Face à la mondialisation des marchés et à des consommateurs de plus en plus exigeants, compte des récentes crises sanitaires survenues ces dernières années et ayant touché le secteur de l’agroalimentaire (vache folle, grippe aviaire…), les pouvoirs publics ont adopté une politique de certification pour mener une politique de labellisation de plusieurs produits qui proviennent de différentes régions et susceptibles de répondre aux sigles IG et AO. Cette démarche constitue une réponse judicieuse pour contrebalancer éventuellement les risques liés à de potentielles dérives du e-commerce.
Par (1) M’hamed MERDJI (2) Djamel GUEMACHE
Le e-commerce ou commerce en ligne, pour rappel, est un processus d’achat, vente ou d’échange d’un bien ou un service par voie électronique et spécialement via le Net.
Ce mode de distribution présente, cependant, à la fois des avantages et des inconvénients.
Il a révolutionné le monde des petites et moyennes entreprises en leur permettant, moyennant des budgets modiques, de proposer leurs produits et de se positionner au plan national, voire international, sans pour autant s’engager dans des investissements lourds (publicité, agents commerciaux ou revendeurs, etc.)
De ce fait le e-commerce permet d’être visible tout en réduisant à la fois les frais commerciaux et toucher de nombreux prospects. Lorsqu’il est accompagné d’une démarche sérieuse et en phase avec les attentes des clients cibles, il permet une visibilité et singularité des produits et la possibilité de fidéliser ses clients, voire les transformer en ambassadeurs de l’entreprise ou de la marque. Ce succès passe bien entendu par la qualité du feed-back généré (les avis favorables déposés notamment).
En revanche les risques ou inconvénients liés au e-commerce sont légion. Côté entreprise, cette dernière peut être confrontée au problème de sécuriser ses données et les paiements ; l’obligation d’assumer le coût de la livraison et le retour éventuel des produits ; de subir la démarque inconnue (vols, casse, etc.)
Pour le consommateur se pose le problème de la conformité du produit perçu au travers du prisme de l’image qui peut être sublimée faute de contact physique direct avec le produit avant l’option d’achat. L’incertitude dans certains cas d’entrer réellement en possession du produit et l’obligation de s’engager dans l’inconnu de longues procédures juridiques. La possibilité de subir à son tour un préjudice qui peut avoir lieu soit au départ ou lors de l’acheminement du produit. Voire également des délais trop longs entre le paiement effectif et la réception du colis
Quels pourraient être les conséquencesdu e- commerce sur la sécurité alimentaire ?
Du fait de l’impossibilité de disposer d’échantillonsou de pouvoir éventuellement contrôler au préalableles informations apposées sur les produits et contrôler de visu leur mode de production, il existe alors la possibilité d’une manipulation qui ferait peser un risque majeur aux consommateurs du fait d’une possible non-conformité à la région d’origine et par là le non-respect d’une législation qui rapporte une assurance quant aux conditions de production, collecteet de conservation. Ceci constitue dès lors une porte ouverte à des risques majeurs susceptible de planer sur la santé et par voie de fait l’apparition de maladies causées par unnon-respect des températures indiquées, desconditions d’hygiène, de la conservation et de transport douteuses qui impacteront inéluctablement sur la qualité des produits . Dans de nombreux pays, la chaine du froid peut laisser parfois à désirer et peut poser des problèmes pour des produits tels que les glaces, crèmes glacées supposées être maintenues à une température de l’ordre de -18° ou les viandes entre 4° jusqu’à -7°.
Le contexte actuel est plus que jamais préoccupant pour les ventes de produits alimentaires en ligne car ces dernières ont été amplifiéesavec l’avènement du COVID qui a boosté manifestement les ventes en ligne dans le monde et en Europe à la suite des restrictions imposées par les gouvernements. Cette explosion du commerce électronique de denrées alimentaires pose alors le problème non seulement de son impact sur les réseaux de distribution traditionnels (la vente directe ou les marchéstraditionnels paysans qui entretiennent les liens traditionnels dans le monde rural par exemple) mais également les risques qui pèsent sur le consommateur compte tenu de la complexité des acteurs en présence.
Il est certain que cette nouvelle forme de distribution pose le problème du suivi et de la gestion des denrées alimentaires depuis le vendeur jusqu’au consommateur et la nécessité de renforcer éventuellement la transparence de l’information à chaque étape pour protéger et garantir la sécurité, au final, du consommateur.
