter les ventes actuelles auprès des mêmes clients via une augmentation de la part de marché par exemple grâce à un développement de la clientèle ou à une augmentation de ses ventes auprès de la clientèle actuelle.
Plusieurs actions sont dès lors possibles pour renforcer ses ventes à la condition de tenir compte des spécificités de l’entreprise ; elle peut :
- Augmenter les volumes vendus auprès des clients actuels par des ristournes, rabais et remises conséquents à la condition bien sûr de faire jouer les économies d’échelles
- Elargir les zones de distribution géographiques sur le territoire et rendre ainsi le produit davantage accessible
- Apporter un léger plus au produit actuel en prenant en compte les remarques des clients ou distributeurs
- Améliorer la présentation de ses produits ou l’emballage pour attirer des non-consommateurs relatifs
- Proposer éventuellement de nouvelles utilisations de son produit
- Accroitre sa notoriété, mettre davantage en avant ses produits
- Augmenter ses ventes par l’acquisition d’un concurrent qui œuvre sur le même marché Racheter un concurrent
Le carré : Produit nouveau-Marché existant signifie que l’entreprise souhaite proposer de nouveaux produits à ses clients acquis à sa cause en mettant en avant par exemple le capital sérieux ou confiance. La PME va tout simplement, dans ce cas, proposer des produits souvent complémentaires à ceux existants à ses clients.
Plusieurs actions sont dès lors possibles pour proposer de nouveaux produits ou services à la condition de tenir compte des spécificités de l’entreprise ; elle peut :
-Elargir sa gamme de produits actuels tout en gardant une certaine cohérence avec son positionnement aux yeux de ses consommateurs actuels
-Recherche de nouveaux débouchés ou segments de marchés pour les utilisations actuelles
-Offre d’échantillons, démonstrations, essais gratuits à des non-utilisateurs potentiels
-Réduire les prix pour attirer de nouveaux utilisateurs
-Présenter le produit sous forme économique ou sous une marque agressive
-Accroitre les actions de promotion de ventes auprès des non-utilisateurs potentiels
Le carré : produits actuels- marchés nouveaux signifie que la PME va distribuer ses produits sur un marché autre que celui sur lequel elle opère traditionnellement
Pour cela elle peut :
-Affiner la segmentation de son marché (exemple le bio ou le marché des végans)
-se positionner sur une nouvelle zone géographique
-ou proposer une MDD (marque de distributeur) pour le ne pas perturber ses clients actuels par une image brouillée.
La suite dans notre édition de demain
(*) Docteur en sciences de gestion, Professeur de marketing à Montpellier Business School et expert à l’international
Docteur en management Ecrivain-chercheur