Cette quête de sécurité du consommateur s’échelonne depuis le producteur en passant par les conditions de transformation, conditionnement, stockage, acheminement et livraison du produit au consommateur
Pour cela, il convient d’étudier au cas par cas chacune des étapes et mettre en place ; le cas échéant, une information claire à la disposition du consommateur. Il ne faut pas perdre de vue que les produits vendus en ligne peuvent présenter un risque grave pour la santé et une fausse déclaration peut conduire à des situations irréversibles.
Le vendeur en ligne est supposé en théorie fournir une information claire, exhaustive et sincère que ce soit au niveau des conditions de production, des ajouts aux produits alimentaires, de l’emballage, du stockage, de l’acheminement et de la livraison pour finir. Cette chaine est à première vue complexe et difficile à contrôler au niveau de chacun de ses maillons sans oublier la responsabilité que les uns peuvent rejeter sur les autres.
Le consommateur est alors en droit de demander au producteur de faire la preuve que ses produits ne sont pas contaminés par quelque agent pathogène qu’il soit (parasites ou autres) ou qu’ils ne contiennent pas d’allergènes par exemple. La vigilance devrait être totale pour des produits tels que les arachides, le blé ou le gluten.
Un focus est nécessaire d’emblée pour vérifier la situation du producteur (existence effective sur le plan juridique, situation financière saine pour éviter toute cessation d’activité, la possibilité de consulter les avis positifs ou négatifs éventuellement déposés, la manière dont son affaire est organisée, ses conditions de production et les intrants associés, la conformité du conditionnement et de l’emballage aux normes sécuritaires requises, les conditions et la durée de stockage des produits, la réalité de la date limite de consommation indiquée, sa logistique disponible, le respect des délais de livraison, les conditions de paiement à distance sécurisées, sa connaissance des règles douanières et des produits autorisés à l’importation pour le ou les pays en question, etc.) et la liste est longue.
En cas de manquements sanitaires ou de fraude, le consommateur doit être en mesure de saisir la juridiction compétence au faîte des problèmes juridiques soulevés lors de transactions internationales.
L’étiquetage se doit d’être exhaustif sur le descriptif des composants ou autres additifs, les quantités respectives et autres afin d’éviter la fraude alimentaire qui touche souvent des produits comme le miel, l’huile d’olive ou les produits alimentaires dits biologiques.
Afin de limiter les dérives, un certain nombre d’informations obligatoires se devraient d’être accessibles par le client avant de se lancer dans une quelconque transaction et la liste est longue si l’on souhaite réellement préserver ses intérêts :
-Les nom, coordonnées téléphoniques et adresse du professionnel ;
-Les conditions générales de vente ;
-Les caractéristiques principales du produit ;
-Le prix du produit ;
-Les délais et frais de livraison ;
-La durée de validité de l’offre ;
-Les modalités de paiement ;
-Les conditions de livraison et les éventuelles restrictions de livraison ;
-La date ou le délai auquel l’entreprise s’engage à livrer les produits ;
-Les possibilités de se rétracter ;
-Le service après-vente ;
-Les conditions pour retourner éventuellement le produit et les conditions de remboursement ou d’échange le cas échéant ;
-Les recours en cas de non-réception de la marchandise ;
-Les conditions de transport du produit (chaine du froid et risques de rupture éventuels ; contrôle des conditions d’exposition du produit (lumière, humidité, chaleur,..) ;
-Les Recours en cas de non-conformité du produit ;
-La sécurité des paiements
-Etc.
Cette approche succincte de l’impact du e-commerce sur la sécurité alimentaire pointe du doigt la complexité des informations requises pour essayer de préserver au mieux l’intérêt d’un consommateur en quête d’achats de produits alimentaires via le net sans occulté bien entendu son impact majeur sur les réseaux traditionnels en vogue dans la plupart des pays du Maghreb : la vente directe et les marchés dits paysans (emplois, maintien et préservation du monde rural, impact sur les cultures et traditions,..)
(1) MERDJI M’hamed est Docteur en sciences de gestion
Professeur de marketing à Montpellier Business School et expert à l’international
(2) GUEMACHE Djamel est Docteur en management
Ecrivain-chercheur